UN SURSAUT PATRIOTIQUE OU UN EFFONDREMENT DANS LA CONTINUITE
Notre pays le Bénin, est à un tournant de son histoire. En effet, le Bénin est de nouveau dans l’impasse. Cette impasse est si visible et si criarde qu’elle ne peut plus se cacher. Plus personne ne la nie. La crise est politique, économique, sociale, morale et éthique. Tout indique que nous abordons la fin d’un cycle. Les concours truqués, le procès Dangnivo avec les signes évidents d’un crime d’Etat, les scandales à répétition et surtout l’impunité qui constitue la clé de voûte du système montrent qu’autre chose est appelée. Face à cette situation et comme à l’accoutumée, beaucoup de voix s’élèvent pour proposer des solutions selon les intérêts qui ne sont pas nécessairement ceux des travailleurs et du peuple.
I- La reconnaissance unanime de la faillite du Renouveau démocratique
Que le pouvoir de Boni Yayi ait conduit le pays dans le gouffre, seuls les bénéficiaires de la gouvernance scabreuse actuelle le nient. La faillite de celui qui est venu avec les promesses de Changement puis de Refondation est patente et sans appel et se décline dans tous les domaines et sur tous les tons.
1- De la gouvernance désastreuse de Boni Yayi……
En 2006 après les 10 ans de Kérékou-2 au pouvoir, la situation était presque pareille. Kérékou qui venait de finir ses deux mandats dont le deuxième obtenu dans des conditions rocambolesques après un match amical au deuxième tour en 2001 dont tout le monde se souvient avec Bruno Amoussou, ne voulait pas lâcher le pouvoir. Pour cela, son ministre des finances, Antoine Sèhlin, déclarait qu’il n’y avait pas d’argent pour organiser les élections. Pour terroriser et faire pression sur le peuple, Kérékou a fait revenir le tortionnaire Martin Azonhiho comme ministre de la défense ; et tout ceci après avoir vainement tenté de modifier la Constitution. La mobilisation populaire a fait échouer les prétentions de Kérékou. Le peuple était prêt à jeter son dévolu sur n’importe qui, pourvu que Kérékou s’en aille. Voyant que ses chances de rester au pouvoir ne pouvaient prospérer, Kérékou refila en sous-main, en accord avec l’impérialisme français qui l’avait déjà adoubé, Yayi Boni au peuple qui croyait avoir trouvé celui qui allait le délivrer des maux dont il souffrait. Après le changement, puis la refondation, Yayi Boni est en train de finir ses 10 ans exactement comme Kérékou sinon pire avec un pays sens dessus sens dessous.
Le pouvoir qui est venu en criant que «ça doit changer, ça peut changer et ça va changer» s’est révélé le continuateur jusqu’à la fin de tous les forfaits du Renouveau démocratique : attaques constantes contre les libertés, crimes de sang, pillage des ressources publiques et des citoyens, braderie du patrimoine public, fraudes, tripatouillages électoraux.
Boni Yayi et son équipe se sont mis, dès leur installation en 2006, à la tâche de piller systématiquement le pays et ses ressources. Il commença par rejeter la revendication de la publication des audits du pouvoir de Kérékou, impunité oblige. La voie était libre pour la cascade sans fin des scandalesles uns plus scabreux que les autres : Icc-service, CEN-SAD, machines agricoles, centrale électrique de Maria-gléta, avions et hélicoptères présidentiels, siège du parlement, Pvi, Sodéco, Lépi truquée, Fonds Fadec, Ppea2, etc. Les entreprises publiques sont systématiquement pillées, détruites pour être offertes en bradage à des acquéreurs étrangers : Affaire Sbee, Sobemap, Bénin-télécom, Port autonome. Les concours d’entrée à la fonction publique sont truqués et ne sont que des placements et des ventes de postes par Boni Yayi et ses acolytes. De même, les attributions des marchés publics, des primes et subventions sont soumises à des ristournes en termes électoraux ou financiers. Les crimes de sang ont accompagné Boni Yayi tout au long de son règne. L’un des auteurs présumés du meurtre du juge Coovi, le sieur Gbadamassi est un des soutiens et chantres les plus zélés de Boni Yayi. Les débuts du procès de l’enlèvement et de la disparition de Pierre Dangnivo, un cadre du ministère des finances, ont révélé l’implication directe du Chef de l’Etat et de sa police politique dans ce crime. De même que l’assassinat de son ex-ministre, dame Bernadette Sohoudji Agbossou apparaît comme un crime d’Etat.
Les attaques contre les libertés ont abouti au retrait du droit de grève aux douaniers qui protestaient contre le Pvi. Des projets de texte anti-grève menacent la jouissance des libertés constitutionnelles. Des manifestations publiques sont interdites de façon arbitraire et réprimées de façon sauvage. Tout le monde a encore en mémoire la répression sanglante de la marche conduite par des responsables syndicaux le 27 décembre 2013. On aura vu des préfets interdire même des réunions en salle, et ces préfets zélés sont promus même à des postes ministériels.
La corruption systématique et sans fard des responsables véreux dans le milieu syndical et associatif réduit les droits de représentation des travailleurs et des citoyens et entretient une faune de responsables traîtres et commerçants au profit du pouvoir. Les chefs religieux de toute confession ainsi que les dignitaires traditionnels sont soumis par la pression financière aux désidératas de Boni Yayi. Son parti, les FCBE, s’est transformé en un parti-Etat qui peut tout se permettre, par qui doit passer la jouissance par le citoyen de tout droit : les libertés et l’accès aux média publics, un marché public, une subvention d’Etat, un emploi public, une promotion administrative.
Ce n’est plus le mérite ni l’effort qui déterminent le succès et la promotion, mais le parrainage ou la rançon.
On nous prédisait la fin ou tout au moins l’atténuation de la fraude et des tripatouillages des élections avec l’élaboration d’une Lépi. On nous en a vanté tous les avantages. Certains sont allés jusqu’à déclarer que la Lépi, un instrument électoral, serait le socle de la démocratie. Yayi a, là encore, eu le génie de montrer tout ce que le pouvoir peut en tirer comme assurance à la réalisation de ses desseins. La Lépi aura informatisé tout simplement la fraude et les tripatouillages. Les listes ainsi que des logiciels de traitement informatique truqués donnent les résultats déjà préprogrammés. Boni Yayi, avec la Lépi, réalisera un hold-up électoral et inaugurera «un coup, KO» qui devient maintenant la règle en Afrique.
Pour accomplir tous ces forfaits, Boni Yayi s’est appuyé sur le fondement du régime du Renouveau :l’impunité consacrée avec l’immunité personnelle octroyée au chef tortionnaire et pilleur Mathieu Kérékou. Il avait connu et compris que si ceux qui hier «avaient bouffé avec la cuillère» n’avaient pas été punis, il est loisible à ceux qui veulent et peuvent «bouffer par la louche» de le faire également sans être inquiétés. Au bilan, le pays est dans le gouffre. Pour tout le peuple, le scénario catastrophe redouté en 1999, celui dit du Waxala est présent. La misère s’est étendue. L’Ecole est en ruine : sans maître du cours primaire à l’université, quatre enseignants sur cinq au secondaire sont des vacataires, des échecs massifs aux examens, (un candidat sur deux échoue au BEPC et deux sur trois échouent au bac) et un chômage endémique à la fin. L’administration est déglinguée. La jeunesse est en déshérence. La probité et le patriotisme, les valeurs cardinales pour relever et reconstruire le pays, en berne.
Devant l’évidence et l’ampleur du désastre, il devenait difficile de ne pas prendre du recul, de ne pas rechercher où nous avions trébuché. La critique du système en place est objectivement mise à l’ordre du jour.
2- … A la reconnaissance de la faillite du renouveau démocratique
Se retrouver devant une telle catastrophe dix ans après avoir chanté avec Boni Yayi le changement, après avoir participé avec lui à la marche «verte» contre la corruption, a obligé certains de ses anciens partisans à reconnaître qu’ils s’étaient trompés, qu’ils avaient trompé le peuple. Roger Ahoyo reconnait qu’ils avaient « pris un leurre pour le vrai changement » et que « nous nous retrouvons, dix ans plus tard,gros jean comme devant, face à un champ de ruines » (Bénin, après Boni Yayi ; in «La Nouvelle Tribune» du 12 octobre 2015).
Ensuite, Boni Yayi, en se basant sur les pouvoirs mêmes de la Constitution, s’est naturellement assujetti toutes les institutions, les réduisant à des caisses de résonnance. Il a pu se réjouir publiquement du fameux Pin-in-Pan-an entre lui et le président de l’Assemblée nationale. La solidité d’un édifice ne se mesure vraiment que quand il est secoué. A l’épreuve, l’édifice construit par la Conférence nationale montrait au monde entier des contrefaçons monstrueuses. Tous ceux qui vilipendaient le PCB pour avoir osé analyser, prouver et conclure que la Conférence nationale était un marché de dupes sont mis devant les faits. Roger Ahoyo écrit : «La dernière décision de la Cour constitutionnelle, qui a créé la confusion sur l’âge requis pour être candidat à l’élection présidentielle ; cette décision a convaincu tout le monde qu’il faut revisiter toutes nos institutions, (souligné par nous) à commencer par la Cour Constitutionnelle » (Bénin, après Boni Yayi ; in «La Nouvelle Tribune» du 13 octobre 2015).
Victor Topanou, quant à lui, dans une discussion postée sur sa page facebook en octobre 2015, déclare : « Aujourd’hui tous les gens sérieux sont unanimes pour reconnaître que le Bénin est dans l’impasse… Les deux seuls points qui font encore débat, c’est premièrement la nature de l’impasse et deuxièmement comment en sortir.
En ce qui concerne la nature de l’impasse, il ne s’agit sans doute pas d’une impasse comparable à celle de 1989-1990 ; à l’époque, il s’agissait d’une crise de l’Etat béninois devenu incapable de remplir les fonctions essentielles qui sont celles d’un Etat moderne à savoir éduquer, soigner, nourrir et sécuriser.Aujourd’hui, il s’agit d’une crise de notre démocratie ou plus précisément de notre modèle démocratique. » (souligné par nous).
Dans sa parution du 20 novembre 2015 Numéro 1324, le journal «La Croix du Bénin» écrit dans un article intitulé « La déroute des partis politiques » ce qui suit : « A y voir de près, et on ne le dira jamais assez, la situation est préoccupante. A priori, avec un peu de recul, c’est comme si 25 ans après la Conférence des forces vives de la Nation de février 1990, la démocratie béninoise est sur le point d’être désorganisée. » (souligné par nous).
Le constat est donc sans appel. Désorganisation de la démocratie béninoise, crise de notre modèle démocratique, revisiter toutes les institutions, voilà le résultat auquel, « à y voir de près », « a priori, avec un peu de recul », aboutit le journal «La Croix», 25 ans après la Conférence des forces vives de la Nation. Après avoir usé et ruiné le peuple, le modèle tourne au cauchemar. Victor Topanou écrit: « le vote s’achète et la fraude électorale est érigée en élément surdéterminant de la victoire. Les institutions qui par nature incarnent le vrai, le juste, le beau sont ici tournées au service du faux, de l’injuste et du vilain. L’impunité et la corruption généralisée sont érigées en modèle de société, (…). Tous les corps de la société sont gangrenés ».
3- …. Et à la caractérisation du système politique au Bénin
Un système politique se caractérise d’abord par le mode d’ascension et de renouvellement des organes du pouvoir. Dans la monarchie, l’ascension est réservée à une famille royale et donc sur le droit de sang. Dans une république, c’est le peuple qui détient la souveraineté et si cette république est démocratique, l’ascension se fait par l’acquisition de la majorité des voix. Or, au Bénin, comme l’exprime bien Victor Topanou, malgré le code électoral « le vote s’achète et la fraude électorale est érigée en un élément surdéterminant de la victoire…. En un mot l’impasse démocratique que nous traversons peut se résumer au rôle malsain, qu’à la faveur de notre démocratie, nous faisons jouer à l’argent.». «La Croix du Bénin», dans la parution citée plus haut, écrit dans son éditorial titré « Impasse ! » ce que tout le monde sait : « Elections du chef quartier, du conseiller communal, du député et des membres du bureau de l’Assemblée se font au vu et au su de tout le monde sur fond d’argent ». L’ascension et le renouvellement au pouvoir se font sur la base de l’argent et de la fraude. On n’est plus alors dans le cadre d’une république démocratique, mais dans le cadre d’un régime politique où le pouvoir appartient aux riches. Nous sommes alors dans le cadre d’une ploutocratie. La consécration de l’impunité permet l’édification en quelques années de richesses colossales à ceux qui sont en affaire avec le pouvoir. L’impunité crée des cercles aptes à la fraude, des réseaux de type mafieux. Le système politique au Bénin est une ploutocratie mafieuse. Bien sûr, dans toute république bourgeoise, l’argent joue un rôle, notamment dans l’accès aux infrastructures de propagande, mais pas dans l’achat des électeurs, des élus et des membres des structures d’organisation des élections. Ici et plus généralement en Afrique francophone, il s’est instauré une systématisation de la fraude et des élections truquées. Et le pouvoir d’Etat, une fois conquis, est exercé au profit de ces riches mafieux, où chaque service d’Etat, chaque poste de l’administration, chaque adjudication d’un marché public, etc. est mis sur le marché occulte au plus offrant et le plus riche gagne. La domination impérialiste en fait une république ploutocratique mafieuse bananière où les désirs de l’ancien colon, qui détient également une puissance financière, font lois. Le système mis en place par la Conférence nationale de 1990, par la légalisation de l’impunité dont la fameuse immunité personnelle accordée au chef tortionnaire et pilleur Mathieu Kérékou, a abouti dans les faits à un régime ploutocratique de type mafieux qui consacre cette impunité. Alors, se pose de façon frontale, la question de que faire ?
II- Les propositions de solutions en cours.
Lorsque l’on examine les discours et déclarations des différents partis et candidats, on peut classer les propositions de solution en trois groupes : la continuité, les réformes de replâtrage, la révolution.
1- Boni Yayi et la continuité de sa gouvernance calamiteuse
Pour Boni Yayi et son parti-Etat, les FCBE, la solution réside dans la continuité. « Après nous, c’est nous », telle est leur volonté ouvertement déclarée. Les critères pour la désignation du candidat des FCBE à la prochaine présidentielle le stipule clairement. Il faut que le candidat assume le bilan de Boni Yayi et s’engage à continuer son œuvre. La continuité signifie que les arrières du pouvoir corrompu soient protégés, que les crimes politiques et économiques restent impunis et que se poursuive et se renforce la mainmise de l’impérialisme français et des puissances étrangères sur le pays. On doit se souvenir que Boni Yayi a été officiellement adoubé par la France avec sa décoration par Chirac en 2005. La continuité signifie l’accord de la France au candidat. Le candidat de Boni Yayi doit être désigné, comme cela avait été son cas, de commun accord avec l’impérialisme français.
La continuité n’empêche pas des réformes d’un certain ordre. Celles permettant et facilitant le pillage ainsi que la duperie et le musellement du peuple. Le projet de révision de la Constitution conçu dans le sens d’un renforcement des lois antidémocratiques (retrait du droit de grève à des secteurs entiers de travailleurs, diminution des prérogatives du parlement, multiplication des organes budgétivores, etc), est toujours sur la table des députés. Mais, pour la continuité, rien ne doit se faire contre la racine du fléau que constitue la corruption, l’impunité.
Au contraire, les droits et les libertés des travailleurs doivent être amputés pour plus de libertés aux pilleurs et aux fraudeurs de toutes catégories.
A défaut d’une immunité, Boni Yayi et ses partisans sont alors à la recherche de celui qui sera le mieux à même de lui couvrir les arrières et poursuivre l’œuvre de pillage du pays. Le maître impérialiste français qui se sent également les intérêts menacés en Afrique par d’autres puissances, dont la Chine, veut relancer une offensive afin de regagner le chemin perdu. Il faut, plus que jamais, raviver le pacte colonial. On assiste alors à une croisade de reconquête de type colonial avec la multiplication des bases militaires et des guerres de la France en Afrique: Côte-d’Ivoire, Libye, Mali, Tchad, Centrafrique, etc. Le soutien à des dictateurs avérés demeure également d’actualité. On l’a vu avec le soutien de François Hollande au référendum de Sassou N’guesso du Congo Brazzaville pour la révision de la Constitution en vue de permettre à ce dernier de se perpétuer au pouvoir. Le couloir pour l’acheminement des produits du Niger, la proximité d’avec le Nigéria, première puissance en Afrique, font du Bénin un point stratégique dans l’offensive de l’impérialisme français en Afrique. Pour l’ancien colonisateur, il faut un président entièrement dévoué et ancré dans la FrançAfrique.
Les agences de l’impérialisme français avaient depuis conclu au discrédit total des partis et dirigeants politiques hauts bourgeois du Bénin. Un article de leur politologue attitré pour le Bénin, Monsieur Banégas, publié en septembre 2013 par le journal «La Nouvelle Tribune» indiquait cette conclusion. Donc, pour l’impérialisme français, il fallait explorer d’autres voies. A cette aune, il y a d’une part et d’abord des éléments forgés directement par la grande bourgeoisie française, des hommes évoluant dans les cabinets français concepteurs et défenseurs de la FrançAfrique. Lionel Zinsou en est un. Il y a ensuite et à défaut, des hommes que les affaires et les intérêts économiques lient à la France et aux puissances étrangères. Ici, les compradores, les hommes d’affaires acteurs du pacte colonial, feront bien l’affaire pour l’ancien colonisateur. Pourvu qu’ils s’engagent à couvrir les arrières de Boni Yayi.
Ce dernier a avancé d’abord un premier pion en la personne de Komi Koutché La Cour Constitutionnelle de Holo avait, à cet effet, traficoté à son profit la loi fondamentale sur l’âge requis pour être candidat. Les protestations populaires ont grillé cette carte. Yayi avance alors un autre, Lionel Zinsou, débarqué directement de Paris comme premier ministre pour l’imposer comme le candidat unique des FCBE.
1.1 Lionel Zinsou, le nouveau gouverneur en mission de la FrançAfrique
Lionel Zinsou est parfaitement dans la peau du gouverneur colonial. Dans un entretien comme invité de RFI le mardi 1er décembre 2016, il dit « La FrançAfrique, c’est un mythe …… désormais les rapports de domination et d’exclusive sont des choses qui n’existent plus qu’à l’état résiduel et folklorique ». (Cf. «l’Evénement Précis», n° 1537 du mercredi 02 décembre 2015). Mais alors, serait du folklore, l’exfiltration de Compaoré par les soins de l’armée française lors du soulèvement populaire au Burkina Faso, exfiltration reconnue et revendiquée par François Hollande en visite peu de temps après au Canada. Est-ce un folklore le soutien du gouvernement français d’alors aux rebelles en Côte-d’Ivoire et puis à Ouattara contre Gbagbo ? Pensant pouvoir évoluer en tenue camouflée, Lionel Zinsou, tente de dissimuler la nature de son armée de la FrançAfrique en la traitant de mythe. C’est dans le même ordre d’idée qu’il fait l’éloge du franc CFA, l’un des dispositifs clé de la FrançAfrique.
Répondant aux critiques contre le franc CFA, Lionel Zinsou dit : « le franc CFA, est une monnaie d’intégration africaine entre 13 pays africains, (…) ce qui est très important pour des grands marchés intérieurs (…) c’est une monnaie stable, prévisible, dont la parité est fixée sur l’euro ». Mr Zinsou parle pour faire oublier l’histoire. Le franc CFA, le franc des colonies françaises d’Afrique, avait une parité fixe avec le franc français ; elle n’a eu une parité fixe avec l’euro qu’à partir du moment où le maître français est entré dans l’euro. On n’a pas demandé l’avis des peuples africains, en tout cas pas celui du Bénin, pour cette trainée dans l’aventure européenne. Le peuple français, directement par référendum ou par le biais de ses représentants au parlement est consulté au sujet de tout accord international relatif à sa souveraineté. Il en a été ainsi par exemple du traité de Rome II établissant une Constitution pour l’Europe que le peuple français a rejeté par référendum le 29 mai 2005. D’autres peuples européens, bien que membres de l’Union Européenne, consultés au sujet de l’Euro, ont refusé par référendum d’entrer dans la zone euro. Il en a été ainsi du Danemark en l’an 2000. Mais, la françAfrique, prolongement de la colonisation et du pacte colonial, entraine les peuples et pays africains francophones, sans demande de leurs avis formels, dans toute aventure décidée par et pour la France. La FrançAfrique, la voilà en œuvre palpable.
Parlant du rôle intégrateur du franc CFA, toutes les statistiques montrent que l’économie du Bénin est plus intégrée à celle de son voisin le Nigéria qu’avec celle du Sénégal par exemple également dans la zone franc CFA. Il en serait certainement ainsi dans l’avenir au vu de la communauté de frontières physiques, de rapports humains et historiques.
La situation est pareille pour le Niger, le Tchad, le Cameroun, pays voisins du Nigéria. Quelle intégration réalise alors le franc CFA ? Pas celle en tout cas au profit des pays africains, mais, une intégration ou plutôt une subordination à l’économie de la France.
Une monnaie d’intégration profitable au Bénin devrait être celle commune entre le Nigéria et ces pays. Evidemment, Lionel Zinsou militerait pour l’extension du franc CFA aux pays anglophones, le Nigéria et le Ghana, pour la CEDEAO. Mais cela se heurterait au mécanisme du compte d’opération, le fameux compte logé au Trésor français et dans lequel les pays d’Afrique francophone doivent déposer leurs recettes d’exportation. Mais « c’est quelque chose qui pourrait tout à fait s’aménager », veut bien concéder Lionel Zinsou.
Mais une servitude qui s’aménage demeure toujours servitude. Diminuer le niveau des dépôts au Trésor français n’est pas la clé de la résolution du problème. Aujourd’hui, un opérateur économique résident de la zone franc ne peut avoir un compte bancaire en devises ; le soutien à l’industrie est handicapé par les obstacles draconiens au refinancement par les banques centrales. Au sein des conseils d’administration de ces banques centrales, (BCEAO et BEAC), siègent des représentants de la France, de même que dans les Comités de crédit dans chaque pays. La voilà, la FrançAfrique en œuvre. C’est à ces instances que sont fixés les taux de base prohibitifs pour les investissements industriels, afin de ne pas entraver l’importation des produits manufacturés de la métropole. Même l’agriculture, en dehors des produits nécessaires aux métropoles (coton, arachide, etc.) est pénalisée par des taux d’intérêts bancaires exorbitants et prohibitifs. Ainsi tant que la souveraineté monétaire ne sera pas conquise, l’industrialisation et partant le développement de l’Afrique et du Bénin ne sera pas assurée. Mais, tel n’est pas l’avis de Lionel Zinsou. La fierté nationale, la souveraineté des peuples africains et du peuple béninois ne compte pas pour lui. Avec lui, la continuité et le renforcement dans le pillage de notre pays sont assurés.
C’est donc naturellement avec dédain qu’il juge les protestations contre la gestion calamiteuse de Boni Yayi et les scandales politico-financiers qui jalonnent ses dix ans de règne. « Les scandales, c’est autre chose » dit-il, dans une interview au journal «La Nouvelle Tribune» en date du 22 juin 2015; et d’ailleurs, poursuit-il « Je ne pense pas quand on compare le Bénin à beaucoup d’autres pays que nous soyons un pays si mal gouverné que le pense une partie de l’opinion béninoise. Je les invite à regarder le monde entier ». Il n’y a donc pas de quoi fouetter un chat. D’ailleurs, c’est en présence du nouveau premier ministre que se déroulent les nouveaux concours frauduleux, les états de siège contre les étudiants en lutte à Abomey-Calavi contre les sessions uniques, l’inscription sélective dans les facultés, ou plus généralement l’exclusion des fils des pauvres de l’enseignement supérieur public. Celui-là qu’on nous vante comme au-dessus de la mêlée, qui par sa soi-disant culture exempte de la fraude et des tripatouillages parce que n’ayant vécu et travaillé qu’en France, celui-là n’a pas pipé mot contre les fraudes grossières des derniers concours. Il ne s’est pas gêné d’aller signer le marché des rails obsolètes des temps coloniaux avec Bolloré, en violation du contrat déjà signé au profit de Dossou Aworet. Il ne s’est naturellement pas ému du parjure flagrant de Boni Yayi qui déclare ouvertement ne pas se soumettre à une décision de la justice condamnant cette cession à Bolloré. Avec Lionel Zinsou, Boni Yayi a trouvé celui qui peut couvrir ses arrières en accord avec le maître impérialiste français. La continuité dans l’impunité des crimes politiques, de la fraude est également garantie. Le pays aura rétrogradé au rang d’une colonie.
1.2 Les autres candidats de la continuité
La presse a relayé et critiqué le voyage sur convocation à Paris, début novembre 2015 des principaux candidats potentiels. Outre Boni Yayi et Lionel Zinsou, il y avait Sébastien Ajavon, Patrice Talon, Pascal Iréné Koupaki. Il apparaissait clair que Paris entendait dicter ses règles et consignes.
Il y avait déjà une indication que les autres candidats qui se présentent, notamment les plus gros, ne se démarquent pas du pacte colonial et pour certains de la gestion calamiteuse de Boni Yayi. Koupaki par exemple ne s’est pas jusqu’à ce jour démarqué de Boni Yayi. Il pérore à propos d’une «Nouvelle conscience» qui aurait manqué au niveau des populations pour l’accomplissement des objectifs de « changement et de refondation » que lui et Boni Yayi se seraient fixés en 2006. Après s’être fait l’apôtre et le propagandiste de la Refondation suite au hold-up électoral de 2011, le voilà maintenant le gourou d’une «nouvelle conscience», sans aucun scrupule de reddition des comptes au peuple de sa participation active au pouvoir, à la droite de Boni Yayi pendant 8 ans. Les nombreux scandales, Icc-services, Cen-sad, Sodéco, PVI, avions présidentiels, machines agricoles, etc., sont de son ressort. Du reste, rien dans le programme de Koupaki n’indique une rupture d’avec la gestion de Boni Yayi, ni d’avec le pacte colonial.
Certains généraux militaires s’étaient annoncés dans la course à la présidence. On sait que pour être officier général au Bénin, il faut l’accord (ou tout au moins l’avis de non objection) de la France qui opère par la formation, l’armement. Yayi Boni en a nommé par pelletées pour s’assurer le soutien de l’armée. Les plus zélés sont utilisés dans des missions occultes ou officielles pour des coups fourrés à l’intérieur comme à l’extérieur. Ceux qui, maintenant à leur retraite, se présentent à l’élection présidentielle sont également bien connus dans de gros scandales sous le pouvoir de Kérékou-2 et 3 et de Boni Yayi. Même et surtout à la retraite, les plus zélés sont entretenus dans des réseaux divers de la FrançAfrique.
En ce qui concerne les opérateurs économiques, Talon et Ajavon, leur prétention à la présidence de la république a pour fondement la faillite et le discrédit des hauts bourgeois bureaucrates et de leurs partis. Leur candidature s’inscrit, non pas dans la suite de leur militantisme connu et ouvert dans un parti, mais dans le cadre de la république devenue ploutocratique mafieuse. Les deux opérateurs économiques, sont tous des compradores, c’est-à-dire des hommes d’affaires chargés pour l’un, Talon, de drainer les matières premières brutes, le coton, sans transformation, de notre pays vers l’extérieur, et le second, Ajavon, d’inonder notre pays, de marchandises produites à l’extérieur. Tous deux sont donc dans la logique du pacte colonial qui a pour objectif de maintenir notre pays comme fournisseur de matières premières et comme consommateur de produits importés.
Il est donc faux de dire que Talon serait au Bénin un industriel. L’égrenage du coton n’est pas encore une transformation industrielle, pas plus que le décorticage de l’arachide ou du riz.
Quant à Ajavon, ses affaires consistent à l’inondation du marché de produits étrangers de pêche, d’élevage, d’huile et maintenant de tissus. C’est dire que ces deux opérateurs, de par leurs relations économiques dans le cadre du pacte colonial, sont agents et sujets à la soumission à la FrançAfrique.
Financeurs jusque-là des bureaucrates hauts bourgeois et de leurs partis qui, en retour, leur renvoyaient l’ascenseur en leur assurant des facilités exceptionnelles de l’Etat dans leurs affaires, les deux grands compradores ont pu constater la faiblesse, la veulerie, la fourberie de ces dirigeants des partis hauts bourgeois qui étaient devenus leurs obligés. Le système électoral ne reposant que sur la distribution de l’argent pour l’achat des voix et le paiement de la fraude, la tentation de ceux qui finançaient est grande et justifiée de se lancer eux-mêmes dans la course. Point n’est besoin d’un programme, de militantisme au sein d’un parti. Les partis eux-mêmes peuvent être achetés et les enchères sont connues. Et déjà, l’on voit des responsables de partis, qui pour certains s’étaient déclarés candidats auparavant, se convertir en propagandistes zélés en faveur de ces «télécommandes».
Il est clair qu’avec les compradores directement au pouvoir, l’Etat sera complètement mis au service de leurs affaires privées. Il est difficile dans ces conditions qu’ils veuillent permettre au peuple de voir clair dans les nombreux scandales financiers sous le pouvoir de Boni Yayi. La rupture est par conséquent difficile, voire impossible. En ce qui concerne la gestion de l’Etat, ce ne sera plus un partenariat public-privé, mais une soumission complète du public par le privé, autrement dit un partenariat « Privé-Privé ».
Le pays est donc véritablement en danger. Il est clair que Boni Yayi et l’impérialisme français mobiliseront tous leurs réseaux officiels et occultes pour tenter d’imposer leur candidat. Les élections à coup de distribution d’argent et de la fraude donnent des avantages au candidat colon commun de l’impérialisme français et de Boni Yayi ; elles constituent par conséquent une couverture de la recolonisation 55 ans après notre indépendance formelle. A l’échec de chaque pion, ils en mettront un autre en avant. Les évolutions objectives possibles du modèle démocratique failli, avec des élections à coup d’argent et de fraude sont la rétrogradation soit vers un Etat de type colonial ou vers une continuité du désastre. Au lieu de voir ces évolutions objectives possibles que seul un sursaut populaire peut conjurer, des théoriciens de la bourgeoisie libérale proposent des solutions de replâtrage pour endormir davantage le peuple.
2- Les propositions de maquillage de la continuité
2-1- A propos de la transition politique sans renversement du régime
Devant le désastre et le chantier de ruines, des propositions de sortie de l’impasse sont avancées. Roger Ahoyo se place d’emblée dans le cadre de l’issue de la prochaine élection présidentielle. Après avoir montré que « nous nous retrouvons, dix ans plus tard, gros jean comme devant, face à un champ de ruines », et répondant à que faire, il dit : « le prochain président doit opter pour un programme de reconstruction nationale ». Autour de ce président, « nous devons organiser un large rassemblement » avec des Assises nationales. « Je vois le prochain président comme un Homme de transition devant mettre en œuvre un grand programme de redressement ; et c’est l’organisation d’Assises nationales qui doit lui permettre - d’accepter de mettre en œuvre un programme national et consensuel, - de constituer une équipe nationale pour l’aider à mettre en œuvre ce programme»…« A la différence de la Conférence nationale, elles (les assises) ne prendront pas des décisions exécutoires ; mais elles proposeront, à un président déjà élu, des éléments pour compléter son programme minimum pour en faire un Programme de redressement National (PRN) ». (Op.cit.) Par ailleurs, Roger Ahoyo a fait des propositions entrant dans le cadre de ce programme minimum.
Disons-le tout de go, du moment que les promesses électorales n’engagent que ceux qui y croient, naturellement tous les candidats accepteront de bonne grâce toutes les propositions qui leur permettront de caresser les populations dans le sens du poil et de les mystifier. Les auteurs des propositions pourraient être cooptés dans l’équipe du président élu pour leur aptitude à mystifier les masses. Tel est d’ailleurs l’un des objectifs donnés à ces assises par Roger Ahoyo, « constituer une équipe pour aider à mettre en œuvre son programme », autrement dit, offrir ses services de courtisan au nouveau président. Mais, si l’on est sérieux et soucieux du sort du peuple, avant de faire des propositions, il faut s’assurer que l’on a affaire à un président qui peut écouter la voix du peuple, sur lequel les travailleurs et le peuple ont un contrôle. Combien de colloques, combien de forums proposant des décisions non exécutoires sur tels et tels sujets ont eu lieu depuis le renouveau démocratique et surtout depuis le pouvoir criminel de Yayi Boni ? Parler d’Assises avec des décisions non exécutoires avec un président élu par un scrutin truqué par la distribution de l’argent et la fraude revient à proposer de passer de la chaux sur un édifice lézardé et en ruines.
Aujourd’hui, comme Roger Ahoyo et d’autres, tous les candidats autres que Lionel Zinsou, parlent de transition. Me Abraham Zinzindohoué dit « Pour moi, le prochain mandat est un mandat de transition » («La Croix du Bénin» n° 1324 du 20 novembre 2015). Mais qu’est-ce que c’est une transition politique. Dans quelles conditions intervient-elle ?
Notre ancien garde des sceaux et ancien président de la Cour suprême ne nous en dit rien. Or, une transition politique est un régime d’exception qui intervient après la négation du système politique antérieur et qui permet le passage à un régime politique nouveau. Roger Ahoyo donne les exemples des Assises qui ont donné des forces à des transitions politiques. Il s’agit des commissions pour la rédaction et l’adoption de la Politique Nouvelle d’Indépendance Nationale en 1972 ainsi que la Conférence des Forces vives de la nation de février 1990. Mais, il oublie de signaler et de mettre en relief les conditions de la tenue de telles assises. Dans les deux cas, il y a eu un acte fondateur, un acte de négation et de rupture brusque d’avec le pouvoir constitutionnel antérieur. En langage constitutionnel, il s’agit d’un Etat de fait. En 1972, un coup d’Etat a mis fin au pouvoir du Conseil présidentiel ; en 1990, des mouvements populaires culminant le 11 décembre 1989 ont renversé le pouvoir autocratique de PRPB-Kérékou. Ce sont ces événements de rupture politique qui ont inauguré ces transitions. A contrario, l’assemblée générale des cadres convoquée par Kérékou en 1979 et les nombreux autres forums sous Kérékou-2 (la conférence économique de 1996 entre autres) et sous Boni Yayi n’ont rien donné de nouveau, parce que se déroulant dans le cadre du système en place et sous la direction du Président déjà élu dans le cadre de ce système. Parler de transition politique sans au préalable une remise en cause, un renversement du régime en place revient à couvrir de vernis la continuité de ce régime. C’est une pure tromperie.
Ensuite, une transition politique dure un an, deux ans au plus ; puisqu’il s’agit d’un régime d’exception. Elle dure le temps de poser les fondements d’un nouveau régime et d’élaborer une nouvelle Constitution sur ces bases. Instaurer, comme on le voit déclamer par certains candidats, une transition pendant cinq ans, parler d’un mandat (quinquennal) de transition reviendrait à instaurer un régime d’exception pendant cinq ans. Cela correspondrait bien à un Etat de type fasciste.
Dans le même ordre d’idée de la transition, dans une déclaration le dimanche 8 novembre 2015 sur «Radio Soleil», Albert Tévoédjrè parle d’un gouvernement de salut public. « Pour gouverner le Bénin dès 2016, il faut un gouvernement de salut public ». Nous disons là également que sans rupture, sans révolution, il ne peut y avoir un véritable gouvernement de salut public.
« Ce qu’enseigne l’histoire, c’est qu’un gouvernement de salut public est un gouvernement de fait, qui surgit après une grave crise politique, (coup d’état, révolution, soulèvement ou insurrection populaire) et qui met entre parenthèse la Constitution et toutes les institutions qui en dépendent. Il a pour rôle essentiel de résoudre le problème principal à la base de la crise du système et pose les fondements d’une nouvelle Constitution qu’il suit jusqu’à son adoption » («Le Crépuscule du Matin» n° 63 du 11 novembre 2015). Aujourd’hui, on peut constater que Tévoédjrè reste dans la ligne de continuité avec son soutien à Pascal Koupaki.
Mais pire, on ne voit pas comment cette transition pourra poser les bases pour guérir les corps de la société qui, comme le remarque à juste titre Topanou, sont tous gangrénés.
2-2- Les réformes dans le cadre de la ploutocratie mafieuse
Dans l’interview publiée par le journal «La Croix du Bénin», Me Abraham Zinzindohoué situe bien la cause de l’impasse politique. « Mais, c’est le système d’impunité. Il faut qu’on batte le système d’impunité qui facilite et alimente la fraude ou les corruptions…Ailleurs quand on découvre que la corruption règne au sein d’un parti, on sanctionne ce parti, mais ici on promeut les délinquants et on ne sanctionne pas. C’est notre drame, c’est notre péché. Nous ne sommes pas mieux que les autres. Ailleurs la corruption se fait à grande échelle, mais elle est sanctionnée. ». Bien. Mais que propose Me Zinzindohoué ? Les réformes. Il écarte la révolution. « Il faut passer aux réformes…parce qu’il n’y a que deux situations. Ou c’est la révolution ou on approfondit notre processus démocratique pour faire évoluer les lois électorales, les lois du système partisan, du financement et les partis ». Il poursuit plus loin en disant qu’il faut « revoir les contre-pouvoirs tels que l’Assemblée nationale, la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication, la Cour Constitutionnelle, la Haute Cour de Justice etc. De manière que ces contre-pouvoirs soient vraiment autonomes et indépendants de l’exécutif. ». Les propositions de réforme du système partisan doivent être des « techniques juridiques qui permettent de rétrécir le paysage partisan sans obligatoirement décréter d’autorité deux ou trois partis ».
Ainsi pour Me Zinzindohoué, le mal se situe au niveau des textes au sommet, au niveau du système partisan, des contre-pouvoirs au sommet à rendre plus autonomes et indépendants de l’exécutif. Boni Yayi a tellement avili les institutions du Renouveau qu’il en a montré toute leur nudité. Mais si tant est que le fond du problème, que « notre drame, notre péché », c’est le système d’impunité, il faut d’abord rechercher et indiquer des solutions à ce problème. Ce sont les solutions au problème de l’impunité qui serviront et feront la base pour des réformes efficaces des textes au sommet. Or, Me Abraham Zinzindohoué n’avance aucune solution à ce problème de l’impunité. Il ne montre nulle part comment ces réformes permettront de nous guérir du drame, comment elles permettront de sanctionner « les délinquants ». L’indépendance des autres institutions de la République par rapport à l’exécutif ne suffit pas, et loin s’en faut, pour résoudre le problème de l’impunité. Le parti et les partisans du président de la République se retrouveront également et toujours dans ces institutions déclarées formellement indépendantes de lui. On a bien vécu comment l’Assemblée nationale, dont le président est formellement élu par ses pairs et non désigné par le Chef de l’Etat, était sous la coupe de Boni Yayi pendant 9 ans. Et dans la réalité, de même que des partis formellement indépendants de tel ou tel candidat ont décidé actuellement «en toute indépendance» de soutenir, voire de susciter tel ou tel candidat, de la même façon, le président élu pourra toujours faire passer sa volonté à des institutions déclarées indépendantes dans les textes. Surtout que c’est l’exécutif qui détient les cordons de la bourse.
Aujourd’hui, il existe de nombreuses, lourdes et coûteuses structures chargées de lutter contre la corruption et contre l’impunité. En plus et en dehors de la justice, il y a les inspections au niveau des ministères, l’inspection générale des finances, l’inspection générale des affaires administratives, la Haute Cour de justice, l’Autorité nationale de lutte contre la Corruption, le Fonac, etc. Et pourtant, la corruption et l’impunité semblent croître proportionnellement à leur nombre. Mais pourquoi ?, devrait-on se demander. Il suffit d’examiner les attributions de ces structures pour constater leur défaut principal, congénital : l’exclusion du travailleur et du citoyen du contrôle de la gestion du bien public. Le travailleur, le citoyen n’a aucun droit, aucune possibilité d’action directe sur le responsable chargé de la gestion de son bien public. Ce dernier n’a de compte à rendre qu’au patron qui l’a nommé et de qui dépend sa promotion. L’impunité est alors garantie. Le cercle vicieux et mafieux se referme, entretenant et amplifiant la gangrène de la corruption.
Le combat contre le système d’impunité, pour être efficace et victorieux doit nécessairement être mené à la base, par le travailleur et le citoyen et toute proposition véritable de solution doit tendre à donner plus de droit au travailleur et au citoyen à la base pour le contrôle de la gestion du bien public. C’est sur ce droit que peuvent se fonder l’indépendance et l’action des institutions au sommet. De même qu’il est impossible de garantir la liberté des entreprises de presse sans le droit de tout citoyen d’éditer, de publier, de lire, de diffuser ses idées, de même on ne peut garantir la bonne gestion du bien public, la lutte contre l’impunité sans le droit du citoyen et du travailleur de contrôler à la base et à son niveau la gestion du bien public. C’est l’indépendance de l’action du citoyen à la base qui garantira l’indépendance des institutions de contre-pouvoirs au sommet.
La lutte efficace contre l’impunité appelle du coup une révolution du fait que le travailleur et le citoyen à la base auront véritablement un pouvoir sur la marche des choses, sur la marche de son entreprise ou administration publiques, sur la source de ses conditions de vie et le développement du pays. Le pouvoir de contrôle de la gestion du bien public ne sera plus l’apanage des seuls élus au sommet. Les rapports entre les hommes auront changé dans le cadre de la gestion du bien public. Me Zinzindohoué perçoit bien que les conditions d’une telle révolution sont objectivement réunies. « Nous entrons, dit-il, dans l’ère des réformes parce qu’il n’y a que deux situations : ou c’est la révolution ou on approfondit notre processus démocratique pour faire évoluer les lois,.. ». Me Zinzindohoué rejette et met en garde ses pairs contre la révolution parce que cela va probablement à l’encontre de ses intérêts, de ceux de la haute bourgeoisie et des dominateurs extérieurs. Nicéphore Soglo ne révèle-t-il pas dans ses interventions publiques actuelles, notamment devant tout le parterre des participants au colloque international organisé par l’Association béninoise de droit constitutionnel le 7 décembre 2015 (Cf. «l’Informateur» n°3149 du 08 décembre 2015) que la corruption est l’instrument dont se servent les maîtres de la FrançAfrique pour s’assurer la complicité et la docilité des dirigeants africains ! Toute réforme qui ne permet pas de briser le système d’impunité est favorable aux pilleurs nationaux et aux dominateurs étrangers, et principalement ceux de la FrançAfrique. Seule la révolution, en brisant le système en place, le système de corruption et de fraudes électorales, en établissant le droit pour le travailleur et le citoyen de contrôler la gestion du bien public, seule la révolution peut sauver le Bénin de la catastrophe. Il faut alors un sursaut national.
3- Seule la révolution offre une solution de salut
Relisons ensemble quelques morceaux choisis du juste diagnostic fait, non pas par ces utopistes et extrémistes du PCB, mais par ces hommes de bonne société et des grands salons, qui ne se privent pas de mettre en avant leurs titres d’anciens ministres et de grands commis de postes internationaux (UEMOA, UNESCO, etc.) au sein du système. « Le Bénin est dans l’impasse ….. L’impunité et la corruption généralisée sont érigées en modèle de société,….. Tous les corps de la société sont gangrenés »(Topanou) ; « c’est le système d’impunité. Il faut qu’on batte le système d’impunité qui facilite et alimente la fraude ou les corruptions…Ailleurs quand on découvre que la corruption règne au sein d’un parti, on sanctionne ce parti, mais ici on promeut les délinquants et on ne sanctionne pas. C’est notre drame, c’est notre péché. » (Me Zinzindohoué).
Si le Bénin est dans l’impasse, tous les principes de management indiquent que pour sortir de l’impasse, il faut sortir du système qui l’a engendrée. De même, si tant est que tous les corps de la société sont gangrénés, tous les médecins vous diront que le remède doit être chirurgical. Autrement, le corps risque de dégénérer après d’inutiles souffrances atroces. Il faut alors un sursaut patriotique pour réaliser la rupture. De là, on peut déjà comprendre que ceux qui voient bien la Révolution, mais choisissent les réformes veulent faire faire au peuple, aux travailleurs et à la jeunesse d’atroces sacrifices inutiles. Ils se rendent complices des bourreaux qui par la force de l’argent et de la fraude renouvellent le système de drame de l’impunité, de la corruption et de l’abêtissement. Ce système nous a conduits dans une impasse dont veut profiter l’ancien colonisateur pour renforcer la mainmise de la FrançAfrique sur le pays.
Ce qu’appelle la situation, c’est une révolution, une remise en cause par la société elle-même du statut d’esclave consentant et une reprise du statut de souverain qui décide pour lui-même. Tout patriote sincère, tout démocrate, pour être conséquent se doit d’en appeler à la révolution, confiant que le peuple saura et réussira à la faire.
Et dans cette voie, on ne peut recommander les élections actuelles qui sont dans la même ligne que celles antérieures, à coup d’argent et de fraude. Les principaux candidats, comme on l’a vu, sont dans cette logique. Gagnera plus facilement, celui d’entre eux qui aura les faveurs des organisateurs de cette élection, la Cena et la Cour Constitutionnelle sous la dictée des réseaux divers, dont ceux de la FrançAfrique. Déjà, Honfo, le maire de Sème, a déclaré que le prochain président sera connu dès le 1ertour, le 28 février 2016. Mr Honfo est membre dirigeant du PRD et c’est son collègue Ahouanvoébla qui préside le Cos-Lépi. «Un tour, K.O» devenu la règle en Afrique paraît déjà programmée comme en 2011. Le pouvoir de Yayi ainsi que des agences dépendant de l’ancien colon, la francophonie, se disent prêts à financer un renouvellement des cartes d’électeurs, donc du fichier électoral afin de faciliter de nouveau un hold-up électoral.
Dans tous les cas, le gagnant des élections aura été celui qui aura distribué beaucoup de sous et aura bénéficié de la fraude. Aucun des potentiels gagnants dans ce cadre ne peut opérer la rupture d’avec le système d’impunité. Comme l’a reconnu Topanou « le système ne peut que se reproduire » (op.cit.). Par conséquent, Rien de bon pour le peuple ne sortira de l’élection présidentielle de février 2016.
Contre le désastre et contre les solutions de continuité, il faut donc un sursaut national de rupture d’avec le système d’impunité. Le mouvement populaire doit se prendre en charge jusqu’à créer les conditions de réunion des Etats généraux du peuple afin d’instaurer la transition politique qui mette fin à l’impunité.
Le mouvement démocratique dans le monde a connu ces dernières années des avancées, des révolutions qui ont instauré des transitions, des gouvernements de salut public. Ces transitions et gouvernements de salut public ont été consécutifs à des renversements populaires de régimes pourris et faillis. Ces états de choses n’ont été possibles qu’après des cures chirurgicales. Ici, la corruption, l’impunité ont gangréné tous les corps de la société. On ne peut entamer la guérison qu’en renversant le régime.
Le système d’impunité s’entretient par le pouvoir discrétionnaire du gouvernement à nommer, contrôler et sanctionner les responsables chargés de la gestion du bien public. Pour « battre le système d’impunité qui facilite et alimente la fraude et les corruptions », il faut mettre fin au pouvoir discrétionnaire de nomination détenu par les seuls membres du gouvernement. C’est ce système qui permet de placer le frère ou le fils de région, le membre de famille, du réseau occulte, de religion, de son parti au détriment des méritants, ou tout simplement de vendre des postes pour le convoyage en retour des ristournes. Et toute réflexion sérieuse, au vu de notre expérience, aboutit à cette solution qu’il faut établir l’élection et la révocabilité par les travailleurs des DG, des directeurs techniques des administrations et entreprises publiques. En cela, l’expérience de l’université, où le recteur ainsi que le doyen sont élus par leurs pairs, doit être approfondie pour y ajouter des clauses claires pour la révocabilité.
L’appel à candidature à des postes de direction ne suffit pas à résoudre le problème, tant que le pouvoir discrétionnaire du choix demeure dans les mains du gouvernement. Pour lutter efficacement contre l’impunité, la décision doit être aux mains des travailleurs à la base. C’est le contrôle par les travailleurs et les citoyens sur le responsable chargé de la gestion du bien public dans leurs secteurs qui peut permettre de lutter efficacement contre la corruption.
L’exigence du contrôle de la gestion du bien public par les travailleurs, avec le droit d’élire et de destituer des DG et directeurs techniques des administrations et entreprises publiques, est constante depuis 1985. Les dirigeants hauts bourgeois font tout pour la contrer, car cette exigence satisfaite contrecarre le pillage et la fraude qui constituent la source de leur enrichissement arrogant et rapide. D’ailleurs, le droit au citoyen et au travailleur par rapport aux directions du sommet de contrôler la gestion du bien public dans son secteur est de droit commun ; le contrôle du sommet ne peut qu’être l’exception selon le principe d’efficacité managérial reconnu : le principe de subsidiarité. Ce sont les travailleurs et les usagers d’un service administratif, les habitants d’un quartier qui sont les mieux placés pour connaître les mauvais faits de gestion, et en apprécier les résultats.
Dans le cadre de ce dispositif qui étend le droit des citoyens au contrôle de la gestion du bien public, le modèle au Bénin prendra tout son sens démocratique.
Les auteurs de violation des libertés publiques (bien public essentiel) doivent être jugés et punis, non pas devant une Cour Constitutionnelle qui se contente, dans le meilleur des cas, de proclamer une condamnation platonique sans effet administratif, mais devant les tribunaux de droit commun. Le citoyen aura le droit d’arraisonner tout distributeur de sous pendant les élections. Le contrôle de la gestion du bien public devra permettre que les membres du conseil supérieur de la magistrature soient élus par les magistrats. Sur le plan de la gestion, le peuple pourra juger des choix de ses dirigeants, quels sacrifices sont nécessaires et pourquoi. Le peuple saura intervenir sur les programmes de développement et en contrôler les projets d’application. Un programme de redressement national pourrait alors avoir un sens. Un gouvernement de salut public en serait un véritable.
Une révolution rétablira nos langues nationales et en fera des langues d’instruction et d’administration dans leurs terroirs. Comme l’ont montré de nombreuses expériences, l’apprentissage de langues étrangères à partir et après celui des langues maternelles sera plus rapide et leur maitrise plus profonde. Nous nous enracinerons dans nos cultures pour notre essor dans tous les autres domaines.
Aujourd’hui, on nous propose notre déracinement complet, notre aliénation avec le retour vert, humiliant de la recolonisation. Y a-t-il d’autre alternative, comme dit l’autre, que la révolution ou la mort ? Des individus mourront. Selon l’expérience récente du soulèvement du Burkina Faso, cela a coûté onze morts et environ deux cents blessés. Il y a eu des sacrifices. Mais sont-ils plus lourds que les morts causées par la politique destructrice des hôpitaux publics et des salaires de misère de Boni Yayi ? Notre peuple, qui survivra à coup sûr, ne le fera qu’avec la révolution.
Le Parti communiste demeure conséquent à appeler, à œuvrer pour la révolution, pour la démocratie véritable, pour un pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple.
En guise de conclusion : cela semble toujours impossible jusqu’à ce que cela soit fait
Les bourgeois dans toutes les couches répètent sur tous les tons que le Béninois ne serait pas prêts pour faire une révolution. Il s’aplatirait par trop devant la force de l’argent. L’ennemi, les impérialistes seraient trop forts. Mais le Béninois, hier le Dahoméen, avait pourtant accompli des insurrections, en 1963, en 1966, en 1975, en 1989. Oui, vous répond-on, mais les jeunes de maintenant ne seraient pas ou plus à la hauteur. D’ailleurs, ils seraient trop peureux. Mais ce sont eux qui se sont insurgés en mai 2015 à Cotonou. Ce sont des jeunes étudiants qui ont dressé des barricades sur le campus de l’université d’Abomey-Calavi dans la lutte pour les deux sessions à la fin de l’année ? Ce sont eux qui protestent contre les concours frauduleux. Mais combien sont-ils ? vous lance-t-on à la figure.
Alors, on finit par observer que l’objectif du contradicteur n’est pas d’encourager, d’aider ou de souhaiter même la révolution, mais plutôt de décourager, de démoraliser pour la domination éternelle des pilleurs et fraudeurs. Et comme le contradicteur ne peut plus soutenir que les révolutions sociales sont dépassées, comme il ne peut plus soutenir que les peuples noirs au-dessous du Sahara n’en sont pas capables, il en reste à demander des preuves, des sortes de garanties pour la révolution. Il peut alors se donner aux solutions de duperie réformiste, des solutions de maquillage de la continuité.
Dans ces conditions, il ne reste qu’à répondre à des contradicteurs de ce genre ces mots mémorables de Mandela qu’un camarade a rappelé le 11 décembre 2015 à l’occasion de la commémoration de la journée du 11 décembre 1989 : « cela semble toujours impossible jusqu’à ce que cela soit fait. ».
Pendant 15 ans, de 1975 à 1989, Kérékou avec son parti-Etat le PRPB ont soumis le peuple sous la force brutale de la répression policière. Aujourd’hui, les pouvoirs du Renouveau démocratique écrasent le peuple sous la force brutale de l’argent de la corruption et de la fraude. Seule une minorité, comme toujours et partout, avait eu le courage de ne pas baisser les bras et d’entretenir la résistance. Et la petite flamme a fini par embrasser tout le peuple. Aujourd’hui, une minorité résiste et continue d’appeler à la résistance, au refus. La force brutale et abêtissante de l’impunité a conduit le pays au désastre, au Waxala. Elle veut ramener le pays au rang de colonie et le Béninois au rang de sujet indigène. La dialectique de la vie accomplit ainsi son œuvre : la force brutale de l’argent et de la corruption devient la faiblesse du système. Le peuple se découvrira de plus en plus le droit et surtout le devoir et la force de reprendre son rôle : celui du souverain pour instituer un pouvoir à son profit, un pouvoir des travailleurs et des peuples. L’impossible sera fait.
Alors plus que jamais, les révolutionnaires doivent dire au peuple :
En Avant pour la Révolution !
NON A LA RECOLONISATION ! NON A LA FRANÇAFRIQUE !
RIEN DE BON POUR LE PEUPLE NE SORTIRA DE LA PROCHAINE ELECTION PRESIDENTIELLE!
ŒUVRONS POUR DES ETATS GENERAUX DU PEUPLE POUR REFONDER NOTRE PAYS !
Jean Kokou ZOUNON