40 ans déjà que Bella Bellow nous quittait
MUSIQUE
par Ekoué SATCHIVI , le 10 décembre 2008, publié sur ufctogo.com
Belle comme une rose, elle a vécu l’instant d’une matinée. Sa voix de rossignol ; adaptable à toutes les circonstances, était appréciée et aimée par le public. Bella Bellow souriait agréablement à la vie. Mais la mort, insatiable ne lui a pas permis de mener une carrière à la taille de son immense talent. La pionnière de la chanson togolaise moderne est morte le 10 décembre 1973 ; dans un accident de la circulation. Elle n’avait que 27 ans.
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Georgette Nafiatou Adjoavi Bellow à l’Etat-civil, est née d’un père togolais, de lointaine origine nigériane et d’une mère ghanéenne. Aînée d’une fratrie de sept enfants ; elle a vu le jour le 1er janvier 1945 à Tsévié, modeste ville située à plus d’une trentaine de kilomètres de Lomé. Après une partie de son enfance à Agoué-Nyivé, elle entame sa scolarité en 1950 chez les Sœurs de l’Ecole catholique Notre Dame des Apôtres à Lomé ; sanctionnée en 1958 par le Certificat d’études primaires. Inscrite pour ses études secondaires au Lycée de Sokodé puis au Lycée Bonnecarrère à Lomé jusqu’au Brevet d’études du 1er cycle ( BEPC) en 1966 ; elle se retrouve à Abidjan pour une formation en secrétariat et des cours de solfège à l’Ecole des Beaux-Arts.
Des prédispositions pour la chanson
Consciente dès son enfance de ses qualités vocales, Georgette Bellow en usa pour chanter lors des festivals scolaires et manifestations culturelles. Le peintre Paul Ahyi ; son maître de dessin au Lycée de Sokodé, l’encourage à exploiter ses talents. Les débuts de la jeune artiste remontent en 1963. Elle se produit d’abord au Centre communautaire d’Adjamgba- Komé à Lomé, avant de la retrouver en duo avec son frère Désiré Bellow au Centre culturel français de Lomé ; dans la présentation de la chanson « Mawudeka ye lanya » ( Dieu seul saura).
Première étape marquante de sa carrière ; Bella Bellow est invitée en 1965 par feu Hubert Maga, alors président de l’ex-Dahomey ( Bénin) pour chanter aux festivités marquant la fête de l’indépendance. En avril 1966, elle est présente à Dakar au Sénégal pour représenter le Togo avec sa collègue feue Julie Akofa Akoussah au 1er Festival mondial des Arts Nègres. En 1968, le peintre Ahyi l’introduit à Gérard Akueson. Le premier éditeur phonographe africain et promoteur d’artistes, devient l’impresario de la jeune artiste et constitue autour d’elle, une équipe d’excellents musiciens : le Camerounais Manu Dibango au clavier et à l’arrangement, Jeannot Madingué, à la basse, Ben’s à la batterie, Slim Pezin, plus tard chef d’orchestre de Michel Sardou ; à la guitare, accompagnent Bella Bellow dans l’enregistrement à Paris de « Rockya », son premier disque qui compte sur la compilation d’un album réalisé par la radio Africa No1 et intitulé « Trente ans de musique africaine » .
D’autres succès de Bella Bellow, notamment Blewu ( Patience), Nye Dzi ( Mon coeur ) , Senyé (Mon destin) à lui écrit par le parolier feu Innocent Domenyo Agbétiafa lui seront arrangés par Vladimir Kovaroc, le célèbre chef d’orchestre bulgare. Au -delà de nombreux tours de chants effectués notamment dans les jardins de l’hôtel Le Bénin et au Centre culturel français de Lomé, la pionnière de la chanson togolaise est adoptée un peu partout en Afrique. De Cotonou, Dakar, Abidjan, Bamako en passant par Libreville, Douala, Brazzaville, Kinshasa, elle fit salle comble par des prestations très enlevées. En 1970, c’est la consécration ! Bella Bellow s’éclate à l’Olympia à Paris, alors le podium de rêve de tout artiste en quête de reconnaissance ; tout en prenant part à plusieurs émissions de variétés. Après sa participation au Festival panafricain d’Alger aux côtés de la Sud- Africaine Myriam Makeba ; elle est adulée à Athènes en Grèce, à Split en ex-Yougoslavie, à Rennes en France. Le nom de la grande chanteuse togolaise a retenti en Guyane et en Guadeloupe aux Antilles. Bella Bellow a participé avec maestria au Festival de la chanson populaire à Rio de Janeiro au Brésil ; acclamée par plusieurs milliers de spectateurs réunis au Stade Maracana...
Une artiste à la voix captivante ; un mythe
Bella Bellow rompt par la suite avec Gérard Akueson, son impresario, et met sur pied son propre groupe musical « Gabada », du nom d’un rythme musical du terroir togolais. Mais avant d’amorcer un nouveau départ artistique ; la pionnière de la chanson togolaise moderne sera la « plus heureuse de sa courte vie » En janvier 1972, elle convole en justes noces à Atakpamé avec le magistrat togolais Théophile Jamier- Lévy.. De leur union, vit le jour le 31 mai plus tard , Nadia Elsa, sa fille unique. Après quelques mois d’absence pour raisons matrimoniales ; Bella Bellow fait une entrée fulgurante au Centre culturel français de Lomé, accompagnée par Gabada, son nouvel orchestre, avant d’entreprendre une tournée triomphale en Allemagne, en Belgique et en France. Elle se préparait à entreprendre une tournée internationale en association le Camerounais Manu Dibango. Ce projet musical ne sera jamais réalisé.
Dotée d’une voix naturelle, Bella Bellow savait chanter à la fois la joie, l’amour, la tristesse. Qui peut se lasser en écoutant les chansons de la plus grande artiste d’Afrique francophone des années 60 et 70 ? Hier, on l’écoutait religieusement à la radio et grâce au gramophone. La télévision n’était pas aussi rayonnante. Mais aujourd’hui ; quelques-unes des compositions de la talentueuse artiste peuvent être vues ou s’écouter sur You’ Tube. Cela vaut bien le détour...
Grâce à ses compositions ; Bella Bellow a largement œuvré à l’éclosion d’une conscience culturelle. Elle a légué à la postérité, un précieux héritage pour la musique africaine. La pionnière de la chanson togolaise moderne a le don de charmer avec Blewu ( Patience) ; une prière dans la douleur ; du véritable negro spiritual, Nye Dzi ( Mon amour), un titre par lequel Bella Bellow rassure son amour : « Je ne te tromperai jamais ! Où tu iras, j’irai. Où tu seras enterré, je mourrai. Même la mort, ne saura nous séparer ». Il y a aussi Zelié ( la reprise d’une chanson populaire en pays Cotokoli / Tem que l’on fredonne à l’occasion d’un mariage). Toute nouvelle mariée y évoque la nostalgie de sa vie passée, de sa famille et des connaissances, Lafoulou, chanté sous les airs du bossa nova. On ne peut évoquer le parcours artistique de Bella Bellow, sans parler de sa chanson fétiche « Denyigba » , une ode à la mère- patrie, le Togo. D’autres compositions comme Abala Koklo, Miangoma Bombe, Mowonovi la gbeme, Azikiri, Mawuekoe lanya ( Dieu seul saura) font partie de son répertoire. J’en oubliais, Dasiko et Sango Yesu Kristo sont aussi de mélodieux titres qui n’ont pu paraître sur son quatrième album.
Bella Bellow revenait le 10 décembre 1973 d’Atakpamé, sa ville natale, lorsqu’elle trouve la mort dans un accident de la circulation entre la petite localité de Lilikopé et Tsévié. Dans des circonstances non élucidées, le véhicule à bord duquel, elle voyageait, fit plusieurs tonneaux. La talentueuse artiste vraisemblablement projetée par la pare-brise, cogna sa tête contre le bitume. Victime d’une hémorragie cérébrale ; elle en meurt sur le coup. Elle n’avait que 27 ans alors que la vie lui souriait.
Une pluie d’hommages...
La plus grande vedette d’Afrique francophone des années 60 et 70 est inhumée le 13 décembre suivant au cimetière de la Plage à Lomé. Que de discours et de belles promesses au moment de son enterrement ? La Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest ( BCEAO) a su tirer profit du sourire de Bella Bellow pour donner valeur au billet de 10. 000 FCFA, entre -temps retiré de la circulation ; pour cause de renouvellement des coupures. En juin 1998 ; les Services des Postes du Togo, ont mis en circulation un timbre d’affranchissement à l’effigie de Bella Bellow ; œuvre du peintre Paul Ahyi, son parrain.
L’artiste à la voix captivante, a influencé plusieurs générations de chanteuses africaines : notamment les Congolaises feue Abéti Masikini, Marie -Claire Mboyo Moseka, plus connue sous le nom d’artiste de Mbilia Bel, en passant par la Béninoise Angélique Kidjo et les Togolaises Fifi Rafiatou, Afia Mala, Viky Bila et leur cadette Vanessa Worou, qui exceptionnellement, a dédié une chanson « Ma Bella » à la mémoire de son idole... N’oublions pas le volume 4 du projet « Collection Bénin Passion », consacré à Bella Bellow. En décembre 1998 ; une pléiade d’artistes l’ont immortalisée dans un mega-concert au Palais des Congrès de Lomé. A titre posthume ; un diplôme lui a été décerné par l’Union nationale des artistes musiciens du Togo (UNAM). Pour leur part ; des comédiens tirant le rideau sur la 3e édition du Festival international des lucioles bleues ( Filbleu), se sont invités le 1er novembre 2008 sur la tombe de Bella Bellow ; qu’ils ont arrosée de fleurs !
Ekoué Satchivi
Note : Article paru en décembre 2003 et revisité par l’auteur
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