Marcus Garvey Père de l’unité africaine des
Marcus Garvey Père de l’unité africaine des peuples
par Amady Aly Dieng , vendredi 17 octobre 2008 |
Marcus Garvey Père de l’unité africaine des peuples
par Amady Aly Dieng , vendredi 17 octobre 2008 |
- Garveyisme et panafricanisme
- Tome 2
Ce qui distingue le Nègre Marcus Garvey de ses prédécesseurs et des contemporains, ce n’est pas qu’il ait été davantage pan-nègre qu’eux. C’est qu’il ait fondé son action « pour la Race » sur une stratégie différente : le Garveyisme est avant tout un combat de masse ayant mobilisé d’abord les Nègres « du bas », ceux qui endurent le plus violemment les humiliations et oppressions dues à leur peau noire. De là, l’action garveyiste mise en branle au début du XXe siècle, avec toutes ces imperfections.
De « l’autre côté », il y avait les intellectuels noirs, les penseurs du panafricanisme, misant plutôt sur l’avancée des idées « progressistes », sur la persuasion, pour changer la donne raciale séculaire. Ainsi les Du Bois, Padmore, Cheikh Anta Diop qui se sont adressés aux élites noires.
Ce n’est pas un hasard si les successeurs de Marcus Garvey ont grandi aux USA : Malcom X, Martin Luther King, et ont été assassinés. Ce n’est pas non plus la « malédiction » si, de l’autre côté de l’Océan, le consciencisme de Nkrumah a pour le moment échoué.
Il reste à démontrer au Nègre qu’il est capable de faire aussi bien que le Blanc, mais il faut d’abord qu’il s’aime lui-même et aime ses congénères. Il lui faut constituer une force concrète, seule capable de s’opposer à la force concrète cumulée de la discrimination raciale et du néocolonialisme. Il lui faut se mobiliser et s’organiser mondialement.
Têtê Godwin Tété-Adjalogo, ancien fonctionnaire togolais de l’Onu, après avoir décrit dans un premier volume la vie et l’œuvre de Marcus Garvey, trace ici les lignes de convergence qui soudent le garveyisme au panafricanisme : les deux facettes d’un même combat de libération.
Le garveyisme et le duboisisme sont deux écoles complémentaires du panafricanisme. William Edward Burghardt Du bois naquit citoyen libre américain le 23 février 1868 (trois ans tout juste après l’abolition de l’esclavage aux Etats-Unis), à Great Barrington (Massachusetts). Issu d’un métissage de Blancs et de Noirs, il ne cachait pas sa fierté de ses ancêtres français (huguenots), hollandais et nègres.
Du bois entre à la fameuse université de Harvard. Ici il obtient le « BA degree » et le « MA » en 1890, l’année suivante, avec ses prestigieuses qualifications, il part en 1892 à l’université de Berlin, nanti d’une bourse. Son séjour en Allemagne sera décisif pour sa future carrière. Il admire le chancelier Otto von Bismarck, se laisse séduire par la prise de conscience nationale allemande, s’imprègne du concept et des idéaux du pangermanisme.
Sa thèse Ph. D. (Doctorat d’Etat) intitulée La suppression de la traite africaine vers les Etats-Unis, 1638-1870 dissèque les tenants et aboutissants économiques, humanitaires et juridiques de cette traite. En 1903, il sort The souls of Back Folk où il célèbre l’apport des Nègres à la culture et à la civilisation américaines. L’auteur passe en revue l’action panafricaine de W.E.B Du Bois à travers les cinq congrès tenus de 19OO à 1945. Avec le concours du député du Sénégal Blaise Diagne et l’aval de Georges Clemenceau son ami, le premier congrès se tient à Paris.
Le garveyisme a un impact en Amérique. Malcolm X (1925-1965) et Martin Luther King (1929-1968) ont été les deux successeurs de Garvey. L’anticolonialisme et le panafricanisme dans l’Empire français ont fait l’objet de longs développements fort intéressants. L’historien guinéen Ibrahima Baba Kaké révèle que, déjà en 1906, vivait à Paris un Sénégalais du nom de Moussa Mangoumbo qui, avec la bénédiction de Booker Washington, s’efforçait de promouvoir l’entente entre les Noirs de la diaspora.
A la Conférence panafricaine tenue en juillet à Londres, sous l’égide de Henry Sylvester Williams, les ressortissants francophones de l’Afrique, hormis le Maghreb, brillèrent par leur absence. Parmi les précurseurs africains du panafricanisme, on peut citer Kodjo Tovalou Houénou (1887-1936), Ibrahima Arfang Lamine Senghor (1889-1927), Tiémoko Garan Kouyaté (1902-1942). Cheikh Anta Diop (1923-1986) occupe une place spéciale parmi les figures de proue qui auront incarné la lutte anticolonialiste et anti-impérialiste. Mais alors quel rapport y a-t-il entre lui et Marcus Garvey ? Longtemps intrigué par les similitudes et les convergences entre ces deux monstres sacrés, T. Godwin se résolut à interroger la veuve de Cheikh Anta Diop qu’il rencontra, sur sa demande, à Paris, le 11 décembre 1989. Il lui posa la question de savoir si son mari connaissait Marcus Garvey. Voici la réponse de son interlocutrice : « Cheikh Anta Diop ne m’a jamais parlé de Garvey ».
On parle du panafricanisme de Cheikh Anta Diop. Il n’emploie pas ce terme dans ses ouvrages fondamentaux. Il est en faveur de la constitution d’un Etat fédéral d’Afrique noire qui n’engloberait pas l’Afrique blanche. En 1960, il écrit un ouvrage Les Fondements culturels, culturels, techniques et industriels d’un futur Etat Fédéral d’Afrique Noire où la Mauritanie doit être gouvernée par l’Afrique noire et l’Afrique blanche en condominium. Il prône la constitution d’un fédéralisme au niveau des pays d’Afrique noire. Il n’a pas subi l’influence de M. Garvey. Son fédéralisme repose sur l’unité culturelle de l’Afrique noire. Marc-Louis Ripovia, maître- assistant de géographie à l’Université de Libreville au Gabon, critique cette thèse de l’unité culturelle de C.A. Diop dans son livre Géopolitique de l’intégration en Afrique noire (L’Harmattan, 1994). Au contraire , l’Afrique connaît une grande diversité culturelle. Il examine la symbolique garveyienne dans la pratique politique de K. Nkrumah. La pratique panafricaniste de Nkrumah semble plus apparentée aux méthodes de Garvey qu’au modèle de Du Bois. Les éléments de cette symbolique sont les suivantes : L’étoile noire (Black Star), qui et à la fois emblème national, nom de l’équipe nationale de football et de la compagnie de navigation maritime.
Le culte de la personnalité fut l’un des aspects dominants de la carrière politique de Garvey. Nkrumah se faisait appeler « Le Rédempteur » (l’Osagyefo).
Enfin, le pouvoir charismatique et l’illusion de l’unité de l’Afrique. Garvey s’était pompeusement proclamé « président provisoire de l’Afrique ». Dans le même esprit, Nkrumah voulait voir l’Afrique entière placée sous l’autorité d’un gouvernement continental. ( op cité, p. 73-74).
Avec « Africa must unite », on passe du garveyisme au panafricanisme en Afrique francophone. L’auteur examine certaines questions comme le Ve Congrès Duboiste de Manchester de 1945, le combat de Nkrumah mené de 1909 à 1972 et la pensée de Nkrumah : le consciencisme. Ce livre bien documenté mérite d’être lu avec un esprit critique. Il contient beaucoup de réflexions pertinentes. Certaines thèses soutenues sont contestables.