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28 juin 2010

Notes de lecture Par Amady Aly Dieng Survivre à

Notes de lecture
Par Amady Aly Dieng
Survivre à Dakar d’une guerre à l’autre


Comment se ravitailler en vivres pendant trois décennies (1914-1945) dans une ville stratégique (Dakar) en pleine mutation ? Sont abordés à travers le temps plusieurs thèmes : l’urbanisation, les dynamiques alimentaires, l’histoire des marchés ruraux et urbains, les conditions de vie. L’étude de Mor Ndao, instituteur principal, docteur en histoire et enseignant depuis 2004 à l’Université de Dakar, laisse apparaître trois séquences chronologiques : De 1914 à 1930, la ville se modernise. La Grande Guerre (1914-1918) est marquée par la crise alimentaire liée à des facteurs multiples dont l’extraversion de l’économie.

La période 1931-1938 est marquée par la crise des années trente qui, avec ses disfonctionnements, fragilise le tissu urbain et les populations.

Il faut attendre le second conflit mondial pour voir la pénurie atteindre son niveau plancher avec l’institutionnalisation des mesures de rationnement.

L’émergence de la deuxième génération de villes sénégalaises - dont Dakar est liée à un nouveau contexte marqué par les progrès du commerce, l’abolition de l’esclavage, la révolution des transports et la grande poussée impérialiste. Au vrai, les difficultés de ravitaillement et d’avitaillement à Gorée, la volonté affichée des autorités coloniales de posséder une position stratégique furent autant de facteurs décisifs dans l’occupation du site de Dakar.

L’ascension de Dakar

Erigé capitale de l’Aof à l’orée du siècle, Dakar régnait sur un vaste territoire, à la tête de huit colonies, contribuant du coup à son rayonnement. En réalité, le rayonnement et la puissance d’une capitale sont déterminés par le niveau de centralisation et l’étendue de l’Etat. Dakar n’a pas dérogé à la règle. L’essor de la capitale de l’Aof s’accompagna d’une modification du cadre urbain avec la mise en place d’infrastructures qui modernisèrent davantage la ville.

L’idée d’occuper la presqu’île du Cap Vert se précisa au 19e siècle à la faveur d’un nouveau contexte marqué par la fin de la traite et surtout l’abolition de l’esclavage, l’expansion de la culture de l’arachide, la révolution des transports ainsi que la grande poussée impérialiste. Ces nouvelles données s’accommodaient mal avec les contraintes imposées par le site de Gorée.

En fait, incontestablement, l’exiguïté de Gorée gênait le libre destin de la cité insulaire ; le cadre imposé par la nature limitait toute possibilité d’expansion. Or, les privilèges de position constituent des éléments fondamentaux à la prospérité des villes. Ainsi la position géographique (baie d’accès facile, position privilégiée sur l’Océan entre l’Europe et l’Amérique) va déraciner les activités économiques de Gorée pour les implanter à Dakar. Dès que les négociants français abandonnèrent l’île, elle déclina progressivement au point d’être réduite, à la longue, à une annexe de la nouvelle cité victorieuse.

L’ascension de Dakar au détriment de Saint-Louis est confirmée dans l’œuvre d’Abdoulaye Sadji, Nini, la mulâtresse du Sénégal. Ainsi, ‘dès Dakar, Nini commence à se sentir dans un monde nouveau : grands magasins illuminés, restaurants, restaurants éclairés au néon, foules et grouillements de voitures, tout la change déjà de cette petite ville de Saint-Louis, si archaïque et si pleine de contours’.

Rufisque, citée comme comptoir depuis la fin du 16e siècle, draine les produits locaux et surtout l’arachide, grâce à son wharf. Elle a été, jusqu’à la veille des années trente, une redoutable concurrence de Dakar. En 1912, le port de Rufisque avait expédié 84 535 t d’arachide contre 4558 t pour celui de Dakar.

La première guerre mondiale a eu d’énormes répercussions sur l’approvisionnement de la ville. Les indigènes ont péniblement subi les contrecoups de cette guerre. Le recrutement et les opérations militaires ont provoqué d’énormes conséquences sociales (maladies, disettes, épidémies). Des régions entières furent désertées alors que, dans d’autres, des révoltes éclatent (Haut Sénégal, Niger, nord Dahomey, Touaregs de la bande saharienne, Bélédougou au Soudan et une partie de la Côte d’Ivoire).

La structure urbaine laisse apparaître trois secteurs : d’abord le Plateau, au centre de la ville, occupé par la population européenne, ensuite la Médina et enfin les villages traditionnels. La ville de Dakar se singularise par un centre européen juxtaposé aux quartiers indigènes rejetés à l’extérieur de ce centre.

L’intrusion de l’économie de marché a favorisé l’entrée, dans les échanges, du bétail et de certaines productions vivrières destinées auparavant à l’autoconsommation.

Dakar, point d’appui de la flotte de guerre

La première génération des villes sénégalaises se singularisa dès le 19e siècle par une forte demande de viande liée à la présence d’une importante minorité européenne et de troupes. Dès 1850, certains commerçants européens réussirent à accaparer le commerce de la viande. Tel fut le cas de M. Hérissé, principal fournisseur de l’administration à l’époque et qui réussit à bâtir toute sa fortune sur le commerce de bétail.

A Dakar, la structuration du commerce laisse apparaître trois types : le grand commerce colonial monopolisé par les Européens, le commerce libano-syrien (créneau intermédiaire) et le commerce de détail occupé par les Africains.

Dans la colonie, la présence des firmes bordelaises fut plus ancienne. L’une des plus anciennes de ces maisons, Maurel et Prom, débuta ses activités à Gorée avant d’être transférée à Saint-Louis en 1857. La période qui suivit la fondation des maisons bordelaises, comme Devès et Chaumet, Polyeucte Lacoste, Buhan et Teissère, Petersen, Peyrissac, se singularisa par le caractère varié, voire polyvalent de leurs activités allant du commerce de la gomme à l’armement et la boulangerie par Maurel et Prom, en passant par le remorquage à l’embouchure du fleuve pour Devès et Chaumet.

Le créneau intermédiaire se caractérise par son activité multifonctionnelle. En fait, il englobait le commerce de denrées alimentaires, de tissus, des articles de ménage, la quincaillerie. Prolongement du grand commerce colonial, le créneau intermédiaire était dominé pat les Libano-Syriens Le commerce de détail est monopolisé par les commerçants africains, souvent autochtones. Marginalisés après la grande dépression des années trente, ils ne jouèrent qu’un rôle décoratif dans le champ économique et occupèrent la sous-traitance. Si certains commerçants nationaux réussirent à émerger du lot, nul doute qu’il s’agit là d’une exception qui confirme le règle.

A l’orée des années 1940, Dakar constituait un enjeu géostratégique de premier ordre dans le dispositif colonial français. En effet, la ville avait ses caractères spéciaux : chef-lieu du gouvernement général, port d’escale d’importance mondiale et premier port de transit de l’Aof, troisième port de commerce français à trafic intense après Marseille et Le Havre, dépôt de combustibles, centre de lignes aériennes françaises et internationales à mi-chemin entre l’Amérique et l’Europe, point d’appui de la flotte de guerre, centre de défense terrestre. Tout cela faisait de Dakar un point tant convoité par les différents protagonistes.

Dakar fut impliqué militairement dans la deuxième guerre. Ainsi, dès le 7 juillet 1940, un contre-torpilleur pro-gaulliste fut refoulé à Dakar, tandis que le lendemain, le ‘Richelieu’ fut attaqué et immobilisé. Le ralliement de l’Aef poussa les autorités de l’Aof à prendre des mesures préventives pour protéger ses bases contre toute attaque anglo-gaulliste. C’est dans ces conditions que De Gaulle se présenta au large de Dakar le 23 septembre 1940. La principale conséquence de l’échec des anglo-gaullistes à Dakar fut le renforcement du blocus et la généralisation des mesures de ravitaillement.

Les importations de riz indochinois vont enregistrer un fléchissement considérable avec 117 377 t en 1937 pour chuter à 36 7411 en 1938. La situation empira l’année suivante puisque aucune commande ne sera passée avec l’Indochine.

Voler des linceuls dans les tombeaux pour se vêtir ou les revendre

Au paroxysme de la pénurie, l’administration chercha à compléter les rations par des calories immédiatement disponibles : blé concassé, orge, pois chiches, alpistes difficilement acceptés par les populations indigènes.

A partir des années trente, le riz avait conquis une place de choix dans l’alimentation des Dakarois. Un arrêté subordonnait la vente de riz à celle d’une quantité de maïs. Il faut attendre la seconde guerre mondiale pour voir le maïs tenir une grande place dans l’alimentation indigène. La diffusion du maïs dans l’alimentation des masses était liée à la nécessité de ménager les stocks le plus longtemps possible et à la pénurie de riz et de mil. Dès lors, Dakar devait se rabattre sur le maïs du Togo et du Dahomey.

L’institutionnalisation du rationnement du pain s’accompagne de l’arrêté du 17 avril 1941 rendant obligatoire l’incorporation de 15 % de farine de maïs à la farine panifiable.

La pénurie des produits laitiers fut ressentie à Dakar dès octobre 1939. L’état de guerre occasionna la réduction dans une grande proportion des envois de lait condensé à Dakar. Le beurre, rationné depuis mai 1942, était réservé aux Européens. En juin 1941, le taux de la ration mensuelle était fixé à 1kg pour les Européens et 500 g plus 2 bougies pour les indigènes.

Le second conflit mondial fut marqué par de sensibles restrictions, notamment au niveau de la consommation indigène. Avec la pénurie, s’installa la famine, puis la peste qui ne cesse de ravager la ville, avec de véritables hécatombes surtout dans les quartiers indigènes. En réponse à la pénurie, les populations locales développèrent des alternatives et des initiatives en donnant une nouvelle impulsion à la production agricole et à l’artisanat local. En outre, la pénurie modifia sensiblement le régime alimentaire des populations locales qui s’adonnèrent à des pratiques à la limite de la légalité en contournant les dispositions réglementaires.

La pénurie des textiles fut durement ressentie par la population autochtone. Souvent, il n’existait qu’une tenue vestimentaire portée à tour rôle lors des sorties. Les sacs de farine ou de semoule vidés, lavés et teints à l’indigo servaient d’habits. Les bons d’achats de tissus n’étaient livrés qu’en cas de décès pour la confection de linceuls ; certains n’hésitaient pas à voler les linceuls en percale dans les tombeaux pour s’en revêtir ou les revendre. Ce livre contient de riches informations qui sont très utiles à tout chercheur s’intéressant à l’histoire économique et sociale et à la vie quotidienne du Sénégal. Il mérite d’être lu par les historiens, géographes, sociologues, Africains.

Le ravitaillement de Dakar de 1914 à 1945 Par Mor Ndao L’Harmattan 2009 288 pages

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