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28 juin 2010

Notes de lecture L’ouvrage Nietzsche et Cheikh

Notes de lecture L’ouvrage Nietzsche et Cheikh Anta Diop

Par  Le Potentiel

Par Ramsès L. Boa Thiémelé L’Harmattan 2007 - Enseignements de figures positives de la nostalgie des origines

Il a été souvent reproché à Cheikh Anta Diop sa propension à oublier le présent au profit du passé. Sa conception d’une Egypte nègre, origine des Négro-africains, aurait succombé à l’attrait de la nostalgie des origines. Mais une lecture plus pertinente de sa philosophie découvre qu’il n’a fait qu’exprimer un invariant structurel universel. Sa démarche est un bel écho aux leçons généalogiques de Nietzsche.

Pour comprendre cela, il faut partir, par exemple, de la symbolique des origines de la sociologie, de la politique africaine et européenne, de la religion et de la philosophie. Dans cet essai, Ramsès L. Boa Thiémélé, maître de conférences à l’Université de Cocody à Abidjan (Côte d’Ivoire), montre que la nostalgie des origines est plus que création de mythologie ; elle est à la fois rationnelle et affective, métaphysique et mythique. Son universalité peut être éprouvée dans la philosophie de Nietzsche.

L’auteur opère ainsi, sur cette base, un rapprochement audacieux entre Nietzsche et Cheikh Anta Diop qui deviennent alors des figures positives de la nostalgie des origines. Ils veulent tous les deux combattre le nihilisme qui met l’homme dans une position de négation de soi. Ce faisant, Cheik Anta Diop, en particulier, apparaît comme le précurseur de la Modernité africaine, fondement de la Renaissance africaine.

EGYPTE ANTIQUE, L’ORIGINE…

Dans son ouvrage L’Afrique de Cheikh Anta Diop, Histoire et idéologie, (Karthala 1996) qui s’est voulu une psychanalyse de son œuvre, François-Xavier Fauvelle soutient la thèse selon laquelle Cheik Anta Diop est fasciné par les origines. Il y aurait une essence, un substrat psychologique que l’on peut retrouver si l’on fait l’effort de remonter à l’origine et au pur. Cette origine, pour l’Africain, est l’Egypte antique. Il y a sans aucun doute, selon Thiemelé, des passages, des ouvrages de Cheik Anta Diop qui peuvent inviter à penser à l’existence des nostalgies de la vérité, des origines et de l’être. Des textes existent où il apparaît nettement que la vérité est ancienne (nostalgie de la vérité), que l’origine des Africains est commune et lourde de valeurs (nostalgie des origines), enfin que l’Africain a un être qui est resté permanent en dépit du temps et de l’espace (nostalgie de l’être).

Ces trois nostalgies de la vérité, des origines et de l’être ont été l’aboutissement d’une démarche psychanalytique de F-X Fauvelle. Il a préféré, selon ses propres mots, la mise au jour du non-dit, l’occulte. Il est allé même au-delà du dire même de Cheikh Anta Diop pour lui faire dire plus que ses textes ne veulent bien en dire. Là est sans doute selon Thiémelé, la limite de l’interprétation de F-X, Fauvelle.

L’origine est un élément structurant de notre être individuel et collectif. Si elle est présente sous la forme mythologique chez Cheikh Anta Diop, c’est parce qu’elle donne à l’homme le sentiment de retrouver son identité perdue comme la parole du psychanalyste permet la reconstruction d’une nouvelle mémoire à travers la réintégration du passé revisité. Occupé à traquer l’ombre du non-dit, F-X Fauvelle n’a pas eu le temps de comprendre, selon Thiemelé, que la quête des origines n’est pas forcément une construction mythique des origines. Elle est une structure de l’esprit humain fonctionnant aussi bien dans la sociologie, la religion, la politique que dans la philosophie.

L’auteur commence par étudier les figures sociologiques et religieuses de la mythologie avant de passer en revue les figures politiques de la mythologie des origines. Il s’intéresse aux figures politiques africaines comme le général Mobutu (l’authenticité) aux figures européennes.

QUETE DES ORIGINES

Dans la 2e partie du livre, l’auteur traite de la quête des origines chez Nietzsche et Cheikh Anta Diop. La recherche des origines revêt un caractère universel. De plus, la raison n’est pas étrangère au procédé d’assignation d’une pureté à l’origine. C’est à partir de ce principe rationnel que L. Boa Thiémele va opérer le rapprochement entre la biographie et la bibliographie de Nietzsche avec celles de Cheikh Anta Diop. Ainsi Nietzsche et Cheikh Anta Diop constituent-ils sans doute les figures singulières d’une lecture qui se veut universelle. De la considération de l’existence individuelle, il va dégager ce qui peut constituer les fondements d’une identité.

Nietzsche est à la quête de l’origine antique grecque. Il éprouve de l’amour pour la Grèce. Il acquit une connaissance remarquable des principaux auteurs de l’Antiquité. Sa nostalgie est positive en ce sens qu’elle refuse l’admiration béate et le rappel insipide des grandeurs passées. Cette nostalgie des origines est en réalité un détour par le passé pour donner sens au présent et au futur pour signifier la constitution d’une conscience historique fondée sur l’enracinement dans l’origine.

N’est pas la même chose que propose Cheikh Anta pour la conscience africaine contemporaine ? Le parcours de Cheikh Anta ne met-il pas l’Afrique, dans une relation analogue avec l’Antiquité égyptienne ? Dans la recherche du lieu et de l’époque de la découverte par Cheikh Anta Diop de la thèse de l’Egypte nègre, Jean Marc Ela (Cheikh Anta Diop ou l’honneur de penser, L’Harmattan 1989) Ibrahima Baba Kaké (Mémoire de l’Afrique - La diaspora noire – Abidjan (Dakar Nea 1976), Pathé Diagne (Cheikh Anta Diop et l’Afrique dans l’histoire du monde, L’Harmattan 1997) soutiennent que des liens directs et indirects rattachent Cheikh Anta à Marcus Garvey. R. L. B. Thiémele reprend cette idée en s’appuyant sur Pathé Diagne qui date le contact de Ch. A. Diop avec l’Egypte antique durant son séjour au Lycée Faidherbe de Saint-Louis qui s’est achevé en 1946.

Cette affirmation est discutable. D’abord Ch. A. Diop n’est, à notre connaissance, jamais référé à Marcus Garvey. Ensuite à notre avis, Ch. A. Diop a découvert la thèse de l’Egypte nègre à Paris et à l’occasion de la célébration du centenaire de l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises en 1948. Dans son article : quand pourra-t-on parler de renaissance africaine ? paru dans la revue Le Musée vivant (n° spécial 36-37, novembre 1948) Cheikh Anta Diop se propose considérant l’égyptien comme une langue morte pour des raisons d’ordre géographique et historique, de ‘bâtir des humanités à base égyptienne’. Et cela à l’instar de la langue grecque est à la base des humanités pour la civilisation occidentale (Alerte aux tropiques. Présence Africaine 1990, p. 39).

Il y a une question à éclaircir. Lors d’une conférence sur ‘les fondements d’une civilisation moderne’ tenue le lundi 4 septembre 1950 à la salle des Fêtes de Saint-Louis, Cheikh Anta a soutenu que ce sont les Phéniciens qui ont civilisé les Noirs descendant de Cham (cf. Paris-Dakar n° 4451 du jeudi 7 septembre 1950). Il ajoute que si les Africains vivant le long de l’Atlantique paraissent attardés, c’est qu’ils ont toujours été éloignés du contact des peuples civilisés.

La question de savoir à quelle époque et dans quels ouvrages Cheikh Anta qui n’est ni latinaste ni helléniste a découvert la thèse de l’Egypte nègre est incontournable. A notre avis, Cheikh Anta a été influencé par Victor Schoelcher qui a défendu la thèse de l’Egypte nègre à la suite de l’abbé Grégoire s’appuyant sur Volney (cf. De la littérature nègre, 1808). Cette question mérite des recherches approfondies par les jeunes chercheurs africains.

Il n’y a pas chez Ch. A. Diop une relecture détaillée de la pensée égyptienne ancienne qui aurait débouché sur la conceptualisation d’une méthode de lecture des phénomènes intellectuels, comme la généalogie l’a été chez Nietzsche. Mais si tous deux restent attachés à la méthode comparative, le comparatisme utilisé par Ch. A. Diop n’est pas celui que Nietzsche va utiliser dans la généalogie, méthode qui compare les différentes étapes et étages d’un mot à travers l’histoire même du mot et les types d’individu qui l’emploient.

Les Occidentaux hésitent dans leur quête de l’origine de l’humanité, entre l’Inde et l’Egypte. Passés les moments d’hésitation et de conjoncture, l’Inde est choisie. Mais elle est choisie en relation originelle avec la civilisation égyptienne. Une filiation est créée entre l’Egypte et l’Inde. Le sanscrit est mis en honneur comme langue Mère. La philologie indo-européenne détrône l’hébreu et l’égyptien à partir des travaux de Antequil Duperson (1731-1805). La franc-maçonnerie, la Rose-croix et les traditions ésotériques occidentales sont d’origine égyptienne. D’une part, la franc-maçonnerie reprend la conception de la connaissance des noms secrets des anciens Egyptiens puisque, pour elle, l’initiation consiste à retrouver la parole perdue, les mots qui donnent pouvoir sur l’univers. D’autre part, la franc-maçonnerie fonde son authenticité sur les origines égyptiennes anciennes.

ENJEUX D’UNE MODERNITE AFRICAINE

Dans la 3e partie du livre : De la modernité à la renaissance africaine. L. Boa Thiemelé étudie les enjeux d’une modernité africaine. Le nihilisme occidental qui prend selon Nietzsche racine dans le rationalisme, la morale et la religion chrétienne va guider l’auteur dans l’analyse des phénomènes africains. Pour surmonter le nihilisme, Nietzsche préconise le retour aux penseurs et idées fondatrices de la culture occidentale. N’est pas la même idée que propose Cheikh Anta lorsqu’il en appelle à une remise en cause systématique de l’interprétation des faits africains ?

Le retour à l’Egypte est la condition nécessaire mais pas suffisante pour rénover la culture africaine et lui donner paradoxalement un air de modernité. Voilà pourquoi Ch. A. Diop va s’attacher à montrer contre ceux qui désespéraient de mettre ensemble des ‘peuplades’ hétérogènes en conflits permanents les uns contre les autres que tout concourt à l’unification de l’Afrique noire : l’unité historique, l’unité psychique, l’unité géographique et un fond linguistique commun. Tout cela peut servir rationnellement et raisonnablement de fondements à la réalisation d’un Etat fédéral d’Afriquqe noire selon Thiemele qui n’a pas lu Géopolitique de l’intégration en Afrique noire de Marc Louis Ropivia, maître assistant de géographie à l’université de Libreville (Gabon). Dans ce livre publié en 1994 aux Editions l’Harmattan sont développés des arguments en faveur de l’existence d’une diversité culturelle. A notre avis, l’Afrique n’est guère unie géographiquement. Par ailleurs, Ch. A. Diop ne parle pas de panafricanisme, mais de l’existence d’un futur Etat fédéral d’Afrique noire. Ce qui exclut l’Afrique blanche, le Maghreb.

Sentant les objections des partisans de la thèse de la diversité culturelle de l’Afrique noire, Tiemelé se contente de d’écrire ‘l’affirmation de l’unité culturelle n’est donc pas dialectiquement en contradiction avec une reconnaissance de la diversité’ (p. 173). Pour éviter d’intenter un procès contre la pensée de Ch. A. Diop accusée d’être réductionniste, il cherche à la situer dans le contexte d’une époque caractérisée par le combat anti colonial. Les oppresseurs de l’Afrique insistaient sur la diversité culturelle du continent. Les partisans de la lutte contre le système colonial insistaient sur l’unité culturelle. Ces deux positions sont unilatérales et une part de vérité. L’unité est faite de diversité.

Cet ouvrage de R. L. B. Thiemelé présente un grand intérêt scientifique. Il ouvre d’intéressantes pistes de réflexion. Mais il est bon d’attirer son attention sur le titre exact de l’ouvrage de Ch. A. Diop. Dans la 1ère édition de 1960, il est intitulé : Les Fondements culturels, techniques et industriels d’un futur Etat fédéral d’Afrique noire (114 pages). Dans la 2ème édition de 1974, il est intitulé : Les fondements économiques et culturels d’un Etat fédéral d’Afrique noire. Dans cette édition, Ch. A. Diop a supprimé certains passages. Il est bon d’en connaître les raisons.

AMADY ALY DIENG – WALF FADJIRI *Les intertitres sont du Potentiel

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