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13 novembre 2010

Lomé, le 5 Octobre 2002 Après sa démission du

 Lomé, le 5 Octobre 2002

Après sa démission du CAR, M. Apédo-Amah dissèque la politique togolaise et ses acteurs

Le  28 juin 2002 le 2è  Secrétaire du CAR,  M. Ayayi Togoata  APEDO-AMAH, a démissionné . Depuis il n’a pas eu l’occasion d’expliquer à la presse les mobiles profonds de cette démissionné.  Il s’est confié à Togoforum.com malheureusement censurée au Togo.

Interview réalisée par Ted Hangui

 

TOGOFORUM : Vous étiez 2è Secrétaire National du Comité d’Action pour le renouveau (CAR), l’un des principaux partis de l’opposition à la dictature, et le 28 juin, coup de  théâtre, vous démissionnez  de votre parti. Les Togolais veulent bien comprendre.

 

Ayayi Togoata APEDO-AMAH : J’ai effectivement démissionné du CAR et comme dirigeant et comme militant le 28 juin 2002. J’aurais pu poser cet acte un ou deux ans plus tôt. Mais mon départ a été différé à cause du lâche emprisonnement d’Agboyibor par le régime illégitime qui a peur de son ombre. Je  ne pouvais pas quitter le parti alors que notre président  était en taule. Il y avait un défi à relever face  à la répression fasciste. Mais  pour remonter plus loin dans le temps, j’avais envisagé de mettre fin à toute appartenance partisane après les législatives de 1994 suite à la victoire du CAR , mais la trahison de  l’UTD d’Edem Kodjo, qui donna la victoire au Rpt, modifia mes projets.

 

TOGOFORUM : Mais pourquoi avoir quitter le CAR maintenant ? 

 

A-A : J’ai quitté le CAR le 28 juin 2002 pour reprendre mon indépendance  d’intellectuel entré  en politique. Vous savez, je n’ai pas attendu  la création des partis politiques pour faire  de la politique en combattant  la dictature militaro-fasciste qui sévissait  au Togo depuis 1967. C’est d’ailleurs pour cette raison  que presque tous les partis politiques de l’opposition qui se sont créés  en 1991 m’ont harcelé  pour faire partie  de leurs cadres  dirigeants. J’ai décliné  toutes ces offres de service pour créer avec des hommes et des femmes  qui avaient  fait leur preuve sur le terrain avant le 5 octobre 1990, le CAR, pour provoquer  le changement  et instaurer la démocratie  dans notre pays. Au départ  le CAR  s’était  proclamé  le parti des déshérités et collait aux aspirations  profondes  des masses  qui avaient en  fait leur porte-drapeau. Mais suite  aux nombreuses péripéties  de la dictature  pour empêcher  le peuple   d’exercer sa souveraineté, l’opposition dite démocratique  s’est perdue dans des  négociations  sans lendemain  qui la déshabillaient toujours un peu plus  face  à des autocrates  qui s’en servaient comme béquilles pour reprendre la part  du pouvoir que le peuple  leur arrachait. Conséquence : les forces démocratiques se sont affaiblies au point  de devenir impuissantes. Cette impuissance tient au  fait que l’arme de  l’opposition démocratique c’est le peuple. Or il se fait que toutes les négociations faites au  nom du peuple se sont faites  sans le peuple, sans la pression de la rue, cette  rue qui fait si peur aux  bourreaux du peuple togolais. Le peuple  déboussolé, écarté du processus  de la démocratisation par les  jeux politiques , s’est  totalement démobilisé, retirant  tout moyen de pression au partis  de l’opposition démocratique qui, après  chaque échec cuisant, s’entredéchiraient  comme des chiffonniers  en abandonnant la proie  pour l’ombre.

 

Pour ce qui concerne  mon parti, j’ai fait un bilan critique qui a débouché  sur un constat d’impuissance collectif   et personnel. J’ai eu le sentiment que les masses déshéritées ne se reconnaissaient  plus dans l’action  du CAR dont les positions  étaient devenues  beaucoup plus opportunistes que raisonnées par rapport  à une ligne politique. Le  parti prenait des résolutions la veille qu’il violait  allègrement le lendemain sans que la situation qui justifiait la résolution prise  n’ait changé d’un  iota. Un exemple : après  la déroute électorale  de juin 1998 et par la suite l’Accord Cadre de Lomé, le parti avait procédé à une autocritique salutaire en décidant de  ne plus participer  à une quelconque  union ou regroupement  politique. Eh bien, le CAR s’est   empressé  d’être l’initiateur  d’une nouvelle union politique , le Front,  avec la CDPA, l’ADDI, l’UDS-TOGO. Je précise que cette énième union bidon  s’est faite  après mon départ du CAR. Outre  les errements de la direction du CAR, je dois avouer que je n’ai jamais  été  très à l’aise dans la politique politicienne et partisane en tant qu’intellectuel. 

 

TOGOFORUM : Alors pourquoi avoir cofondé un parti de l’opposition ?

 

A-A : Ma participation à  la vie d’un parti politique s’est inscrite dans une logique. Nous réclamions haut  et fort  la démocratie et le multipartisme  dans les années 1980 ; alors , lorsque  les partis ont été créés, nous ne pouvions  que donner  l’exemple par notre adhésion ; nous ne pouvions rester à l’écart. Il   en a été  de même pour la vie  associative  au niveau de la société civile avec notamment, la création  de la Ligue Togolaise des Droits de l’Homme dont je demeure à ce jour un dirigeant. 

 

TOGOFORUM : Vous insistez beaucoup sur votre statut d’intellectuel. Quelle doit être, selon vous, la fonction  de l’intellectuel au Togo sous la dictature militaire ?

 

A-A : La fonction de l’intellectuel  est identique sous tous les cieux et  de tout temps. Il a pour  devoir  de dire  la vérité avec courage, d’œuvrer pour la justice, l’équité, de dénoncer  tous les pouvoirs oppresseurs et toutes les valeurs  d’aliénation qui enchaînent  mentalement le peuple. L’intellectuel doit  par  sa capacité  d’analyse éclairer  le peuple  et les politiques  en simplifiant  ce qui semble complexe et en complexifiant ce qui semble aller de soi. L’intellectuel est  celui qui défend le peuple et refuse tout compromis sur les principes. La rançon de son action c’est la marginalité parce qu’il fait peur à ceux qui aspirent  accéder au pouvoir. C’est  pour retrouver  toute la mordacité de la pensée critique  que  j’ai choisi  de renoncer à toute attache partisane en démissionnant du CAR pour me mettre  au-dessus de la mêlée  afin de mettre ma réflexion  au service de toutes les forces démocratiques authentiques  qui défendent l’intérêt du peuple togolais face à ses ennemis. 

 

TOGOFORUM : Ce que vous dites de l’intellectuel est bien beau, mais  on  a vu tant de prétendants  se mettre au service du Rpt pour s’attabler à la mangeoire nationale…. 

 

A-A : Aucun intellectuel authentique ne peut servir une dictature aussi médiocre et perverse  comme la nôtre. Ces énergumènes  auxquels vous faites allusion  ne sont pas des intellectuel mais des intellect-tueurs,  vulgaires diplômés  sans envergure, sans moralité, sans dignité  sinon , ils ne boufferaient pas  dans l’auge des cochons. Ne mélangeons donc  pas les serviettes et  les torchons, s’il vous plaît !   Lorsque l’élite  d’un pays érige la crapulerie, la corruption, le cynisme, le mensonge  et  la cancrerie  en valeurs dominantes, il y a péril en la demeure . Ces élites  de pacotille, véritables lampeurs de soupe, sont de pauvres types qui ne méritent  que notre mépris, car leur souci n’est pas  de construire le Togo mais de le charançonner comme un sac de maïs. Il suffit d’écouter les médias d’Etat pour être fixé sur la moralité plus que douteuse  et les capacités intellectuelles plus limitées de  ces tristes sires et autres rastaquouères.

 

TOGOFORUM : Que pensez-vous de l’actuelle opposition démocratique ? Incarne-t-elle  toujours l’aspiration au changement ? 

 

A-A : Les partis de l’opposition démocratique  sont aujourd’hui patraques, en mal  d’idées, de stratégies, incapables de remobiliser  le peuple après leurs zigzagues politiques et leurs stratégies  à la  con. Ces partis sont victimes de leur propre  turpitude, de leurs compromissions, de leurs trahisons. Comment comprendre  que la dictature militaro-fasciste n’a  jamais renoncé à son armée alors qu’en face, les partis ont renoncé  à leur arme absolue, le peuple ? C’est aberrant  et inimaginable sur le plan stratégique. Si aujourd’hui tous les observateurs  avisés ont fait le constat de la désaffection du peuple, c’est  que, aux yeux  de celui-ci, ils n’incarnent plus  ses aspirations au changement pour bouter la tyrannie du Rpt que j’ai toujours considéré  comme le cache-sexe du régime  militaire. Car le Rpt n’existe pas ; ce n’est pas en réalité un parti  politique ; il ne survivra pas à Eyadema.

 

La tâche essentielle  pour les partis politiques qui veulent  un vrai changement  et une simple alternance,  est  la reconquête du peuple pour faire à nouveau de lui l’acteur principal  et prioritaire de la lutte  contre le fascisme et l’obscurantisme primaire et primitif. L’on ne peut prétendre  conquérir  la démocratie quand on a peur du peuple comme les dictateurs.

 

La mise au rancart  du peuple   tient aussi  au fait  de l’excessive personnalisation  de la lutte  pour la dominance  au sein des  partis dits démocratiques. Trop de leadership tue le leadership. Qui peut nier que Agboyibor, Olympio, Gnininvi, Kodjo, Ayeva  entre autres, ne se sont pas plus combattus  qu’ils n’ont combattu Eyadema? Que de dénigrements, de mensonges, de  calomnies, de rumeurs assassines ; de ruse de Sioux pour faire  perdre le concurrent  dans l’opinion ! Quel extraordinaire  gâchis ! Ce sont  là des méthodes abominables dignes  du Rpt. Quatre décennies de dictature, ça laisse forcément des traces dans les esprits. Qu’on se le dise, on ne fera pas de démocratie sans démocrate ! Le risque, après le départ d’Eyadema, ce sera de faire du Rptisme sans le Rpt ou de l’éyademaisme sans Eyadema. Ce serait l’arnaque du siècle. 

 

TOGOFORUM : Que pensez-vous de chaque leader de notre microcosme politique : Eyadema, Koffigoh,  Gilchrist Olympio, Agboyibor, Ayeva et de l’archevêque à l’époque du Haut Conseil de la République (HCR) ? 

 

A-A : Je suivrai votre ordre sans toutefois savoir ce qui le  motive. 

 

Eyadema : Eyadema est un assez bon tacticien mais un médiocre  stratège politique. La preuve  en est  qu’il a dû, au cours du processus de démocratisation, recourir régulièrement à l’armée  pour se remettre en scelle  face aux forces démocratiques. Il n’a plus d’idées pour  le Togo. Il est politiquement usé, sans avenir pour le Togo. Son problème, c’est   que les Togolais ne veulent plus de lui.  Le sachant, il s’est  condamné à une fuite  en avant dont l’issue ne lui sera pas favorable s’il  n’a pas la sagesse de  se retirer  volontairement en 2003 comme l’exige la constitution. Son bilan  est globalement négatif et tend même à devenir calamiteux à son image : une calamité. 

 

Koffigoh : Ce monsieur a voulu porter des bottes  trop grandes pour lui et il est tombé dedans. Il est dévoré par d’ambitions pour lui, mais pas pour son pays. Pour réaliser ses ambitions , il ne s’encombre pas de scrupules. C’est un opportuniste dangereux tant pour l’opposition que pour le parti qu’il sert aujourd’hui avec la flétrissure de la trahison sur le front. C’est d’ailleurs cet opportunisme dangereux qui l’a amené à trahir le peuple togolais  pour servir  Eyadema. C’est  un piètre  politique. 

 

Gilchrist Olympio : L’homme a certes une grande ambition.  Il est cependant trop émotif et manque de discipline pour réaliser son projet politique d’où souvent  une impression  de brouillon. Il a de la constance dans ses idées. Son exil loin de ses troupes  nuit   beaucoup à  son expérience politique. En 1998, il avait ravi le leadership de l’opposition à Agboyibor au sein des masses  populaires. Il donne l’impression  d’être mal entouré ou de ne pas écouter  les conseils. 

 

Yaovi Agboyibor : Il est très politique, peut-être trop même. C’est une boîte  à idées. Il a- une idée par semaine ; ce qui  fait sa force  et sa faiblesse. Ses idées, je veux dire qu’il  n’est pas  toujours  capable de les enfiler  comme des perles  sur  la même ficelle  d’où certaines incohérences qui déroutent  ses partisans et adversaires. En voulant  trop peaufiner une image de leader présidentiable et responsable, il a perdu de sa spontanéité, de son naturel, qualités qui faisaient sa force auprès du peuple. Beaucoup de gens cherchent à le manipuler et  il n’en est pas toujours conscient. C’est un grand bosseur qui suscite beaucoup de jalousie au sein de l’opposition. 

 

Edem Kodjo : Il a beaucoup d’entregent. Il a incontestablement une carrure politique. Mais il donne l’impression d’être l’homme des réseaux. Les scrupules ne semblent pas l’arrêter dans son ambition présidentielle, d’où son  alliance  avec le Rpt pour devenir le Premier ministre otage d’Eyadema en 1994. Ce triste épisode a durablement écorné  son image dans l’opinion. Autant l’homme  est généreux, autant  il semble avoir une rancune tenace. Il aime la ruse en politique. 

 

Messan Gnininvi : C’est l’homme politique qui incarne le mieux la mystique de l’union de l’opposition. Mais paradoxalement, il n’a jamais été porteur d’une véritable stratégie  pour réaliser  ce dessein qui  lui semble cher, car il a toujours été partie prenante  de tous les déchirements au sein de l’opposition Il doit sûrement confondre cartésianisme et  politique.

 

L’on ne peut unir et se désunir en même temps. Il  donne  de lui une image d’homme de l’ombre rusé. Il ne va pas droit à l’obstacle ; il le contourne. C’est un habile tacticien  et un grand agitateur politique. Ses  ambitions politiques sont desservies par un mauvais travail  d’implantation de son parti , la CDPA. Les associations satellites de son parti sont très actives et ont un impact important au sein de  la société civile. 

 

Zarifou Ayeva : C’est un homme  bien renseigné qui sait prendre le temps de la réflexion, mais il est trop émotif lui aussi. Son petit score  à l’élection présidentielle de  juin  1998, lui a paradoxalement conféré  un certain poids politique qu’il a voulu exploiter au maximum. Mais  il a malheureusement  opté pour une stratégie opportuniste, calamiteuse en voulant au cours  des négociations  de  l’Accord Cadre de Lomé  et au sein du Comité Paritaire de Suivi, se singulariser en prenant souvent des positions  allant dans le sens du Rpt. Je ne pense pas que c’est la faible implantation de son parti, le PDR , qui l’oblige à ces acrobaties politiques. Il est  trop seul dans son parti. Malgré une certaine  susceptibilité, il apparaît souvent comme un élément modérateur dans les déchirements  des frères ennemis de l’opposition. 

 

Mgr Philippe Fanoko Kpodzro : C’est un piètre politique. Je n’ai jamais compris pourquoi certains leaders de l’opposition  en ont fait le président de la Conférence  Nationale Souveraine  et du Haut Conseil de la République (HCR).  Il n’était vraiment pas dans son élément  et semblait débarquer  d’une autre planète  avec une naïveté déconcertante malgré le fait qu’il était par ailleurs madré comme un paysan. Avec  Kpodzro, les manipulateurs de tous  les bords  se sont régalés.

 

A son actif  il faut relever  qu’au moment où la plupart des leaders de l’opposition avaient fui le pays en 1993 aux cours de la  grève générale illimitée qui a suivi la prise en otage  du HCR  en octobre 1992, il a fait preuve d’un grand courage  malgré les menaces, en restant à la barre et en signant tous les  documents destinés à bloquer des fonds de l’Etat déposés dans  des banques étrangères. Il a laissé l’image positive d’un homme honnête, qualité   rare chez un prêtre  catholique. 

 

TOGOFORUM : Vous étiez justement le Rapporteur du HCR. On peut dire qu’au lendemain   de la Conférence souveraine, l’opposition avait pignon sur rue. Mais sa pugnacité s’est peu à peu étiolée.  Résultat cette déliquescence de  toute la classe politique.  Si vous aviez  à rappeler  vos joies  et vos déceptions de  cette époque où vous étiez Rapporteur, qu’évoqueriez-vous ? A-A :   Au chapitre des joies, ce qu’il y a eu de positif, c’est qu’au sein de cette institution, existaient de véritables débats démocratiques qui ont permis de jeter les bases  de ce qu’aurait dû être la démocratie au Togo. Ce n’est pas par hasard  que le HCR  a été la bête noire de certains militaires anti-démocrates. En  réalité, le coup d’Etat  du 3 décembre  1991 n’était pas contre Koffigoh mais contre le HCR. Le  HCR  a eu le courage et le  mérite  de défendre le peuple togolais  les mains nues. Et le peuple  ne lui avait ménagé son soutien par la spontanéité avec laquelle il répondait à son appel.

 

Au sujet des déceptions,  ce que j’ai déploré   au sein du HCR, c’étaient certains comportements politiquement  irresponsables  de certains  de ses membres qui posaient des actes  en jouant  les durs mais qu’ils n’osaient pas assumer. A certains moments, l’adversité  entre les partis politiques  de l’opposition a failli  prendre le pas sur l’intérêt  national parce que  le président du HCR  était trop politiquement  naïf. Ce manque  de dimension, de vision politique  de Kpodzro, a véritablement desservi le HCR. Dépendant aussi du Vatican, on ne peut exclure  certaines influences souterraines d’autant  plus que  toutes les forces politiques  togolaises cherchaient à le manipuler dans leurs intérêts inavoués. 

 

TOGOFORUM : Quel est  votre sentiment  sur les législatives anticipées du 27 Octobre 2002 ?

 

A-A : C’est un non-sens, un non-événement. Pour faire  des économies, autant nommer  à l’assemblée nationale  tout le Comité central du Rpt, ça évitera un cirque inutile. De toutes  les façons, je doute que plus de 5% des électeurs  acceptent  de se faire complices de  cette mascarade ridicule. Le Rpt sait qu’il ne remportera aucune élection  au Togo avec Eyadema au pouvoir. Vouloir organiser cette fraude électorale est un aveu d’impuissance  d’un  pouvoir en mal d’imagination qui ne sait plus quoi imaginer pour  pallier sa tare originelle : l’illégitimité. Depuis son accession au pouvoir,  par coup d’Etat  militaire en 1967, Eyadema  n’a jamais été élu démocratiquement au Togo. Quel cinglant désaveu !

 

Paradoxalement, je  pense que  ce sont les provocations  de la dictature  qui vont aider à remobiliser le peuple dont l’exaspération risque  de déboucher sur une colossale surprise pour ses oppresseurs. 

 

TOGOFORUM : Eyadema et l’échéance de  2003 : il doit normalement quitter le pouvoir ? 

 

A-A : Ce pays a perdu sa normalité. Tout est déréglé.

 

35 ans d’une inique dictature, d’un général d’opérette qui plus est ubuesque, cela est  une période  à la charnière de  trois générations : celle qui est montée au pouvoir avec lui et qui a connu des fortunes diverses  selon qu’elle  a servi ou décrié la monstruosité ; celle qui est née  avec lui  et qui aujourd’hui se cherche ; celle , enfin beaucoup plus jeune , qui vit les errements  d’une piteuse fin de règne et  à, laquelle on enseigne à  force de motions que l’opposition c’est le père–fouettard. C’est au total  l’avenir de tout le pays qui est ainsi confisqué, bafoué, nié. Ce  sont 35 sinistres années, 35 douloureuses années d’un règne calamiteux. Lui-même devrait  tirer les conséquences  et déguerpir. Il s’agit d’une  affaire de conscience qui engage l’honnêteté de  la parole donnée : parole de militaire !  Par patriotisme, Eyadema  doit partir  sans tripatouiller la Constitution. S’il refuse de quitter le pouvoir comme tout semble l’indiquer, c’est  que le pouvoir le quittera. Que peut-il encore proposer à ce pays qu’il n’a pu réaliser en trente-cinq ans de règne solitaire et catastrophique ? Il doit  partir.

 

Le Togo doit cesser de vivre cette situation de  coup d’Etat  permanent et de misère politique  qui semble le singulariser si négativement  en Afrique. Eyadema  doit offrir la chance aux Togolais d‘entrer dans une ère nouvelle placée sous  le signe du développement, de la libération du peuple et de l’intelligence au  pouvoir. Cette  exigence  est d’autant plus impérative que le personnel politique  du Rpt  est d’une rare médiocrité. Regardez  ce qu’ils  ont fait du Togo ! C’est à pleurer. L’horizon  est bouché. Le mot avenir  a disparu du vocabulaire de la jeunesse. Toutes les générations  sacrifiées  ont le cœur meurtri, aigri par  une misère  morale et matérielle engendrée par la corruption des politicards prébendiers et leur incompétence  sans borne. L’unique mission  qui doit préoccuper les forces  démocratiques c’est  la mise sur  pied d’une stratégie  qui refasse du peuple l’acteur principal  du changement. Telle  est la voie du salut. Eyadema doit faire preuve pour une fois, dans sa longue carrière de militaire-président, de beaucoup de courage politique  en quittant librement le pouvoir.

 

TOGOFORUM : Comment avez-vous ressenti l’incarcération   du  président du CAR, Yaovi Agboyibor ? 

 

A-A : C’est comme si j’avais reçu un coup de massue  sur le crâne. J’ai été très  ému mais j’ai estimé que le défi devait  être relevé pour montrer aux bourreaux  du peuple togolais que l’intimidation ne fera pas  fléchir  les combattants  de la liberté. En posant cet acte scélérat, les fascistes  espéraient  que le CAR  sans leader s’effondrerait ; seulement, ils ignoraient que Agboyibor  n’était pas le CAR. C’était une vengeance  mesquine  et lâche contre un adversaire  politique qui a subi le sort à lui infligé, avec stoïcisme et dignité émouvante. Incarcérer Agboyibor, un poids lourd  signifiait vouloir intimider les autres  leaders et tous les simples militants de la base. L’embastillement arbitraire  des responsables de l’opposition est  le résultat de la démobilisation  du peuple ; sans cela, Eyadema n’aurait jamais  osé poser un tel acte. De toutes les façons, enfermer les leaders et autres responsables, ne sert  à rien : aucun homme politique n’ est irremplaçable. Eyadema  lui-même n’est pas irremplaçable au sein de la clique dirigeante. 

 

TOGOFORUM : Quelle analyse faites-vous de la dissidence des barons du Rpt , Agbeyome Kodjo et Dahuku Péré ?

 

A-A : Pour l’heure, je perçois cette dissidence  comme un acte  opportuniste motivé davantage par le ressentiment, l’aigreur que par une véritable conviction  politique. N’oubliez pas que ces deux-là ont été nourris  et  ont grandi politiquement à la mamelle de la dictature. Alors ce virage à 180 ° ne me laisse  pas sceptique mais me conforte dans ma conviction  que la tyrannie  est un mal absolu. Si des enfants  gâtés du régime fasciste Rptoche en viennent  à cracher dans la soupe ou  à pisser contre le vent  qui les portait, c’est que  le système  qu’ils dénoncent  est vraiment pourri. Agbeyome Kodjo et Dahuku Péré ont été victimes de leur propre turpitude, de leur ventre et de leur cynisme en politique. Si  aujourd’hui, ils découvrent  que Eyadema  ne fait plus l’affaire, que le Rpt est dictatorial, que le régime  est prédateur, nous disons tant mieux s’ils peuvent  aider à affaiblir la dictature.

 

Mais  nous n’irons pas jusqu’à les embrasser sur la bouche comme le font  certains naïfs imprudents. Vigilance ! Car qui nous dit que ces Rptoches  en rupture  de ban ne referont pas le chemin inverse  demain ? Et d’ailleurs, ils n’ont pas  démissionné du Rpt, ils ont été virés ! Nous ne pouvons nous  permettre d’oublier en un battement de cil la sauvage campagne de Kodjo Agbeyomé dans le Yoto contre les paysans  hostiles  au Rpt. Qui peut oublier le son des rafales  tirées dans le sexe et l’anus  du brave militant du CAR de Sendome, Mathieu Koffi Kégbé par une milice se réclamant de lui. Alors wait and see ! 

 

TOGOFORUM: Les partis de l’opposition, à l’exception de  l’UFC et de quelques autres partis, ont  formé une sorte d’union  en vue d’une prochaine candidature  unique  aux prochaines consultations.  Cela pourrait-il vous amener à retourner au CAR d’autant plus que le président de ce Front est justement Me Agboyibor?

 

A-A :  C’est totalement exclu. Pour l’instant, j’ai tourné la page  de l’appartenance partisane. Il ne faut pas se tromper. Le peuple  togolais  a toujours exigé  des partis politiques de l’opposition  démocratique de s’entendre , c’est-à-dire de  ramer dans le même sens  pour opérer  le changement  souhaité . Mais le peuple  n’a jamais fixé les modalités aux partis politiques . L’expérience a montré  que toutes les unions  qui ont jalonné la vie politique au sein de l’opposition  ont été des unions  bidons, opportunistes et sans principes . Cette  situation  a toujours  eu pour conséquences, le fait de  les voir voler en éclats  au bout de quelques mois d’existence avec    des guéguerres  de chefs interminables  et désolantes. Ces unions  ont toujours  été un marché  de dupes  dans la mesure où le les gros poissons cherchaient à avaler les petits poissons , lesquels cherchaient  à leur tour à dégraisser  les plus gros.

 

La création  de ces unions a toujours aussi marqué les temps forts des  déchirements au sein de l’opposition.   Nous ne voulons pour exemple que les unions COD, COD2 , le G8 , l’Union CAR-PDR-UFC… Donc il m’apparaît plus sage  pour les partis politique de l’opposition de travailler  ensemble contre la dictature  dans une bonne  entente  sans pour autant renoncer à leur autonomie. Parce que lorsqu’un militant adhère à un parti X , c’est parce qu’il estime qu’il  ne peut plus adhérer aux partis Y ou Z. Ce qui veut dire que ces unions opportunistes  mettent  en danger  le pluralisme , fondement de la démocratie. A la limite, l’on peut craindre le danger d’un parti unique de l’opposition. Vouloir séparer démocratie et pluralisme et multipartisme est une aberration. 

 

TOGOFORUM : Vous êtes aussi enseignant à l’Université de Lomé   donc très  proche des étudiants. Partout, les étudiants  constituent la catégorie des frondeurs, des contempteurs. Pouvez-vous dire la même chose  des étudiants togolais ? 

 

A-A : Au sujet  de la jeunesse de notre pays, dont les étudiants, il y a  une perversion des valeurs  provoquée par  des décennies de mensonges politiques à telle enseigne que  la vertu  apparaît  de plus en plus  dans la société togolaise  comme  une connerie. C’est extrêmement grave parce qu’on  ne peut pas construire  un pays  sur des fondations comme le mensonge, et la corruption. Si vous voyez  des étudiants porteurs de pancartes qui font l’âne pour avoir du foin, auprès des bourreaux du peuple togolais, c’est tout simplement  parce qu’ils  ont choisi la voie de la facilité  et du déshonneur.

 

Ils ont d’ailleurs  l’exemple négatif de  certains  de leurs enseignants qu’ils accusent eux-mêmes d’être des crapules parce qu’ils  leur ont toujours  dit que  la dictature  était une tare. Mais ils ont la surprise  de voir ces enseignants  lire des motions  de soutien intéressées  à la TVT.

 

Le mensonge ne  résiste pas au temps.

 

TOGOFORUM: Nous vous remercions pour votre disponibilité

 

 

 

 

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