Formations technique et professionnelle
Formations technique et professionnelle
L’enseignement professionnel et technique connaît depuis quelques années un regain d’intérêt au Bénin. La raison essentielle de cette ruée est son adéquation avec le marché de l’emploi. Sous un hangar, Benoît, vêtu d’un tee-shirt blanc et d’un pantalon vert, rabote une planche de 0,50 mètre. Sourire large, il confie : "Je n’attends pas d’être embauché par l’Etat ni par une société privée, encore moins d’avoir assez de moyens avant de ’’jobber’’ et de me faire un peu de sous’’. Diplômé de menuiserie à l’école salésienne Don Bosco de Cotonou, il s’occupe malgré le chaud soleil. Benoît confectionne des meubles pour des clients qu’il s’est trouvé. "Je n’ai pas encore mon atelier, mais je m’arrange avec certains doyens pour louer de temps en temps leurs matériels et réaliser mes commandes’’. Il nous parle tout en continuant d’agencer les planches d’une chaise : "En plus, à force de travailler à côté d’eux, je découvre des notions que nous n’avons pas abordées à l’’école’’. Tout comme Benoît, bon nombre d’élèves issus des écoles professionnelles et techniques et ceux qui y continuent leurs études n’hésitent pas à monnayer leur formation. Effectifs croissants Ainsi, l’école béninoise met de plus en plus d’artisans, d’ouvriers et de techniciens de toutes sortes sur le marché de l’emploi. Sylvain Noukpokènou, ingénieur statisticien et économiste en service à la Direction de l’enseignement technique et professionnel ne doute pas du taux croissant des apprenants dans le secteur de l’enseignement technique et professionnel. Mais, faute d’un budget consacré au chapitre de la collecte des données statistiques, il ne peut fournir des chiffres actualisés. Par contre, un rapport du Pnud (Programme des Nations Unies pour le Développement) couvrant la période 2003-2005 sur le développement humain au Bénin, montre un quasi doublement de la population des élèves et étudiants inscrits dans les filières techniques et professionnelles. Selon ce rapport, cette population passera, dans le secteur privé, de 32 000 en 2005 à 60 000 en 2015, soit un accroissement annuel des effectifs de l’ordre de 5%. En ce qui concerne le secteur public, les chiffres atteindront 25 000 apprenants en 2015 contre 11 000 en 2005. Le document du Pnud cité plus haut indique que l’agriculture, la santé, l’industrie, les services et le commerce sont les secteurs où les besoins sont les plus nombreux en termes de travail. Ces secteurs sont évidemment ceux qui attirent le plus de monde. Les effectifs se répartiront de la façon suivante en 2015 : 8000 dans l’agriculture, 3 000 dans la santé, 8000 dans l’industrie, 2 000 dans le secteur tertiaire et 4 500 dans la formation professionnelle. Prêts à l’auto emploi Parmi les élèves qui sortent des nombreux écoles et centres de formation, érigés à Cotonou et à l’intérieur du pays, on retrouve des électriciens, des électroniciens, des menuisiers, des couturiers, des restauratrices, des dessinateurs bâtiments, etc. Ces élèves et étudiants des enseignements techniques et professionnels, quelle que soit la filière choisie se disent généralement satisfaits. Et pour cause, le chômage s’accentue ces dernières années et leur formation leur permet plutôt de vite s’auto employer, contrairement à leurs camarades qui suivent le cursus de l’enseignement général. Pour les élèves et étudiants des enseignements techniques et professionnels, aller à l’école signifie apprendre un métier et vite s’épanouir. Suivons Carine dont les parents n’avaient plus les moyens nécessaires pour faire face à un enseignement long et à l’issue incertaine : ’’J’ai repris la classe de quatrième et mon père ne voulait plus investir dans des études coûteuses et sans retombées immédiates. J’ai donc été obligée de vite rebrousser chemin. J’ai jeté mon dévolu sur la couture. Je me suis inscrite au centre Laura Vicuña d’où je suis sortie en 2009 après trois ans de formation. Je ne regrette rien aujourd’hui’’. En attendant de réunir assez d’argent pour ouvrir son atelier, elle travaille chez elle, sur de petites commandes de ses clients. Yolande quant à elle, a été plus chanceuse avec la Cuisine et la restauration qu’elle a choisie après son Brevet d’Etude du Premier Cycle (Bepc). Juste après l’obtention de son Certificat d’Aptitude professionnelle (Cap) en cuisine et restauration, elle a intégré un hôtel de Cotonou. "Je gagne bien ma vie et si c’est à reprendre, je n’hésiterai pas à choisir la cuisine et la restauration". Le choix de la raison Les effectifs dans les écoles et centres de formations techniques et professionnelles croissent au fil des années, mais ce n’est pas l’Eldorado non plus. Le chargé des études de l’école salésienne Don Bosco de Cotonou, Patrick Hinvi témoigne : "Nous avons eu des difficultés avec l’effectif de plus en plus réduit de la filière menuiserie et nous l’avons fermée. A part cela, les autres filières notamment l’électricité connaissent une croissance remarquable. " L’importance de l’enseignement technique et professionnel n’est plus à démontrer. Dans une étude consacrée à la Formation des enseignants dans une perspective d’éducation permanente au Bénin (1994), Sébastien Agboton et Moussa Yaya Médé ne s’étaient pas trompés sur l’importance de l’enseignement technique et professionnel, démontrant la nécessité d’adapter l’école au marché de l’emploi et de lier " le travail intellectuel et le travail productif". Il est aujourd’hui clair que, face au taux galopant des apprenants dans certaines filières des enseignements techniques et professionnels, des mesures hardies doivent être envisagées pour les dynamiser. "L’Etat a déjà pris en compte la croissance relevée au niveau de l’enseignement technique et professionnel en le détachant du ministère de l’éducation nationale" souligne l’ancien directeur de cabinet du ministère des enseignements secondaires, de la formation technique et professionnelle, Rigobert Tossou. Au même moment, il déclare qu’il est impérieux que le gouvernement mette tout en œuvre pour assainir le secteur privé où certains établissements ne respectent pas toujours la réglementation en vigueur en créant des filières non encore autorisées. Mais, conseille-t-il, le gouvernement doit fournir davantage d’efforts pour améliorer l’environnement de l’apprentissage. Ceci passe, selon George Kakaï Glèlè, secrétaire général de la Confédération des Organisations syndicales indépendantes (Cosi), d’abord par la mise sur pied d’un ministère de l’enseignement technique et professionnel doté de tous les moyens nécessaires pour faire face aux besoins des parents et des apprenants. Aussi, une grande disponibilité des manuels scolaires, des équipements et matériels didactiques, le suivi, l’évaluation et l’extension des centres éducatifs sont souhaités par le syndicaliste. En dehors de la nécessité d’étendre ces centres éducatifs pour éviter la pléthore dans les salles de classe, le pouvoir public béninois doit aussi faire un peu plus d’effort pour la formation des enseignants, l’équipement des centres en tenant compte de la révolution technique et surtout procéder à une vulgarisation en milieu rural des avantages de l’enseignement technique et professionnel. Car, comme a su bien le souligner l’ancien directeur général de l’Unesco, Koïchiro Matsuura : "l’apprentissage des métiers, l’introduction des outils techniques à l’école sont également des moteurs du développement durable de chaque Nation".
22-12-2010, Angelo DOSSOUMOU S.