Patrice-Emery Lumumba et Laurent-Désiré Kabila demeurent, jusqu’à preuve du contraire, deux figures emblématiques de la politique congolaise. Si Lumumba, Premier des premiers ministres de la République démocratique du Congo, est mort, il y a de cela 49 ans, Laurent - Désiré Kabila, troisième président est décédé le 16 janvier 2001. Il y a de cela 9 ans. Ils ont un dénominateur commun : morts assassinés.
Serait-ce pour leurs convictions politiques ? La réponse ne pourrait qu’être affirmative tant Lumumba était pris dans l’engrenage de la guerre froide et que Kabila prenait le pouvoir huit ans après le discours de Mitterrand à La Baule. Un discours qui consacrait effectivement la fin de la guerre froide pour marquer l’ère de l’instauration des Etats démocratiques.
Lumumba qui était fort marqué par ses rencontres avec les pères-fondateurs du panafricanisme, plaidait pour un « nationalisme pur ». En effet, la rencontre d’Accra du 5 décembre 1958, convoquée par Kwame Nkrumah, avant de se rendre en Guinée et au Nigeria, a permis à Lumumba de s’entretenir avec de nombreuses personnalités africaines. Nationaliste et socialiste, il a impressionné Kwame Nkrumah, Tom Mboya (Kenya) le président de cette conférence, par ses idées panafricanistes.
Mais dans un environnement international caractérisé par la guerre froide, la lutte hégémonique des idéologies, « socialisme et capitalisme », pas étonnant qu’il soit assimilé à « un communiste ». Son discours ne pouvait qu’être apprécié dans le bloc socialiste - communiste et dans le Mouvement des Non – alignés.
En juillet 1960, lorsque Lumumba s’est rendu au siège des Nations Unies pour dénoncer l’invasion, l’agression du Congo par la Belgique et dénoncer le plan de balkanisation, il n’a été entendu que par le groupe des socialistes - communistes incarnés par l’ex-URSS, la Chine, Cuba, l’Indonésie de Sukarno. Qualifié de communiste, Lumumba n’a pas eu le temps de mieux se faire comprendre pour que le « nationalisme pur doublé de panafricanisme » qu’il préconisait soit l’un des piliers majeurs de la diplomatie congolaise. Ses héritiers politiques auront du mal à rendre sa pensée, donnant même l’impression de se replier sur eux-mêmes comme s’ils voulaient vivre en autarcie. Ils se sont réfugiés derrière ce concept de « révolutionnaire », assimilé dans un premier temps « à l’anarchie » et plus tard au « terrorisme », en référence à Che Guevara et Carlos.
La chute du mur de Berlin
Lumumba assassiné, Mobutu au pouvoir ne pouvait échapper aux effets d’entraînement de la guerre froide. Mais il a été vite rappelé à l’ordre lorsqu’ il a voulu s’inscrire dans la logique politique de Lumumba. Aussi, a-t-il vite fait de changer de discours devant la pression occidentale.Et lorsque pour des raisons économiques, il a tenu à relancer le « nationalisme pur » par le « nationalisme zaïrois authentique », il signait son arrêt de mort avec son discours du 24 octobre 1973 aux Nations Unies, en rompant les relations diplomatiques avec Israël.
La chute du mur de Berlin et le discours de La Baule coinçaient ensuite Mobutu qui n’avait plus le choix. Ses amis occidentaux avaient décidé de combattre tous les dirigeants dictateurs qui s’opposaient à l’instauration de la démocratie. Ils combattaient également le terrorisme et imposaient l’économie du « marché de libre échange ».
Ce que Laurent Désiré Kabila n’a pas compris, même s’il a été utilisé par les « amis » de Mobutu afin de le chasser du pouvoir. Il commit la même erreur de confondre la structure de la superstructure avec le concept ou l’idéologie de l’économie « sociale du marché ».Il se trompait d’époque.
Au plan international, il s’est alors buté au refus des vainqueurs de la fin de la guerre froide qui ne l’ont même pas invité à leur « table ». Dans les mêmes circonstances politiques qui ont entraîné la chute de Mobutu, il fut assassiné après qu’on lui ait imposé la « guerre économique » afin d’affaiblir davantage son pouvoir.
La diplomatie de Kabila, s’appuyant toujours sur le « nationalisme » de Lumumba n’a jamais franchi les frontières nationales. Tous les deux ont donc eu un parcours difficile sur le plan diplomatique.
Au moment où le peuple congolais s’apprête à commémorer les 50 ans de l’anniversaire de l’accession du Congo à l’indépendance, la question est celle de savoir si Lumumba et Kabila vivaient encore, quelle aurait été la diplomatie congolaise ? Ou encore, comment auraient-ils pu adapter ce « nationalisme pur » face aux mutations politiques et économiques intervenues au cours de cette période. C’est à dire, de 1960 à 2010 ?
C’est cette réflexion que doivent s’imposer les Congolais pour répondre à ces deux interrogations. Ne pas en prendre conscience en ce moment crucial serait faire preuve de cécité et de surdité politiques. Ce qui n’honorerait pas ces deux illustres personnalités congolaises. Ces météores politiques qui, d’une façon ou d’une autre, avaient eu le mérite de jeter les jalons de l’unité nationale et du panafricanisme pour une intégration politique et économique régionale.
Freddy Monsa Iyaka Duku/Le Potentiel
P. E. Lumumba, L. D. Kabila, un parcours