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Le
Centrafricain moyen veut que Patassé soit traduit en justice
Relu pour vous le 1er février 2011
Publié
le 29 mai 2009
Kathy
Glassborough
Mais les Procureurs de la CPI indiquent qu’ils
manquent de preuves pour établir sa responsabilité pénale individuelle pour les
crimes.
Une
femme, visiblement perturbée, se tient de côté alors que nous parlons à un
groupe de personnes dans les rues de Bangui au sujet de la justice à l’encontre
de l’ancien président du pays qui a selon eux entraîné les gens ordinaires dans
une bataille après avoir perdu le contrôle du pouvoir.
Bernard, notre traducteur, nous dit qu’Elisabeth vit à PK12, une zone située
juste à l’extérieur de la capitale de la République centrafricaine, RCA, qui
fut dévastée lors des “évènements” de 2002 à 2003, lorsque l’ancien chef de
l’armée et Chef d’État actuel François Bozizé avait arraché la présidence des
mains d’Ange-Félix Patassé après plusieurs mois de combats.
Alors qu’Elisabeth marmonne entre ses dents, nous remarquons qu’elle n’a plus
de dents de devant. Soudain, elle élève la voix au dessus de celle du groupe et
crache avec colère, “Patassé… doit [être traduit en] justice pour répondre de
ce qu’ [il] nous a fait.
“Les Banyamulengue ont brûlé nos maisons. Les femmes ont été violées et leurs
maris tués. Aujourd’hui, les femmes n’ont plus de maris mais elles ont le sida,
et leurs enfants ont le sida.”
Elisabeth nous explique que ses dents de devant ont été démolies avec la crosse
d’une arme pendant les évènements.
Banyamulengue est le nom que les habitants donnent au Mouvement pour la
libération du Congo, MLC, une milice congolaise dirigée par Jean-Pierre Bemba,
qui aurait été amenée par Patassé en 2002 pour l’aider à repousser les
rebelles.
Patassé, qui vit aujourd’hui en exil au Togo, aurait également recruté d’autres
milices des pays voisins, y compris celle dirigée par Abdoulaye Miskine, homme
politique et rebelle tchadien basé en Libye.
Les Procureurs de la Cour pénale internationale, CPI, indiquent qu’entre
octobre 2002 et mars 2003, les civils furent violés, assassinés, torturés et
que leurs biens furent volés par le MLC et les propres troupes de Patassé,
apparemment en représailles de leur soutien présumé à Bozizé.
Depuis le début de leur enquête en RCA en 2007, les Procureurs ont souligné que
le nombre des civils violés était tel qu’il ne pouvait être ignoré en droit
international, et que les rapports de violence sexuelle incluaient souvent “des
aspects aggravants de cruauté”, tels que des auteurs multiples, et la
participation forcée des membres de la famille.
Suite à ces enquêtes, Bemba a été inculpé par la CPI pour crimes contre
l’humanité et crimes de guerre, et il est actuellement en détention dans
l’attente de son procès. Les Procureurs indiquent qu’il conclut avec l’ancien
président un accord commun, et qu’ils avaient un arrangement réciproque en
vertu duquel Bemba apportait une aide militaire à Patassé en échange de son
soutien stratégique et logistique.
Bemba aurait cherché à obtenir l’aide de Patassé pour renforcer la frontière
entre la République démocratique du Congo, RDC, et la RCA après que l’ancien
président de la RDC Laurent Kabila soit entré par la RCA pour attaquer le MLC
de Bemba en 1998. Il est également accusé de s’être allié à Patassé pour
empêcher que des liens se nouent entre le président de la RCA de l’époque et
Kabila.
Mais bien que les Procureurs reconnaissent que Patassé a été impliqué dans les
atrocités, ils n’ont pas émis de mandat d’arrêt contre lui.
Elisabeth indique qu’il ne suffit pas qu’un chef de milice étrangère soit
traduit en justice pour ce qui s’est passé en RCA. Pour elle, l’homme qui a
fait venir les Banyamulengue dans le pays doit aussi être tenu
responsable.
Des sentiments similaires sont exprimés à Bangui et dans les zones
environnantes.
A PK12, à une distance de 12 kilomètres en bus depuis la ville, nous sommes
assis et parlons à Jeudi, un chef de communauté de l’un des quartiers de la
zone.
“Mon quartier a été maudit par Dieu,” déclare-t-il.
“[Lors du coup d’état, les forces] ont violé les femmes, [celles qui étaient]
épouses [tout comme celles qui ne l’étaient pas], 10 ou 15 hommes sur une
femme. La plupart des femmes ont été affectées, les Banyamulengue les ont
contaminées,” explique Jeudi.
Assis dans une clairière entre les huttes à l’écart de la principale route
marchande qui traverse PK12, Jeudi nous raconte que sa communauté a été
dévastée au cours des évènements.
Il nous emmène voir des femmes qui nous parlent de multiples viols en réunion
que nombre d’entre elles ont subi.
Elles nous montrent aussi leurs maisons rudimentaires, désignant du doigt les
fenêtres dont les cadres en bois ont été, selon elles, démontés et brûlés par
les soldats lors des combats.
Il y a une compréhension inégale au sujet de la CPI et de son travail parmi les
gens à qui nous parlons. Alors que certains semblent n’en avoir jamais entendu
parler, d’autres savent qu’à La Haye, un tribunal étudie les crimes commis
contre eux.
Cependant, Jeudi, est au courant du travail de la Cour et comme les autres, il
appelle à ce que Patassé soit traduit en justice à La Haye. “[Il] devrait être
emmené à la CPI,” déclare-t-il.
Marie Edith Douzima Lawson, une avocate de RCA qui représente les victimes
devant la CPI, a noté que “lors de l’audience de confirmation des charges de
Bemba le nom de Patassé est apparu comme celui du co-auteur des crimes”.
Elle indique qu’il est difficile d’expliquer aux victimes pourquoi la CPI n’a
pas émis de mandat d’arrêt contre Patassé même si la Cour a indiqué qu’il était
impliqué dans les violences dans des documents officiels et des audiences
publiques.
Il y a eu de nombreuses spéculations quant à la raison de savoir pourquoi
Patassé n’a pas été inculpé.
Fatou Bensouda, procureur adjoint à la CPI, a expliqué que les Procureurs
n’avaient pas agi parce qu’ils manquaient de preuves par rapport à sa
responsabilité pénale individuelle.
“Nous sommes satisfaits des preuves dont nous disposons quant à la
responsabilité pénale individuelle de Bemba. Voilà pourquoi nous avons continué
à poursuivre Bemba. Nous ne disposons pas encore de ces éléments contre
Patassé. Voilà pourquoi nous n’avons pas réclamé un mandat d’arrêt contre lui,
même si il est co-auteur avec Bemba,” a-t-elle expliqué.
Bensouda a déclaré que Patassé avait sans aucun doute été un acteur très
important dans le conflit de RCA entre 2002 et 2003, et a ajouté qu’il était
l’un de ceux qui avaient fait venir les troupes du MLC dans le pays.
Cependant, elle a déclaré que cela ne suffisait pas pour monter un dossier
d’accusation contre lui, “Nous sommes dirigés par les preuves et les preuves
seulement. Nos enquêtes continuent, [mais] nous poursuivrons Patassé uniquement
si nous sommes convaincus que sa responsabilité pénale individuelle est
établie.”
Elle a également souligné que personne n’est à l’abri de la justice de la CPI,
précisant qu’un chef d’état en exercice – Omar El Béchir du Soudan – avait été
inculpé par la Cour.
Alors que les citoyens de RCA s’inquiètent du fait qu’aucun ressortissant de
leur pays n’ait été inculpé par rapport aux atrocités commises en 2002 et 2003,
Bensouda a expliqué qu’il n’y avait rien d’étrange à cela.
“Ce n’est pas une surprise qu’un chef de milice étranger ait été inculpé pour
crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis en RCA. A cette époque,
Jean-Pierre Bemba était le chef incontesté du MLC, et de ces mêmes
Banyamulengue qui ont violé, pillé et tué les civils en RCA,” a-t-elle dit.
Bensouda a déclaré que beaucoup de victimes interviewées avaient désigné ceux
qui avaient commis des crimes contre eux comme “les hommes de Bemba”.
“Je pense que cela dit tout,” a-t-elle dit. “Les victimes de ces crimes
semblent satisfaites, soulagées et reconnaissantes par rapport au fait que
Jean-Pierre Bemba ait été arrêté et qu’il soit sur le point d’être jugé.
“Lorsque nous avons annoncé l’arrestation de Bemba vous pouviez voir sur le
marché de nombreuses personnes qui écoutaient la nouvelle, la radio colée à
l’oreille. C’était un rêve que Bemba soit jamais amené à responsabilité pour ce
qu’il a fait.”
Les avocats de Bemba ont déclaré que la CPI s’en prenait à la mauvaise
personne.
Lors de l’audience de confirmation des charges contre Bemba en janvier dernier
à La Haye, sa défense avait soutenu que le MLC avait été déployé à la demande
de Patassé et qu’il avait obéi à ses ordres, et que Bemba ne pouvait donc pas
être tenu responsable pour les crimes prétendument commis par ses troupes en
RCA. Une fois que les MLC avaient franchi la frontière du Congo, ils n’étaient
plus “les hommes de Bemba” mais subordonnés à Patassé, ont déclaré les avocats.
Jeudi a expliqué que les gens à PK12 étaient perplexes par rapport à la
question de savoir pourquoi ils avaient été soumis à une telle violence par des
troupes prétendument soutenues par le dirigeant d’alors du pays.
“Les [forces] ont donné le prétexte qu’elles étaient là pour chasser les
rebelles. Elles seules peuvent expliquer pourquoi elles ont violé les femmes. Si
c’était des soldats ordinaires, ils seraient juste venus pour chasser les
ennemis, pas pour violer,” a-t-il dit.
De retour à Bangui, nous nous arrêtons pour parler à Bonaventure, assise pour
se reposer à l’ombre d’un arbre, alors que des filles vendant des bananes,
mangues et des cartes de recharge pour portables passent lentement dans la
chaleur du jour.
“Si la CPI fait son travail, Patassé doit aussi être jugé. S’il n’est pas
arrêté, cela signifie qu’il n’y a pas de justice dans le monde pour les gens
comme moi,” nous dit Bonaventure.
Pierre, originaire de Bossangoa, la ville natale de Bozizé, se joint à notre
conversation.
“Patassé doit répondre de ce qu’il a fait. Les Banyamulengue ont fait beaucoup
de choses, ils ont commis beaucoup de crimes,” a-t-il dit.
“Ils ont dit aux maris de se déshabiller et de sortir et ils leur ont tiré
dessus. Patassé a fait venir Bemba ici, alors lui aussi doit répondre devant la
CPI.”
Parlant à l’IWPR depuis sa maison au Togo, Patassé a déclaré à plusieurs
reprises qu’il n’était “au courant de rien” après avoir été informé que les
citoyens de RCA l’accusaient d’avoir invité les hommes de Bemba dans le pays,
et de ne pas avoir mis un terme aux atrocités qu’ils ont prétendument
commises.
Patassé a déclaré qu’il n’était pas au courant du procès de Bemba à la CPI et,
interrogé sur le fait de savoir s’il aurait été possible d’arrêter cette
violence contre les civils entre 2002 et 2003, il a seulement répondu, “Nous ne
sommes pas en 2002-2003, nous sommes en 2009.”
Réinterrogé sur cette dernière question, il a répondu, “Posez cette question à
l’actuel président. Je répète, ces questions ne me concernent pas.”
“Les plaintes portées par Bozizé à la CPI sont illégales. Ce n’est pas à Bozizé
le rebelle de se plaindre, c’est à moi qui représentait le gouvernement légal à
l’époque.”
Nous partons pour un voyage en car d’une demi-heure vers un autre quartier
périphérique de Bangui appelé Combattant, et nous asseyons avec un groupe de
femmes du voisinage. Elles parlent d’abord lentement, et il y a de longues
pauses dans la conversation.
Puis elles commencent à nous raconter ce qui leur est arrivé lorsque les hommes
de Bemba sont venus à Bangui, laissant la désolation dans leur sillage.
“Quand les Banyamulengue sont arrivés, nous nous sommes enfermées dans nos
maisons. Nous avions très peur. Il était difficile de trouver de la nourriture.
Ils sont restés ici longtemps, jusqu’à ce que Bozizé arrive au pouvoir. Ils
traitaient très mal les gens. Ils tuaient les gens et les jetaient dans la
brousse,” a déclaré une femme.
“Ils ont violé beaucoup de femmes, même des grand-mères Cinq hommes ont violé
la même femme. Cette maladie, le sida s’est désormais répandue ici. Patassé les
a amenés [les Banyamulengue] ici pour sa sécurité mais nous ne savons pas
pourquoi ils nous ont violées.
“Leur arrivée a été soudaine. Si un homme réagissait, ils lui tranchaient la
gorge. Puis ils couchaient avec toutes les femmes et en tuaient aussi
certaines. S’ils entraient dans la maison et ne trouvaient pas de femmes, ils
violaient les hommes.
“Certaines femmes furent violées avec des fusils et gravement blessées à
l’intérieur. Beaucoup de femmes sont tombées enceintes mais beaucoup d’enfants
sont morts et les femmes mouraient juste après l’accouchement.
“Les gens [s’en sont pris à] Patassé en raison du comportement des
Banyamulengue.
“Le viol est la pire des choses. Le viol est un moyen d’humilier la population.
Les victimes ont déclaré qu’elles voulaient faire passer une pétition à La Haye
pour que Patassé y soit transféré. Nous espérons que cela permettra aux gens
d’arrêter de violer, sachant qu’ils pourraient être traduits en justice.”
Katy Glassborow est reporter de l’IWPR à La Haye. Le Dr Jan Coebergh, un
docteur basé à La Haye qui se spécialise dans l’étude des taux de mortalité
dans les situations de conflit, et Mélanie Gouby, reporter basée à Londres, ont
contribué à cet article.
Certains des noms reproduits dans cet article ont été modifiés pour des raisons
de sécurité.
Par Katy
Glassborow à Bangui (AR No. 211, 7-May-09)
Mais les Procureurs de la CPI indiquent qu’ils
manquent de preuves pour établir sa responsabilité pénale individuelle pour les
crimes.
Une
femme, visiblement perturbée, se tient de côté alors que nous parlons à un
groupe de personnes dans les rues de Bangui au sujet de la justice à l’encontre
de l’ancien président du pays qui a selon eux entraîné les gens ordinaires dans
une bataille après avoir perdu le contrôle du pouvoir.
Bernard, notre traducteur, nous dit qu’Elisabeth vit à PK12, une zone située
juste à l’extérieur de la capitale de la République centrafricaine, RCA, qui
fut dévastée lors des “évènements” de 2002 à 2003, lorsque l’ancien chef de
l’armée et Chef d’État actuel François Bozizé avait arraché la présidence des
mains d’Ange-Félix Patassé après plusieurs mois de combats.
Alors qu’Elisabeth marmonne entre ses dents, nous remarquons qu’elle n’a plus
de dents de devant. Soudain, elle élève la voix au dessus de celle du groupe et
crache avec colère, “Patassé… doit [être traduit en] justice pour répondre de
ce qu’ [il] nous a fait.
“Les Banyamulengue ont brûlé nos maisons. Les femmes ont été violées et leurs
maris tués. Aujourd’hui, les femmes n’ont plus de maris mais elles ont le sida,
et leurs enfants ont le sida.”
Elisabeth nous explique que ses dents de devant ont été démolies avec la crosse
d’une arme pendant les évènements.
Banyamulengue est le nom que les habitants donnent au Mouvement pour la
libération du Congo, MLC, une milice congolaise dirigée par Jean-Pierre Bemba,
qui aurait été amenée par Patassé en 2002 pour l’aider à repousser les
rebelles.
Patassé, qui vit aujourd’hui en exil au Togo, aurait également recruté d’autres
milices des pays voisins, y compris celle dirigée par Abdoulaye Miskine, homme
politique et rebelle tchadien basé en Libye.
Les Procureurs de la Cour pénale internationale, CPI, indiquent qu’entre
octobre 2002 et mars 2003, les civils furent violés, assassinés, torturés et
que leurs biens furent volés par le MLC et les propres troupes de Patassé,
apparemment en représailles de leur soutien présumé à Bozizé.
Depuis le début de leur enquête en RCA en 2007, les Procureurs ont souligné que
le nombre des civils violés était tel qu’il ne pouvait être ignoré en droit
international, et que les rapports de violence sexuelle incluaient souvent “des
aspects aggravants de cruauté”, tels que des auteurs multiples, et la
participation forcée des membres de la famille.
Suite à ces enquêtes, Bemba a été inculpé par la CPI pour crimes contre
l’humanité et crimes de guerre, et il est actuellement en détention dans
l’attente de son procès. Les Procureurs indiquent qu’il conclut avec l’ancien
président un accord commun, et qu’ils avaient un arrangement réciproque en
vertu duquel Bemba apportait une aide militaire à Patassé en échange de son
soutien stratégique et logistique.
Bemba aurait cherché à obtenir l’aide de Patassé pour renforcer la frontière
entre la République démocratique du Congo, RDC, et la RCA après que l’ancien
président de la RDC Laurent Kabila soit entré par la RCA pour attaquer le MLC
de Bemba en 1998. Il est également accusé de s’être allié à Patassé pour
empêcher que des liens se nouent entre le président de la RCA de l’époque et
Kabila.
Mais bien que les Procureurs reconnaissent que Patassé a été impliqué dans les atrocités,
ils n’ont pas émis de mandat d’arrêt contre lui.
Elisabeth indique qu’il ne suffit pas qu’un chef de milice étrangère soit
traduit en justice pour ce qui s’est passé en RCA. Pour elle, l’homme qui a
fait venir les Banyamulengue dans le pays doit aussi être tenu
responsable.
Des sentiments similaires sont exprimés à Bangui et dans les zones
environnantes.
A PK12, à une distance de 12 kilomètres en bus depuis la ville, nous sommes
assis et parlons à Jeudi, un chef de communauté de l’un des quartiers de la
zone.
“Mon quartier a été maudit par Dieu,” déclare-t-il.
“[Lors du coup d’état, les forces] ont violé les femmes, [celles qui étaient]
épouses [tout comme celles qui ne l’étaient pas], 10 ou 15 hommes sur une
femme. La plupart des femmes ont été affectées, les Banyamulengue les ont
contaminées,” explique Jeudi.
Assis dans une clairière entre les huttes à l’écart de la principale route
marchande qui traverse PK12, Jeudi nous raconte que sa communauté a été
dévastée au cours des évènements.
Il nous emmène voir des femmes qui nous parlent de multiples viols en réunion
que nombre d’entre elles ont subi.
Elles nous montrent aussi leurs maisons rudimentaires, désignant du doigt les
fenêtres dont les cadres en bois ont été, selon elles, démontés et brûlés par
les soldats lors des combats.
Il y a une compréhension inégale au sujet de la CPI et de son travail parmi les
gens à qui nous parlons. Alors que certains semblent n’en avoir jamais entendu
parler, d’autres savent qu’à La Haye, un tribunal étudie les crimes commis
contre eux.
Cependant, Jeudi, est au courant du travail de la Cour et comme les autres, il
appelle à ce que Patassé soit traduit en justice à La Haye. “[Il] devrait être
emmené à la CPI,” déclare-t-il.
Marie Edith Douzima Lawson, une avocate de RCA qui représente les victimes
devant la CPI, a noté que “lors de l’audience de confirmation des charges de
Bemba le nom de Patassé est apparu comme celui du co-auteur des crimes”.
Elle indique qu’il est difficile d’expliquer aux victimes pourquoi la CPI n’a
pas émis de mandat d’arrêt contre Patassé même si la Cour a indiqué qu’il était
impliqué dans les violences dans des documents officiels et des audiences
publiques.
Il y a eu de nombreuses spéculations quant à la raison de savoir pourquoi
Patassé n’a pas été inculpé.
Fatou Bensouda, procureur adjoint à la CPI, a expliqué que les Procureurs
n’avaient pas agi parce qu’ils manquaient de preuves par rapport à sa
responsabilité pénale individuelle.
“Nous sommes satisfaits des preuves dont nous disposons quant à la
responsabilité pénale individuelle de Bemba. Voilà pourquoi nous avons continué
à poursuivre Bemba. Nous ne disposons pas encore de ces éléments contre
Patassé. Voilà pourquoi nous n’avons pas réclamé un mandat d’arrêt contre lui,
même si il est co-auteur avec Bemba,” a-t-elle expliqué.
Bensouda a déclaré que Patassé avait sans aucun doute été un acteur très
important dans le conflit de RCA entre 2002 et 2003, et a ajouté qu’il était
l’un de ceux qui avaient fait venir les troupes du MLC dans le pays.
Cependant, elle a déclaré que cela ne suffisait pas pour monter un dossier
d’accusation contre lui, “Nous sommes dirigés par les preuves et les preuves
seulement. Nos enquêtes continuent, [mais] nous poursuivrons Patassé uniquement
si nous sommes convaincus que sa responsabilité pénale individuelle est
établie.”
Elle a également souligné que personne n’est à l’abri de la justice de la CPI,
précisant qu’un chef d’état en exercice – Omar El Béchir du Soudan – avait été
inculpé par la Cour.
Alors que les citoyens de RCA s’inquiètent du fait qu’aucun ressortissant de
leur pays n’ait été inculpé par rapport aux atrocités commises en 2002 et 2003,
Bensouda a expliqué qu’il n’y avait rien d’étrange à cela.
“Ce n’est pas une surprise qu’un chef de milice étranger ait été inculpé pour
crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis en RCA. A cette époque,
Jean-Pierre Bemba était le chef incontesté du MLC, et de ces mêmes
Banyamulengue qui ont violé, pillé et tué les civils en RCA,” a-t-elle dit.
Bensouda a déclaré que beaucoup de victimes interviewées avaient désigné ceux
qui avaient commis des crimes contre eux comme “les hommes de Bemba”.
“Je pense que cela dit tout,” a-t-elle dit. “Les victimes de ces crimes
semblent satisfaites, soulagées et reconnaissantes par rapport au fait que
Jean-Pierre Bemba ait été arrêté et qu’il soit sur le point d’être jugé.
“Lorsque nous avons annoncé l’arrestation de Bemba vous pouviez voir sur le
marché de nombreuses personnes qui écoutaient la nouvelle, la radio colée à
l’oreille. C’était un rêve que Bemba soit jamais amené à responsabilité pour ce
qu’il a fait.”
Les avocats de Bemba ont déclaré que la CPI s’en prenait à la mauvaise
personne.
Lors de l’audience de confirmation des charges contre Bemba en janvier dernier
à La Haye, sa défense avait soutenu que le MLC avait été déployé à la demande
de Patassé et qu’il avait obéi à ses ordres, et que Bemba ne pouvait donc pas
être tenu responsable pour les crimes prétendument commis par ses troupes en
RCA. Une fois que les MLC avaient franchi la frontière du Congo, ils n’étaient
plus “les hommes de Bemba” mais subordonnés à Patassé, ont déclaré les avocats.
Jeudi a expliqué que les gens à PK12 étaient perplexes par rapport à la
question de savoir pourquoi ils avaient été soumis à une telle violence par des
troupes prétendument soutenues par le dirigeant d’alors du pays.
“Les [forces] ont donné le prétexte qu’elles étaient là pour chasser les
rebelles. Elles seules peuvent expliquer pourquoi elles ont violé les femmes. Si
c’était des soldats ordinaires, ils seraient juste venus pour chasser les
ennemis, pas pour violer,” a-t-il dit.
De retour à Bangui, nous nous arrêtons pour parler à Bonaventure, assise pour
se reposer à l’ombre d’un arbre, alors que des filles vendant des bananes,
mangues et des cartes de recharge pour portables passent lentement dans la
chaleur du jour.
“Si la CPI fait son travail, Patassé doit aussi être jugé. S’il n’est pas
arrêté, cela signifie qu’il n’y a pas de justice dans le monde pour les gens
comme moi,” nous dit Bonaventure.
Pierre, originaire de Bossangoa, la ville natale de Bozizé, se joint à notre
conversation.
“Patassé doit répondre de ce qu’il a fait. Les Banyamulengue ont fait beaucoup
de choses, ils ont commis beaucoup de crimes,” a-t-il dit.
“Ils ont dit aux maris de se déshabiller et de sortir et ils leur ont tiré
dessus. Patassé a fait venir Bemba ici, alors lui aussi doit répondre devant la
CPI.”
Parlant à l’IWPR depuis sa maison au Togo, Patassé a déclaré à plusieurs
reprises qu’il n’était “au courant de rien” après avoir été informé que les
citoyens de RCA l’accusaient d’avoir invité les hommes de Bemba dans le pays,
et de ne pas avoir mis un terme aux atrocités qu’ils ont prétendument commises.
Patassé a déclaré qu’il n’était pas au courant du procès de Bemba à la CPI et,
interrogé sur le fait de savoir s’il aurait été possible d’arrêter cette
violence contre les civils entre 2002 et 2003, il a seulement répondu, “Nous ne
sommes pas en 2002-2003, nous sommes en 2009.”
Réinterrogé sur cette dernière question, il a répondu, “Posez cette question à
l’actuel président. Je répète, ces questions ne me concernent pas.”
“Les plaintes portées par Bozizé à la CPI sont illégales. Ce n’est pas à Bozizé
le rebelle de se plaindre, c’est à moi qui représentait le gouvernement légal à
l’époque.”
Nous partons pour un voyage en car d’une demi-heure vers un autre quartier
périphérique de Bangui appelé Combattant, et nous asseyons avec un groupe de
femmes du voisinage. Elles parlent d’abord lentement, et il y a de longues
pauses dans la conversation.
Puis elles commencent à nous raconter ce qui leur est arrivé lorsque les hommes
de Bemba sont venus à Bangui, laissant la désolation dans leur sillage.
“Quand les Banyamulengue sont arrivés, nous nous sommes enfermées dans nos
maisons. Nous avions très peur. Il était difficile de trouver de la nourriture.
Ils sont restés ici longtemps, jusqu’à ce que Bozizé arrive au pouvoir. Ils
traitaient très mal les gens. Ils tuaient les gens et les jetaient dans la
brousse,” a déclaré une femme.
“Ils ont violé beaucoup de femmes, même des grand-mères Cinq hommes ont violé
la même femme. Cette maladie, le sida s’est désormais répandue ici. Patassé les
a amenés [les Banyamulengue] ici pour sa sécurité mais nous ne savons pas
pourquoi ils nous ont violées.
“Leur arrivée a été soudaine. Si un homme réagissait, ils lui tranchaient la
gorge. Puis ils couchaient avec toutes les femmes et en tuaient aussi
certaines. S’ils entraient dans la maison et ne trouvaient pas de femmes, ils
violaient les hommes.
“Certaines femmes furent violées avec des fusils et gravement blessées à
l’intérieur. Beaucoup de femmes sont tombées enceintes mais beaucoup d’enfants
sont morts et les femmes mouraient juste après l’accouchement.
“Les gens [s’en sont pris à] Patassé en raison du comportement des
Banyamulengue.
“Le viol est la pire des choses. Le viol est un moyen d’humilier la population.
Les victimes ont déclaré qu’elles voulaient faire passer une pétition à La Haye
pour que Patassé y soit transféré. Nous espérons que cela permettra aux gens
d’arrêter de violer, sachant qu’ils pourraient être traduits en justice.”
Katy Glassborow est reporter de l’IWPR à La Haye. Le Dr Jan Coebergh, un
docteur basé à La Haye qui se spécialise dans l’étude des taux de mortalité
dans les situations de conflit, et Mélanie Gouby, reporter basée à Londres, ont
contribué à cet article.
Certains des noms reproduits dans cet article ont été modifiés pour des raisons
de sécurité.
Par Katy
Glassborow à Bangui (AR No. 211, 7-May-09)
Mais les Procureurs de la CPI indiquent qu’ils
manquent de preuves pour établir sa responsabilité pénale individuelle pour les
crimes.
Une femme, visiblement perturbée, se tient de
côté alors que nous parlons à un groupe de personnes dans les rues de Bangui au
sujet de la justice à l’encontre de l’ancien président du pays qui a selon eux
entraîné les gens ordinaires dans une bataille après avoir perdu le contrôle du
pouvoir.
Bernard, notre traducteur, nous dit
qu’Elisabeth vit à PK12, une zone située juste à l’extérieur de la capitale de
la République centrafricaine, RCA, qui fut dévastée lors des “évènements” de
2002 à 2003, lorsque l’ancien chef de l’armée et Chef d’État actuel François
Bozizé avait arraché la présidence des mains d’Ange-Félix Patassé après
plusieurs mois de combats.
Alors qu’Elisabeth marmonne entre ses
dents, nous remarquons qu’elle n’a plus de dents de devant. Soudain, elle élève
la voix au dessus de celle du groupe et crache avec colère, “Patassé… doit
[être traduit en] justice pour répondre de ce qu’ [il] nous a fait.
“Les Banyamulengue ont brûlé nos
maisons. Les femmes ont été violées et leurs maris tués. Aujourd’hui, les
femmes n’ont plus de maris mais elles ont le sida, et leurs enfants ont le
sida.”
Elisabeth nous explique que ses dents
de devant ont été démolies avec la crosse d’une arme pendant les évènements.
Banyamulengue est le nom que les
habitants donnent au Mouvement pour la libération du Congo, MLC, une milice congolaise
dirigée par Jean-Pierre Bemba, qui aurait été amenée par Patassé en 2002 pour
l’aider à repousser les rebelles.
Patassé, qui vit aujourd’hui en exil au
Togo, aurait également recruté d’autres milices des pays voisins, y compris
celle dirigée par Abdoulaye Miskine, homme politique et rebelle tchadien basé
en Libye.
Les Procureurs de la Cour pénale
internationale, CPI, indiquent qu’entre octobre 2002 et mars 2003, les civils
furent violés, assassinés, torturés et que leurs biens furent volés par le MLC
et les propres troupes de Patassé, apparemment en représailles de leur soutien
présumé à Bozizé.
Depuis le début de leur enquête en RCA
en 2007, les Procureurs ont souligné que le nombre des civils violés était tel
qu’il ne pouvait être ignoré en droit international, et que les rapports de
violence sexuelle incluaient souvent “des aspects aggravants de cruauté”, tels
que des auteurs multiples, et la participation forcée des membres de la
famille.
Suite à ces enquêtes, Bemba a été
inculpé par la CPI pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre, et il est
actuellement en détention dans l’attente de son procès. Les Procureurs
indiquent qu’il conclut avec l’ancien président un accord commun, et qu’ils
avaient un arrangement réciproque en vertu duquel Bemba apportait une aide
militaire à Patassé en échange de son soutien stratégique et logistique.
Bemba aurait cherché à obtenir l’aide
de Patassé pour renforcer la frontière entre la République démocratique du
Congo, RDC, et la RCA après que l’ancien président de la RDC Laurent Kabila
soit entré par la RCA pour attaquer le MLC de Bemba en 1998. Il est également
accusé de s’être allié à Patassé pour empêcher que des liens se nouent entre le
président de la RCA de l’époque et Kabila.
Mais bien que les Procureurs
reconnaissent que Patassé a été impliqué dans les atrocités, ils n’ont pas émis
de mandat d’arrêt contre lui.
Elisabeth indique qu’il ne suffit pas
qu’un chef de milice étrangère soit traduit en justice pour ce qui s’est passé
en RCA. Pour elle, l’homme qui a fait venir les Banyamulengue dans le pays doit
aussi être tenu responsable.
Des sentiments similaires sont exprimés
à Bangui et dans les zones environnantes.
A PK12, à une distance de 12 kilomètres
en bus depuis la ville, nous sommes assis et parlons à Jeudi, un chef de
communauté de l’un des quartiers de la zone.
“Mon quartier a été maudit par Dieu,”
déclare-t-il.
“[Lors du coup d’état, les forces] ont
violé les femmes, [celles qui étaient] épouses [tout comme celles qui ne
l’étaient pas], 10 ou 15 hommes sur une femme. La plupart des femmes ont été
affectées, les Banyamulengue les ont contaminées,” explique Jeudi.
Assis dans une clairière entre les
huttes à l’écart de la principale route marchande qui traverse PK12, Jeudi nous
raconte que sa communauté a été dévastée au cours des évènements.
Il nous emmène voir des femmes qui nous
parlent de multiples viols en réunion que nombre d’entre elles ont subi.
Elles nous montrent aussi leurs maisons
rudimentaires, désignant du doigt les fenêtres dont les cadres en bois ont été,
selon elles, démontés et brûlés par les soldats lors des combats.
Il y a une compréhension inégale au
sujet de la CPI et de son travail parmi les gens à qui nous parlons. Alors que
certains semblent n’en avoir jamais entendu parler, d’autres savent qu’à La
Haye, un tribunal étudie les crimes commis contre eux.
Cependant, Jeudi, est au courant du
travail de la Cour et comme les autres, il appelle à ce que Patassé soit
traduit en justice à La Haye. “[Il] devrait être emmené à la CPI,”
déclare-t-il.
Marie Edith Douzima Lawson, une avocate
de RCA qui représente les victimes devant la CPI, a noté que “lors de
l’audience de confirmation des charges de Bemba le nom de Patassé est apparu
comme celui du co-auteur des crimes”.
Elle indique qu’il est difficile
d’expliquer aux victimes pourquoi la CPI n’a pas émis de mandat d’arrêt contre
Patassé même si la Cour a indiqué qu’il était impliqué dans les violences dans
des documents officiels et des audiences publiques.
Il y a eu de nombreuses spéculations
quant à la raison de savoir pourquoi Patassé n’a pas été inculpé.
Fatou Bensouda, procureur adjoint à la
CPI, a expliqué que les Procureurs n’avaient pas agi parce qu’ils manquaient de
preuves par rapport à sa responsabilité pénale individuelle.
“Nous sommes satisfaits des preuves
dont nous disposons quant à la responsabilité pénale individuelle de Bemba. Voilà
pourquoi nous avons continué à poursuivre Bemba. Nous ne disposons pas encore
de ces éléments contre Patassé. Voilà pourquoi nous n’avons pas réclamé un
mandat d’arrêt contre lui, même si il est co-auteur avec Bemba,” a-t-elle
expliqué.
Bensouda a déclaré que Patassé avait
sans aucun doute été un acteur très important dans le conflit de RCA entre 2002
et 2003, et a ajouté qu’il était l’un de ceux qui avaient fait venir les
troupes du MLC dans le pays.
Cependant, elle a déclaré que cela ne
suffisait pas pour monter un dossier d’accusation contre lui, “Nous sommes
dirigés par les preuves et les preuves seulement. Nos enquêtes continuent,
[mais] nous poursuivrons Patassé uniquement si nous sommes convaincus que sa
responsabilité pénale individuelle est établie.”
Elle a également souligné que personne
n’est à l’abri de la justice de la CPI, précisant qu’un chef d’état en exercice
– Omar El Béchir du Soudan – avait été inculpé par la Cour.
Alors que les citoyens de RCA
s’inquiètent du fait qu’aucun ressortissant de leur pays n’ait été inculpé par
rapport aux atrocités commises en 2002 et 2003, Bensouda a expliqué qu’il n’y
avait rien d’étrange à cela.
“Ce n’est pas une surprise qu’un chef
de milice étranger ait été inculpé pour crimes de guerre et crimes contre
l’humanité commis en RCA. A cette époque, Jean-Pierre Bemba était le chef
incontesté du MLC, et de ces mêmes Banyamulengue qui ont violé, pillé et tué
les civils en RCA,” a-t-elle dit.
Bensouda a déclaré que beaucoup de
victimes interviewées avaient désigné ceux qui avaient commis des crimes contre
eux comme “les hommes de Bemba”.
“Je pense que cela dit tout,” a-t-elle
dit. “Les victimes de ces crimes semblent satisfaites, soulagées et
reconnaissantes par rapport au fait que Jean-Pierre Bemba ait été arrêté et
qu’il soit sur le point d’être jugé.
“Lorsque nous avons annoncé
l’arrestation de Bemba vous pouviez voir sur le marché de nombreuses personnes
qui écoutaient la nouvelle, la radio colée à l’oreille. C’était un rêve que
Bemba soit jamais amené à responsabilité pour ce qu’il a fait.”
Les avocats de Bemba ont déclaré que la
CPI s’en prenait à la mauvaise personne.
Lors de l’audience de confirmation des
charges contre Bemba en janvier dernier à La Haye, sa défense avait soutenu que
le MLC avait été déployé à la demande de Patassé et qu’il avait obéi à ses
ordres, et que Bemba ne pouvait donc pas être tenu responsable pour les crimes
prétendument commis par ses troupes en RCA. Une fois que les MLC avaient
franchi la frontière du Congo, ils n’étaient plus “les hommes de Bemba” mais
subordonnés à Patassé, ont déclaré les avocats.
Jeudi a expliqué que les gens à PK12
étaient perplexes par rapport à la question de savoir pourquoi ils avaient été
soumis à une telle violence par des troupes prétendument soutenues par le
dirigeant d’alors du pays.
“Les [forces] ont donné le prétexte
qu’elles étaient là pour chasser les rebelles. Elles seules peuvent expliquer
pourquoi elles ont violé les femmes. Si c’était des soldats ordinaires, ils
seraient juste venus pour chasser les ennemis, pas pour violer,” a-t-il dit.
De retour à Bangui, nous nous arrêtons
pour parler à Bonaventure, assise pour se reposer à l’ombre d’un arbre, alors
que des filles vendant des bananes, mangues et des cartes de recharge pour
portables passent lentement dans la chaleur du jour.
“Si la CPI fait son travail, Patassé
doit aussi être jugé. S’il n’est pas arrêté, cela signifie qu’il n’y a pas de
justice dans le monde pour les gens comme moi,” nous dit Bonaventure.
Pierre, originaire de Bossangoa, la
ville natale de Bozizé, se joint à notre conversation.
“Patassé doit répondre de ce qu’il a
fait. Les Banyamulengue ont fait beaucoup de choses, ils ont commis beaucoup de
crimes,” a-t-il dit.
“Ils ont dit aux maris de se
déshabiller et de sortir et ils leur ont tiré dessus. Patassé a fait venir
Bemba ici, alors lui aussi doit répondre devant la CPI.”
Parlant à l’IWPR depuis sa maison au
Togo, Patassé a déclaré à plusieurs reprises qu’il n’était “au courant de rien”
après avoir été informé que les citoyens de RCA l’accusaient d’avoir invité les
hommes de Bemba dans le pays, et de ne pas avoir mis un terme aux atrocités
qu’ils ont prétendument commises.
Patassé a déclaré qu’il n’était pas au
courant du procès de Bemba à la CPI et, interrogé sur le fait de savoir s’il
aurait été possible d’arrêter cette violence contre les civils entre 2002 et
2003, il a seulement répondu, “Nous ne sommes pas en 2002-2003, nous sommes en
2009.”
Réinterrogé sur cette dernière
question, il a répondu, “Posez cette question à l’actuel président. Je répète,
ces questions ne me concernent pas.”
“Les plaintes portées par Bozizé à la
CPI sont illégales. Ce n’est pas à Bozizé le rebelle de se plaindre, c’est à
moi qui représentait le gouvernement légal à l’époque.”
Nous partons pour un voyage en car
d’une demi-heure vers un autre quartier périphérique de Bangui appelé
Combattant, et nous asseyons avec un groupe de femmes du voisinage. Elles
parlent d’abord lentement, et il y a de longues pauses dans la
conversation.
Puis elles commencent à nous raconter
ce qui leur est arrivé lorsque les hommes de Bemba sont venus à Bangui,
laissant la désolation dans leur sillage.
“Quand les Banyamulengue sont arrivés,
nous nous sommes enfermées dans nos maisons. Nous avions très peur. Il était
difficile de trouver de la nourriture. Ils sont restés ici longtemps, jusqu’à
ce que Bozizé arrive au pouvoir. Ils traitaient très mal les gens. Ils tuaient
les gens et les jetaient dans la brousse,” a déclaré une femme.
“Ils ont violé beaucoup de femmes, même
des grand-mères Cinq hommes ont violé la même femme. Cette maladie, le sida
s’est désormais répandue ici. Patassé les a amenés [les Banyamulengue] ici pour
sa sécurité mais nous ne savons pas pourquoi ils nous ont violées.
“Leur arrivée a été soudaine. Si un
homme réagissait, ils lui tranchaient la gorge. Puis ils couchaient avec toutes
les femmes et en tuaient aussi certaines. S’ils entraient dans la maison et ne
trouvaient pas de femmes, ils violaient les hommes.
“Certaines femmes furent violées avec
des fusils et gravement blessées à l’intérieur. Beaucoup de femmes sont tombées
enceintes mais beaucoup d’enfants sont morts et les femmes mouraient juste
après l’accouchement.
“Les gens [s’en sont pris à] Patassé en
raison du comportement des Banyamulengue.
“Le viol est la pire des choses. Le
viol est un moyen d’humilier la population. Les victimes ont déclaré qu’elles
voulaient faire passer une pétition à La Haye pour que Patassé y soit
transféré. Nous espérons que cela permettra aux gens d’arrêter de violer,
sachant qu’ils pourraient être traduits en justice.”
Katy Glassborow est reporter de l’IWPR
à La Haye. Le Dr Jan Coebergh, un docteur basé à La Haye qui se spécialise dans
l’étude des taux de mortalité dans les situations de conflit, et Mélanie Gouby,
reporter basée à Londres, ont contribué à cet article.
Certains des noms reproduits
dans cet article ont été modifiés pour des raisons de sécurité.