25 février 2011
Révolution-Tunisie
Tunisie-Syndrome tunisien: Attention à la démocratie de la rue !
Révolution-Tunisie - L'un des pays dont le peuple était le mieux contrôlé et maîtrisé à l'ère des démocraties dites libérales, c'est le peuple tunisien. Après avoir déposé en douceur Habib Bourguiba, Ben Ali avait rigoureusement appliqué et renforcé le système policier de son célèbre prédécesseur, au point que le peuple avait semblé longtemps être résigné.
Mais les tenailles étaient si fortes que ce peuple, bravant le péril du sacrifice de sa vie auquel l'exposait toute velléité de révolte, est parvenu à mettre en déroute un régime qui ne semblait avoir de « légitimité » que dans ses succès économiques.
La Tunisie a en effet engrangé depuis Bourguiba et sous Ben Ali des succès économiques admirables. L'on n'est pas loin de citer, à côté de quelques rares pays africains, le modèle tunisien. Mais l'aisance sans la liberté est une autre problématique, comme l'avait jeté feu le président Sékou Touré au général de Gaulle : « Nous préférons la liberté dans la pauvreté à la richesse dans l'esclavage ».
A la suite de la Tunisie, c'est l'Egypte qui a été touchée par le syndrome tunisien. Cet homme galant - Hosni Moubarak- s'est révélé un « monstre froid » qui semblait avoir soumis son peuple et réussi à maîtriser le mouvement islamiste. Comme on le sait, Hosni Moubarak a, à son tour, pris la poudre d'escampette.
Et comme il n'y a jamais deux sans trois, les mêmes velléités se manifestent en Algérie, en Jordanie, au Yemen, etc. De toute évidence et à l'analyse, la transition démocratique sera difficile dans le monde arabe. Comment concilier en effet cette propension des peuples arabes à vivre dans des régimes islamistes où est appliqué la charia et leurs aspirations aux idéaux de liberté ?
Ces remises en cause des systèmes dirigistes, longtemps tolérés par les Occidentaux parce qu'ils ont réussi à bloquer l'islamisme (le cas du FIS en Algérie et des Frères musulmans en Egypte), ne feront-elles pas le lit du totalitarisme religieux ?
Ou devons-nous penser que les Arabes sauront trouver le juste milieu entre l'aspiration de la majorité à l'islamisme et le rêve de liberté ? Comment envisager une telle hypothèse en Afghanistan et en Iran ? L'équation est complexe.
Que des peuples, fatigués des excès et des arrogances de leurs dirigeants, manifestent une brusque prise de conscience et qu'ils veuillent, par la rue, exprimer leur mécontentement pour appeler à une meilleure gouvernance, c'est là l'essence même de la démocratie.
Mais que ces manifestations conduisent toujours au départ des dirigeants en dehors de la voie des urnes, il faut en craindre un cycle infernal d'alternances imposées par la rue, et donc d'insécurité politique chronique qui risquerait de constituer une entrave majeure au développement.
En France, l'on a assisté à de grandes manifestations de la rue lorsqu'il s'est agi de porter l'âge de la retraite à 67 ans sans qu'aucun ait pensé un seul instant à une démission de Nicolas Sarkozy. Certes, il s'agit de contextes où l'alternance joue pleinement, mais rien n'empêchait, pour le cas de l'Egypte, de laisser Hosni Moubarak achever son mandat en juillet.
Certains analystes en sont maintenant à se demander si l'Afrique au Sud du Sahara ne va pas s'inscrire dans cette dynamique de la démocratie amenée par la rue. Les Noirs, comme on le sait, aiment imiter, mais quand ils veulent imiter, ils imitent mal.
Si cette tradition s'ancre dans la démocratie africaine, nul dirigeant, même démocratiquement élu, ne sera à l'abri des pronunciamientos de la rue. Il suffirait d'une simple mauvaise humeur du peuple pour que tout soit remis en cause.
Tenez ! Après le départ de Moubarak, fusent de tous les corps professionnels des revendications salariales. Un président qui viendrait à être élu après ce mouvement de la rue aurait-il les moyens, au nom des contraintes budgétaires et des impératifs du développement, d'accéder à tant de revendications ? Résisterait-il dans ce cas à un autre mouvement de la rue étant donné que la volonté des peuples a parfois des retours inattendus ?
Au demeurant, les leçons à tirer de ce que l'on désigne déjà comme la chute du « petit mur de Berlin » sont au moins à trois niveaux :
premièrement : les peuples sont devenus de plus en plus exigeants à l'égard de leurs dirigeants. Cela correspond à une phase des processus historiques de leur maturation ;
deuxièmement : la direction des Etats est devenue une tâche périlleuse, et c'est à chaque dirigeant d'être sensible aux aspirations de son peuple ;
troisièmement : l'ère des potentats qui, pour assurer leur sécurité d'après-pouvoir, préparent - comme Hosni Moubarak et Wade- leur fils pour leur succéder est à jamais révolue.
Pour autant, attention à la démocratie de la rue ! Elle peut être une source d'instabilité politique chronique et annihiler subséquemment tous les efforts de développement économique du continent africain.
Justin K. Tionon Administrateur des Postes,
Chargé de mission au Conseil supérieur de la Communication
L'Observateur Paalga
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