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12 juin 2012

Notes de lecture - Lévy-Bruhl - la différence et

Notes de lecture - Lévy-Bruhl - la différence et l’archaïque par Mariapaola Fimiani - 139 pages - Retour sur le travail historiographique de Bruhl

 

 

 

 

 

La question de la mentalité primitive et l’archaïque repensé comme lieu décisif de suspicion de l’identité et de la logique peuvent en partie nous aider à répondre à ces interrogations. Selon Mariapaola Fimiani qui enseigne la philosophie morale à l’Université de Salerne (Italie), les thèses de Lévy-Bruhl sur la pensée de la participation font apparaître un risque : la différenciation de l’être peut exprimer un mouvement simultané d’exaltation et de destruction de la singularité, ayant pour effet une compénétration des processus de singularisation et de totalisation.

Le symbole, articulation centrale de la vie communautaire, repropose, dans ses diverses significations, une participation intensive mais limitée, qui est le support d’une union fusionnelle, mais aussi le signe de l’individuation des forces, leur enfermement. Le singulier, immergé dans le mouvement pur et soustrait à l’action, vit son être propre ainsi que son extériorarisation, oscillant entre dissipation d’énergie et identification au collectif. De ce point de vue, bien qu’elle soit un obstacle à l’identité et à l’abstraction, à la logique privée de la vie, la pensée participative rencontre en réalité, sur le chemin de la libération des différences, des émotions et de la pensée multiple.

La centralité de la question de la différence constitue peut-être, une hypothèse en mesure d’unifier les deux parcours de la recherche de Lévy-Bruhl. Le succès ambigu de ses thèses sur la ‘mentalité primitive’ fait souvent oublier la singularité de son inquiétante ‘double carrière’ : ses six ouvrages sur la pensée archaïque paraissent tard, après de longues études d’histoire de la philosophie, discipline qu’il enseignait jusqu’en 1926. La Morale et la Science des mœurs marque, en 1903, une ligne frontière particulière entre historiographie philosophique et ethnologie.

Penser la différence est déjà l’un des problèmes de son travail historiographique ; travail qui signale la distance irréductible entre le lecteur et le texte et s’efforce de décrire l’apparition, au long du vaste parcours de l’histoire philosophique, d’une attitude positive apte à proposer un savoir fragmentaire et variable.

Le passé n’est pas assimilable à l’actualité et pourtant il en subit certainement la contagion. Le choix de Lévy-Bruhl consiste en un travail historique qui entend échapper aux effets de compénétration comme à l’exclusivisme perspectif qui fait passer dans le point de vue. Penser le passé des idées est une production herméneutique subtile et dosée qui ne répète pas les intentions d’un auteur, mais qui grâce à un patient labeur sur ses textes, impose des limites et des conditions aux interprétations aux interprétations équivalentes qui peuvent en être données.

L’historiographie philosophique ne répète pas le texte. Elle offre plutôt un flux d’images : pour des raisons objectives parce que c’est la ‘doctrine elle-même’ qui a en elle le pouvoir de se multiplier, et pour des raisons subjectives, celles de l’interprète qui fait passer dans le texte ses tendances propres et ses ‘goûts profonds’. En réalité, certaines circonstances historiques du présent et du passé lient le savoir de l’histoire, non pas à l’arbitraire de l’opinion et de la narration littéraire mais certainement à une incertitude constitutive et essentielle. C’est précisément l’impersonnalité des idées qui introduit dans la compréhension historique. Le paradoxe de l’impossibilité de traduire celle-ci en un savoir objectivant. La tâche de l’historiographie philosophique devient une tâche introductive.

L’expérience mystique où se font jour l’assimilation et l’indifférence du naturel et du surnaturel, du visible et de l’invisible, des événements particuliers et de la force qui les pénètre - assimilation et indifférence de l’un et du deux, ou de l’un et du plusieurs - révèle la participation affective et, à travers celle-ci, nous révèle ce qu’est notre implication dans le déploiement en cours.

La participation est le souci des ‘nuances du monde’. Mais aussi l’immersion dans un tourbillon mystique, dans une succession d’événements fantasmagoriques qui sont toujours accueillis et jamais mis en doute. L’inessentialité de la forme et la sacralité de la pure image connotent la causalité mystique comme simple auto-mouvement de la vie. Le sentiment, fonction du ‘mysticisme pur’ et de la participation intensément sentie, produit la sphère du désordre et de l’insolite, de l’extraordinaire et de l’absolument singulier, de ces équivalents infinitésimaux immergés dans le courant de la vie qui les fige comme un amalgame ou comme un ciment.

Pour Lévy-Bruhl, le temps vient à l’expérience mystique, ce n’est pas le symbolisme, mais une simple expressivité pré-symbolique, aux frontières du mutisme et de la parole. Quand le mythe, le langage, le symbole indiquent que l’on sort du mysticisme pur, c’est le temps des cultes. C’est le temps où s’éteint peu à peu la participation intensément sentie, la consubstantialité primitive de la force et de l’image, de la puissance et du sensible.

Lévy-Bruhl et Henri Bergson

Les thèses développées par Bergson au chapitre II de son livre de 1932, Les Deux Sources de la morale et de la religion, et qui assignent l’expérience des primitifs à la sphère de la ‘religion statique’, sont sans aucun doute très éloignées des hypothèses de la pensée de la participation de Lévy-Bruhl - qu’entre autres Bergson met en cause, de façon explicite -, mais le philosophe, qu’une longue amitié liait à Lévy-Bruhl, démentira toute intention polémique directe.

Toutefois, sa prudence envers les thèses du prélogique, son insistance sur l’opportunité de ne pas dissocier les formes de l’intelligence primitive des nôtres et celle d’étendre l’interrogation sur les origines de l’expérience religieuse à l’’homme civilisé actuel’ ont constitué, pour Bergson, des moments importants de son jugement, comme nous l’apprend sa correspondance (voir les lettres de Bergson à Lévy-Bruhl du 12 décembre 1909 -d’où il ressort que Bergson avait eu l’occasion de lire Les Fonctions mentales dans les sociétés inférieures avant sa parution - et du 8 mars 1935, ibid., p 484 et 487).

Selon Denise Petit-Klinkenberg, assistante à l’Université de Liège, le mythe est certainement un des thèmes majeurs de l’œuvre de L. Lévy-Bruhl auquel on accorde encore aujourd’hui quelque crédit. M. G Van Riet ne voit-il pas en Lévy-Bruhl ‘un précurseur des nouvelles théories, un témoin du passage de l’ancienne attitude à l’attitude contemporaine à l’égard du mythe’ (Problèmes d’épistémologie, Louvain, Béatrice-Nauweleartts, 1960, p. 369), Maurice Leenhardt, avec qui Lévy-Bruhl discutait très souvent de l’évolution de ses théories, remarquait dans la préface aux Carnets : ‘Il y a en réalité deux domaines qui, à la fin du siècle dernier, étaient encore fermés et que l’œuvre de Lévy-Bruhl a contribué à ouvrir, celui de l’esthétique des primitifs et celui des mythes (…). Dans le domaine du mythe, il n’a pas été le premier à signaler la valeur des mythes, mais il a été le premier à pousser aussi avant leur étude dans la tradition primitive’ (L. Lévy-Bruhl, Les Carnets, Préface de Maurice Leenhardt, Paris, P.U.F, 1949, pp. XI-XII.).

Le problème du mythe chez Lévy-Bruhl semble proche de celui de l’expérience mystique. Ces deux réalités sont connexes ensemble. Il est dès lors intéressant de les étudier ensemble. Leur relation apparaîtra mieux lorsqu’on aura défini les deux notions.

Dans l’Expérience mystique et les symboles chez les primitifs, Lévy-Bruhl distingue deux niveaux différents d’expérience mystique. A côté de l’existence d’une expérience mystique générale, il envisage l’existence d’expériences mystiques déterminées qui viennent se greffer sur la première. Cela amène Denise Petit-Klinkenberg à parler de ‘niveaux’ ou plutôt que de ‘types’ d’expérience mystique.

Le gouverneur Robert Delavignette recommandait à ses élèves de deuxième année de l’Ecole nationale de la France d’Outremer la lecture de l’ouvrage du pasteur Maurice Leenhardt : Do Kamo, La personne et le mythe dans le monde mélanésien (Gallimard 1947) qui est un hommage d’admiration et d’affection à la mémoire de Lucien Lévy-Bruhl.

Pour le pasteur Leenhardt, Lévy-Bruhl a tracé de la mentalité primitive un tableau magistral. L’un de ses plus illustres disciples, le phénoménologue G. Van der Leecuro (L’homme primitif et la religion en Hollande), a continué sa pensée dernière en montrant que la primitivité n’était pas une caractéristique de l’homme des premiers âges et que les hommes étaient aussi primitifs que modernes. C’est là une vue dans la lignée des travaux inaugurés par Lévy Brühl.

En s’appuyant à trouver dans le mythe et la rationalité, modes complémentaires de la connaissance, les deux éléments de structure de toute mentalité archaïque ou moderne, l’étude du Mélanésien a révélé à Leenhardt en même temps l’aberration du primitif, qui s’est laissé aller à construire un monde avec le seul mode de connaissance affective et mythique : ’La primitivité est là, dans cet aspect unilatéral de la pensée, qui, en privant l’homme de la balance de ces deux modes de connaissance, le conduit aux aberrations’. (Do Kamo, p. 254).

Léopold Sédar Senghor n’a pas exploité les ouvrages de Leenhardt et de l’autocritique de Lucien Lévy Brühl contenue dans ses Carnets. Selon l’auteur de La Mentalité primitive (1922), celle-ci a connu quinze éditions successives. Pour lui, il existe deux types de mentalités opposées, l’une primitive, l’autre scientifique. La première peut être dite ‘prélogique’ : elle ne sait ni abstraire ni généraliser, elle est incapable de pensée discursive. A partir de cette hypothèse, Lévy Brühl accumule les faits, les documents, les récits qui font de ce livre, au-delà d’un ouvrage de science, un extraordinaire reportage. Mais ces idées ont été violemment controversées.

L’auteur lui-même, dans ses ‘Carnets’ publiés après sa mort, avait nuancé ses affirmations : la coupure entre les deux mentalités ne lui semble pas aussi nette. Abdoulaye Ly avait reproché à Youssouph Mbargane Guissé d’être trop schématique dans ses critiques de la position de Lévy Bruhl. Il lui faisait remarquer que Lévy Brühl n’était pas n’importe quel auteur.Il est temps que les chercheurs africains entreprennent d’étudier systématiquement les travaux de Lévy Brühl.

Amady Aly DIENG

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