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12 décembre 2008

La réponse du berger à la bergère, par Kä Mana

La réponse du berger à la bergère, par Kä Mana

Ka Manä : «Je suis allé à Goma pour comprendre une guerre...absurde et non pour magnifier le leader du CNDP»

La réflexion faite par le philosophe Kä Mana sur son séjour à Goma a suscité intérêt, déception voire étonnement. Raison pour laquelle Kä Mana revient à la charge et répond en même temps au Père jésuite Toussaint Kafarhire Murhula. Il précise en disant que son séjour au chef-lieu du Nord-Kivu visait simplement à écouter, sans état d’âme, les acteurs impliqués dans la guerre dans cette partie de la RDC.

Bien cher Toussaint, Je voudrais de tout coeur que vous sachiez que je suis allé à Goma pour tenter de comprendre une guerre dont je pense sérieusement qu’elle est absurde, quelle que soit la justification qu’on lui trouve, dans le camp gouvernemental comme dans le camp de la rébellion. J’y suis allé non pas pour faire un portrait magnifique du leader du CNDP, ni pour diaboliser son personnage selon une logique de la férocité malveillante, mais pour saisir la logique profonde qui porte son combat, dans un contexte où j’ai le sentiment que nous n’avons pas d’oreilles pour entendre ce qu’il dit ni de vue pour apercevoir ce qui se profile à l’horizon d’une aventure dont le sens risque de déborder bientôt l’Est du Congo pour s’étendre sur tout le territoire national. J’ai voulu, en réalité, aécouter ttentivement les acteurs de la situation, au-delà des blessures, des meurtrissures, des crimes, des carnages et des cataclysmes humains que vous connaissez mieux que moi dans votre chair et dans votre coeur.

Il me semble bon que le discours de tous ceux qui sont engagés dans cette situation soit connu, même s’il est partial, tronqué et contestable. Sa part de vérité et sa part de mensonge permettent de cerner également la part de vérité et la part de mensonge que toute interprétation antagoniste des origines et des mécanismes du conflit du Kivu comporte. Tout ce que vous me dites sur ce que vous savez, sur ce que vous vivez en vous-mêmes et sur toutes vos ressentiments et vos récriminations à l’endroit de Nkunda, je le connais et je m’en nourris depuis de longues années. Il me manquait l’autre face du discours sur le Kivu.

C’est cette face que j’ai voulu, par honnêteté philosophique, que tous nos compatriotes connaissent, afin d’éviter de prendre position de manière précipitée. Je n’ai pas voulu être propagandiste. Je n’ai pas non plus voulu choisir un camp. J’ai cherché à faire entendre la parole que la rébellion de Nkunda se forge comme principe de légitimation, afin de mieux saisir les ressorts des attitudes sur lesquelles j’avais eu jusqu’ici tendance à verser dans la condamnation. N’est-ce pas une précaution philosophique utile que de vouloir voir par soi-même, entendre par soi-même, questionner par soi-même et douter des certitudes par trop courantes sur des questions dont dépend la destinée d’une nation ? J’ai cherché à me faire une idée et à la partager telle que je l’ai en moi, après une analyse dont je me rends compte qu’elle ne comble pas votre attente, compte tenu de l’expérience, plus profonde que la mienne, que vous avez de la situation.

Dans un champ aussi tendu et aussi obéré de tragédies, je n’ai pas la prétention de détenir la vérité ni de dire la réalité telle qu’elle peut être perçue sereinement par toute personne de bonne fois. J’ai encore moins l’illusion de croire que mon analyse convertirait qui que ce soit à mon interprétation de la situation. J’affirme cependant qu’il n’y a pas d’issue à la situation si chaque ressortissant du Kivu s’enferme dans ses traumatismes et dans ses certitudes, sans chercher à savoir jusqu’où les traumatismes et les certitudes des autres conduisent au même autisme et aux mêmes aveuglements.

Vous semblez profondéments sous le choc des crimes de Nkunda. Je le suis aussi, surtout après la lecture de votre poésie et des témoignages que je connais depuis belle lurette. Je me demande cependant si la logique de la criminalité chronique que connaît l’Est du pays ne s’inscrit dans le cycle des violences que les ressortissants de cette région entretiennent faute de décider une bonne fois de s’écouter, de se faire de nouveau confiance et d’habiter ensemble leur terre, au-delà des identités meurtries qui ont tendance à devenir des identités meurtrières.

Vous prenez Nkunda comme un criminel de guerre et vous ne lui voyez de place qu’à la cour internationale, je vous comprends. Je note cependant que Thomas Lubanga est enfermé là-bas sans que quoi que ce soit ait changé chez nous. En plus, depuis le génocide au Rwanda et la marche de l’AFDL sur Kinshasa, qui peut aujourd’hui, de Kigali au centre du pouvopir congolais, se prendre pour suffisamment innocent pour échapper à la justice internationale devant les millions des morts dont les fantômes errent dans notre imaginaire aujour’hui ? Ce qui m’inquiète le plus, c’est de voir que vous avez foi dans nos institutiopns actuelles de la troisième République. Ne vous arrive-t-il pas de temps à autre de vous demandez à quoi riment des institutions qui privatisent l’Etat, qui criminalisent l’espace public, qui légitiment l’incompétence, qui s’enferment dans le mensonge et le double jeu surn les FDLR et qui dérivent au jour le jour vers le despotisme le plus dramatique ? Je vous comprends un peu : on ne peut pas avoir vécu ce que vous avez vécu à l’Est, connaître ce que vous connaissez en profondeur, et imaginer un seul instant que la paix est possible avec les pires criminels. Pourtant, la commission Paix et Réconciliation en Afrique du Sud a révélé la vérité d’une telle voie de paix. Je me demande aussi si entre Kabila et Nkunda, un contentieux d’ordre criminel, depuis la bataille de Kisangani, ne tisse pas des liens qui peuvent donner à penser que nous sommes en fait devant deux systèmes de destruction du Congo qu’il convient de neutraliser en mettant en lumière tout leur discours dans ses vérités comme dans ses mensonges. J’en suis aujourd’hui à me demander, comme Alain Badiou au sujet de Sarkozy : de quoi Joseph Kabila est-il le nom ? De quoi Laurent Kunda est-il le nom également? De «quelle chose immonde» ces deux personnages sont-ils le nom dans le projet qu’ils portent et que nous connaissons à peine ? Comme beaucoup de Congolaises et Congolais, vous voyez le Rwanda derrière Nkunda. Mais qui voyez-vous derrière Kabila et la troisième République ? Puisque vous me reprochez d’avoir mal usé de ma lucidité philosophique, je vous propose que nous hissions le débat jusqu’à l’échelle des systèmes monstrueux dont Kabila et Kunda sont les noms. Ne vous semble-t-il pas qu’lil serait urgent pour nous tous de forcer les deux systèmes à se parler publiquement devant nos yeux, pour que nous apercevions de nos yeux à quelle logique ils se vouent ? Mon hypothèse est celle-ci : nous sommes en plein dans une politique du mal qui, à Kinshasa comme dans le Massissi, avance masquée.

L’essentiel est de savoir ce que le masque, dans tous ses plis et toutes ses tapisseries figuratives, masque réellement.Vous semblez croire que seul Nkunda maque le mal J’incline à penser que le mal gouverne aussi à Kinshasa. Et qu’entre les deux systèmes le mensonge est erigé en un des beaux arts. J’incline aussi à penser que dans le discours qu’ils tiennent pour se justifier, ces systèmes du mal nous permettent de voir le bien, le vrai, le beau et l’unité de la splendeur de l’humain qui est la seule mesure de l’avenir à construire au Congo.

Mon séjour à Goma m’a permis d’apercevoir cet horizon de la splendeur de notre pays. Sous cet angle, j’ai eu le sentimnt que beaucoup de ceux qui suivent Nkunda saisissent l’importance d’une politique du bien derrière tout le drame du Kivu actuellement. Plus que Nkunda lui-même, c’est à ces personnes là que je pense : elles sont de bonne foi, elles cherchent une voie de sortie de crise et elles peuvent conduire Nkunda à se libérer du système dont il est le nom comme Kabila est aussi le nom d’une autre bête immonde derrière laquelle j’aperçpois aussi la splendeur d’un autre Congo.

Pour dire les choses plus clairement, j’en appelle à la conscience congolaise pour qu’elle ne se laisse pas enfermer dans la logique de la guerre et de la haine. C’est pour cela que la qustion de la nationalité me paraît secondaire, surtout si elle est posée en termes ethniques et guerriers comme c’est le cas actuellement à l’Est. Je crois en un Congo ouvert et accueillant, où il y a suffisamentde place pour construire un destinée commune de liberté, de grandeur, de développement et de bonheur partagé. J’essaie de parler au nom de ce Congo, adroitement parfois, maladroitement aussi parfois, mais toujours dans l’intention d’extirper la haine de nos coeurs. Si ma vision vous semble naïve et fausse face aux seigneurs de la guerre et aux princes de la haine qui ont décidé de ne jamais se parler et de ne jamais s’écouter en toute vérité, considérez que je ne suis qu’un rêveur solitaire dont le discours n’influencera jamais le cours funeste des événements. Si, en revanche, vous considérez qu’il vaut la peine pour un philosophe et un théologien d’entrer dans la recherche de la vérité sur ce que des camps antagonistes pensent, disent, claironnent ou masquent dans leurs intentions de fond, continuons ensemble à réfléchir sur les moyens de faire la paix à l’Est. Nous compprendrons alors que la solution intégrale et globale dont vous parlez commencent par un pas que ni Nkunda ni Kabila ne font réellement : le courage de la vérité, loin des mensonges qui tuent et détruisent notre pays.

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