La France partage trop d'intérêts avec les

La France partage trop d'intérêts avec les dictatures 

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Tournée de Sarkozy en Afrique
Interview d'Odile Biyidi, présidente de l'association Survie France par Bérénice Rocfort-Giovanni

La France partage trop d'intérêts avec les dictatures

Nicolas Sarkozy a parlé du conflit en RDC et compte débattre de la démocratie au Congo et au Niger. Peut-on, dans ce cas, parler d'un voyage à but purement économique comme l'ont dénoncé les ONG ?

- Est-on vraiment sûr que les questions de démocratie vont être évoquées ? J'attends de voir pour y croire. Elles peuvent être simplement abordées de manière rhétorique. Les enjeux de cette tournée sont avant tout économiques. La République démocratique du Congo est la proie des grandes puissances qui convoitent ses ressources minières. Depuis que la France exploite l'uranium au Niger, elle l'a toujours fait avec les coudées franches, en disant qu'elle aidait le pays. Aujourd'hui, le coup de l'aide à l'Afrique ne marche plus. La politique est plus réaliste. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la Coopération, l'a d'ailleurs dit, il est là pour les affaires. Il n'y a plus d'hypocrisie, ce qui, en soit, est un progrès. En revanche, en matière de conditionnalité démocratique, la France est nulle, car elle protège les dictateurs en place dans leurs pays. Le langage de l'Etat est mystificateur et le cynisme total. Aucun des gouvernements auxquels Nicolas Sarkozy rend visite ne respecte les droits de l'homme.

Quels gestes attendez-vous du président français ?

- Nous espérons une déclaration forte sur la lutte contre la corruption et sur la nécessité d'une clarté électorale en vue du scrutin présidentiel du Congo-Brazzaville. Il faudrait également insister sur la répartition des fruits des ressources locales, car la fraction qui revient aux pays d'Afrique est très faible. La gestion n'est pas transparente. Or, les diplomates français n'ont jamais élevé la voix sur les pratiques en cours. Il s'agit de faire reculer la pauvreté par actes.

Selon vous, comment les relations entre la France et les pays africains ont-elles évolué depuis l'élection de Nicolas Sarkozy ?

- Rien n'a changé depuis 1982. Jean-Marie Bockel a simplement fait une déclaration sur la fin de la Françafrique. Omar Bongo a juste eu à claquer des doigts pour que Jean-Marie Bockel ne soit plus secrétaire d'Etat à la Coopération. La France partage trop d'intérêts avec les dictatures. Il faut qu'il y ait des gouvernements africains assez forts pour exiger que les puissances paient les ressources locales à leur juste prix. Pour l'heure, l'Afrique ne peut que s'appauvrir, c'est mécanique, car plus d'argent sort qu'il n'en rentre.

- Odile BIYIDI a été élue Présidente de Survie, lors du Conseil d’administration de l’association qui s’est tenu à Paris le 17 septembre 2005.

- Elle succède ainsi à François-Xavier VERSCHAVE, emporté par un cancer le 29 juin dernier.

Professeur agrégé de Lettres, elle s’occupe notamment, depuis 1993, de la librairie des Peuples Noirs à Yaoundé au Cameroun.

- Elle a fondé la Revue Peuples Noirs Peuples Africains, avec l’écrivain camerounais Mongo Beti, avec qui elle a partagé quarante ans de sa vie. (voir www.mongobeti.org)

- Auteur, avec Mongo Beti, du Dictionnaire de la négritude (L’Harmattan, 1989) elle a également collaboré au Dictionnaire des littératures de langue française (Bordas, 1984).

- Enfin, elle a récemment co-écrit Négrophobie sous le nom d’Odile Tobner, avec François-Xavier Verschave et Boris Boubacar Diop (les arènes, 2005).