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29 décembre 2009

HISTOIRE: L’EXEMPLE D’UN HOMME DE DIEU ALLEMAND

HISTOIRE: L’EXEMPLE D’UN HOMME DE DIEU ALLEMAND EN PLEINE ACTUALITÉ À SUIVRE

Le franciscain de Bourges, ouvrage de Marc Tolédano, nous décrit avec force détails la torture de deux jeunes hommes sous la Gestapo pendant la Grande guerre 1939-1945. Dans l’avant-propos, dès les premières lignes, l’auteur nous dit: «Il n’a pas été dans mes intentions, en écrivant ce récit, de dépeindre la cruauté et la sauvagerie des hommes, ni de m’étendre avec complaisance sur les tortures et les sévices que mon frère Yves et moi-même avons endurés à la prison de Bourges». (p.15).

Ainsi, pour vaincre le nazisme et chasser l’occupant allemand de la France, Yves et Marc Tolédano, deux frères, âgés respectivement de vingt-quatre et vingt six ans, rentrent dans les rangs des patriotes résistants. À vrai dire, ils n’avaient pas grande conscience de leur engagement. Ils se sont jetés dans la gueule du loup volontairement. Cependant, une seule et unique foi les animait: faire quelque chose c’est-à-dire changer la situation d’occupation de leur pays, la France. Ils le paieront cher: arrestations musclées, intimidations, sévices physiques, etc.

À titre d’illustration, lisons ce passage: (…) Ainsi est la vie. Les premiers chapitres du livre trahissent l’inconscience de la jeunesse. Si mon frère et moi avions su d’avance les épreuves qui nous attendaient, aurions-nous eu le courage de les affronter? «Si ma chair savait où mon cœur la conduira», disait Gaston de Foix à la veille de la bataille de Ravenne, «en peu de temps elle tomberait en pièces et en morceaux.» (p.15).

L’exemple de ces deux frères nous pousse à évoquer le cas de la plupart des jeunes Africains militants de la fin des années 80 - début 90 qui se sont soulevés contre les régimes dictatoriaux en place. Ces soulèvements avaient pour but de mettre fin à la dictature et faire de la place aux libertés démocratiques. Les conséquences de ces revendications ont été tragiques à plusieurs égards: arrestations, exclusions et emprisonnements massifs sur fond de tortures - barbes sales, tignasses hirsutes, vêtements en loques - d’assassinats, d’exils, etc. Sans compter que dans certains pays, ces situations se sont traduites par des guerres civiles. Ces méfaits sont toujours d’actualité.

Dans ce livre, c’est bien Yves qui, le premier, a été pris au piège. Ensuite, son grand-frère Marc. Ce dernier prend son courage à deux mains et se rend à la prison où est incarcéré Yves afin de s’enquérir de ses nouvelles. Il faut le faire! Il est arrêté sur le champ.

Au départ, ils étaient au nombre de trois Yves, Marc et Claude (un cousin), à concevoir un plan, celui de relever les défenses des aéroports près de Bourges et compter les avions au sol. Tout ceci pour le compte de la Résistance.

Yves n’a pas suivi strictement la consigne stricte à lui donnée par Claude: ne rien noter, mais tout garder dans la tête. Il se disait que son travail était un jeu d’enfant. Il commença par évaluer sur papier le champ de l’aviation….

Par la suite, Yves et Marc Tolédano connaitront un procès expéditif - et la prison, «royaume des puces et des rats» (p.131). Mais ils ne se sont jamais laissés démontés. Et comme la Providence n’abandonne jamais les siens - Elle qui intervient en son temps et à son heure - le miracle, l’imprévisible et l’inattendu se produisirent (p.106). Un homme de Dieu, de surcroît allemand, vint au secours des frères, Yves et Marc, et bien d’autres Français prisonniers eux aussi.

Il s’agit du moine franciscain, Alfred Stanke, de l’ordre de Saint François. Infirmier de son état, il était chargé de soigner les prisonniers. Allemand, il l’est et le demeure. Malgré cela, il réussit à unir l’amour de son pays à sa foi chrétienne. En revanche, il ne se reconnaît pas à travers la Gestapo, les SS, les nazis... (p.120).
«Tant il est vrai que le bon grain et l’ivraie sont intimement mêlés, que les fleurs des champs poussent au milieu des chardons et des orties, le même uniforme peut aussi habiller un tortionnaire qu’un homme au cœur pur.» (p16.)

Clandestinement au sein de la prison, Alfred jouait au péril de sa vie, le rôle de coursier, d’informateur et d’intermédiaire entre, d’une part, les prisonniers, d’autre part entre ceux-ci et l’extérieur. Il prenait ce risque par amour pour ceux qui souffraient. En effaçant la haine de l’autre, il a été une sorte de précurseur, s’il faut se rappeler la violence de cette époque. (*1)
Alfred, ancien cuisiner du pape XI au Vatican à vingt ans, a secouru au moins le millier. Bref, beaucoup ont été sauvés par lui de la mort ou de la déportation. Mais alors comment opérait-t-il?

Dans la pratique, Alfred s’arrange toujours à travailler de nuit en soudoyant les gardiens pour qu’ils s’enivrent ou qu’ils aillent chercher des femmes. Cette méthode lui permettait d’avoir les coudées franches pour exercer efficacement son apostolat. Humainement, Alfred est bien un humble dans ses rapports avec les prisonniers. Par son regard franc et malicieux, de chaudes poignées de mains, il rend la joie et le sourire à ces gens-là. L’auteur souligne aussi la simplicité de son langage et sa générosité. Il donne des fruits aux prisonniers, distribue des cigarettes pendant les promenades. Parfois, il cachait des bagages pour éviter les fouilles. Il aidait les prisonniers par l’écoute et les conseils, car ils se confiaient à lui. Il trouvait des alibis afin de leur permettre de se tirer d’affaires lors les interrogatoires. «Surtout n’avouez rien; dites toujours non… votre camarade n’a pas parlé, ne vous laissez pas influencer par la Gestapo.» (p.269).

C’était aussi la correspondance: les lettres; les bouts de papiers que Alfred cachait dans ses poches sans la moindre erreur. Avec une mémoire phénoménale, il ne se trompait guère de destinataires. Tout cela ravivait la foi des condamnés à mort. Alfred avait une attitude œcuménique et non prosélyte. Tout homme qui souffre est son frère. Il ne cherche pas à influencer les pensées ou les convictions intimes des prisonniers avant de leur venir en aide. Pour preuve, Yves et Marc sont des protestants.

L’humanité d’Alfred, sa douceur, son idéal chrétien ont fini par être contagieux et servir d’exemple. (p. 268). En d’autres termes, et selon le mot de l’auteur, Alfred, c’est la Providence en uniforme. (p.220). Disons qu’il avait peu de mercurochromes pour panser les plaies et beaucoup de bonté pour soigner les âmes. Un autre allemand, Müller, prit la relève à la prison et a continué l’action d’Alfred après sa mutation dans une autre prison de Bordiot et plus tard, à Dijon. Mais Alfred ne se remplace pas. Toutes ces actions ne se sont pas faites assez aisément. Les responsables l’épiaient et le surveillaient. Ainsi par exemple à Dijon, il est dénoncé par un interprète malveillant.

Vers la fin de la guerre, lorsque le supérieur hiérarchique d’Alfred lui propose de fuir et de jeter son uniforme de soldat, il refuse. Il ne souhaite pas abandonner ses compatriotes dans l’épreuve. En solidarité avec ceux-ci, il se fait prisonnier de guerre aux États-Unis. Sur pression de tous ceux qu’il avait aidés, il fut libéré. Il sera accueilli en héros à Bourges lors d’une grande réception en son honneur. Très ému, il pleurait à chaudes larmes. «C’est trop, c’est trop, c’est beaucoup trop d’honneur pour le frère franciscain que je suis, qui n’a fait que son devoir; c’est dans l’esprit de l’habit que je porte que j’ai agi.» (p.279).

Son acte courageux ne l’a pas saoulé. Et le Colonel Rémy de préciser dans la préface du livre à la page 10: (…)des hommes savent mettre en pratique l’admirable maxime de Charles de Foucauld:’L’honneur, laissons-le à qui voudra, mais le danger, la peine, réclamons-les toujours.

L’exemple d’Alfred doit faire réfléchir le clergé dans ses rapports avec le pouvoir temporel. Des ecclésiastiques, notamment africains, ont un rôle à jouer dans la démocratisation de notre continent. Les autorités religieuses ne doivent pas se faire complices de ceux qui maltraitent les créatures de Dieu. Comme ce fut le cas au Togo - pendant de longues années pour ne citer que ce prototype - où l’ordinaire du lieu d’alors ne faisait que des homélies à la gloire du dictateur Eyadema. Nous le citons: beau comme Jésus, intelligent comme Moïse, sage comme Abraham, etc. L’Église d'Afrique doit rester «au milieu du village».

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(1) En terme de comparaison, l’acte admirable du frère franciscain, sergent de son état, Alfred Stanke n’a rien d’égale d’avec la tâche extraordinaire d’un autre aumônier de la prison de Fresnes. Lui aussi Allemand. Il s’agit du Père Stock. On peut citer aussi le Polonais Maximilien Kolbe, etc. Dans tous les cas, la charité ne peut faire l’objet de comparaison.

Note de lecture du Le franciscain de Bourges de Marc Tolédano. Préface du colonel Rémy, postface d'Arnaud de Vogüé.
Editions J’ai lu. Série A 215 paru en 1967. 303 pages.

Bruxelles, le 21 décembre 2009
Maurice Mouta W Gligli-Amorin

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