FOOTBALL
Afrique, terre des grigris
A six mois de sa première Coupe du monde, l'Afrique tente de tirer un trait sur un passé marqué par la sorcellerie. Ce qui semble pourtant être mission impossible.
Image © Keystone
Un sorcier pose avant un match à Abidjan, lors de la Coupe d'Afrique des nations. C'était il y a dix ans. Les règlements sont devenus plus restrictifs sur les terrains, mais les pratiques demeurent
Églises et ballon rond
Johannesburg
«Pour nous, qui analysons la politique en Afrique, l'importance capitale du monde «invisible», soit celui des ancêtres et des esprits ( bons, ou malins ), du monde des sorciers et des marabouts, exige une appréciation nuancée»: l'homme qui rappelle cette vérité, Michael G. Schatzberg, est professeur de sciences politiques à l'Université du Wisconsin. Et les études qu'il mène depuis des années sur le continent n'ont jamais semblé aussi d'actualité, à six mois de la première Coupe du monde de football organisée en Afrique.
Car, s'il est une culture où les sorciers tiennent un rôle prépondérant, encore plus peut-être que dans le monde des macumberos, au Brésil, c'est bien celle de l'Afrique noire. Où le pouvoir sportif tente, pour le moment sans grand succès, de condamner la pratique de la sorcellerie en matière de football.
L'urine... contre les œufs
En Tanzanie, il y a tout juste trois ans, le champion Yanga et son plus sérieux rival, Simba, ont été condamnés chacun à une amende de 5000 dollars; c'était au lendemain du match décisif pour le titre et des photographies avaient paru dans la presse locale, montrant des joueurs enterrant des substances inconnues dans le terrain. Trois ans plus tôt, pour neutraliser les effets de substances (des oeufs, notamment) jetées sur le terrain, des joueurs avaient uriné à l'endroit envoûté.
«Le problème, reprend le professeur Schatzberg, c'est que bien des Africains comprennent la sorcellerie comme un mode de causalité, parce qu'ils sont persuadés que de sombres forces influencent souvent de manière décisive les événements quotidiens. Parmi lesquels, bien sûr, les matches de football.»
Dès 1980, dans l'ancien Zaïre, le Ministère des sports a voulu réglementer: «Tout club qui sera surpris tant sur le terrain que dans les installations sportives en flagrant délit de pratique fétichiste perd le match par forfait. Il n'est pas admissible que, en plein XXe siècle, on puisse voir des grigris ou des amulettes venir perturber le déroulement régulier des compétitions.»
C'était il y a presque trente ans. Mais pas sûr du tout que l'an prochain, en Afrique du Sud
Jean-Claude Schertenleib - le 20 décembre 2009
Source : http://www.lematin.ch
http://www.lematin.ch/sports/football/afrique-terre-grigris-207658