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15 mars 2013

ADIEU JOSEPH RONEY

4 mars 2013 18:40 | Il y a : 10  jour(s) 
| Thème: InternationalHaitiBelgique 
Haïti :: « Un peuple qui a produit un Joseph Roney ne peut pas mourir »

Le 7 janvier dernier, Joseph Roney s’éteignait après 77 années remplies de lutte. Ses proches font le portrait d’un puits de science dont « modeste » était le second prénom. Un portrait qui se dessine au présent.

Jonathan Lefèvre

 

Joseph Roney (à gauche), communiste haïtien qui avait trouvé refuge en Belgique à partir de 1977, était un vrai internationaliste. Il répétait qu’il fallait mener la lutte à l’endroit où on se trouvait.

Ici, il est en compagnie d’un des fils de Che Guevara, Camilo (au centre), en visite à Bruxelles. (Photo Solidaire, Ligia Uribe)

Lors de la cérémonie funéraire, son ami d’enfance Paul Baron faisait le parallèle entre Joseph et deux illustres Haïtiens : « La gauche se souvient et se souviendra de toi pour avoir écrit et marqué son histoire de la même manière que Jacques Roumain et Jacques Stephen Alexis. » Le lien entre deux des plus grands écrivains de l’île d’Hispaniola ? Leur engagement communiste. 

Un engagement naturel

Joseph Roney est né le 15 août 1935 dans la capitale, Port-au-Prince. Soit un an après la fin de l’occupation de l’île par les États-Unis. Même si pour les Haïtiens, cette occupation n’a, dans les faits, jamais pris fin. Joseph n’avait de cesse de le rappeler.

Issu d’une famille modeste, son père Telsiné faisait de l’instruction de ses enfants une priorité. Un goût pour le savoir que Joseph allait lui-même transmettre à ses enfants et aux personnes qui avaient la chance de croiser sa route. Une route pour le moins sinueuse.

Leader étudiant, il participe aux mouvements populaires qui secouent la capitale sous le régime dictatorial de François Duvalier, alias « Papa Doc ». « Mais son engagement, naturel, pour ceux qui avaient besoin d’aide, remonte à plus loin encore », selon une de ses filles, Olivia. « A 12 ans, il donnait des cours de rattrapage aux élèves de primaire qui en avaient besoin. Il a continué en secondaire. Et toute sa vie, d’une certaine façon. »

Après des études brillantes en philologie romane, il obtient son diplôme de professeur à l’École normale supérieure de Port-au-Prince. Malgré son engagement politique qui lui vaut des menaces de la part du pouvoir par le bras armé de la dictature, les tontons macoutes, milice de Papa Doc. Lors de l’hommage qu’il lui rend, son ami Paul Baron se souvient : « Le 1er septembre 1960, le tonton macoute en chef débarqua chez toi où se trouvaient une vingtaine de jeunes assoiffés de savoir et d’arguments contre la dictature. Il procéda à l’arrestation de tous les jeunes présents. Mais tu étais signalé comme le chef, le normalien, l’agitateur. Tu en payas le prix : tortures, interrogatoires musclés, humiliations, menaces de mort. Trois mois après, le 1er décembre 1960, tout le groupe fut libéré. Ce fut dur, ce premier emprisonnement. Mais, on avait l’impression d’avoir marqué des points contre le gouvernement de Duvalier. Et l’opposition se développait activement dans tous les secteurs. »

Peu de temps après, Joseph prend la tête du Parti d’entente populaire (PEP) de Jacques Stéphen Alexis, successeur du premier parti communiste haïtien fondé par Jacques Roumain. Afin d’unir les forces de résistances au régime, Joseph fonde avec d’autres jeunes le Parti unifié des communistes haïtiens (PUCH). Dans la clandestinité la plus complète. Jusqu’à ce jour de 1969 où il est arrêté et envoyé à Fort Dimanche (« Fort la mort »). Avec d’autres compagnons d’infortune, il y passa 7 années. « Il a tellement vécu de choses dans cette prison, se rappelle sa femme Marie. Beaucoup de prisonniers sont devenus fous. Les malades ne recevaient pas de soins. La torture était chose courante. Il a été sous-alimenté durant ces sept années. On le réveillait brutalement vers 3h du matin pour lui faire prendre une douche de quelques minutes. Mais il a tenu le coup. Même s’il n’a jamais raconté tout ce qu’il avait vécu. C’était trop douloureux pour lui. Quand il repensait à cette période, il versait quelques larmes. »

Arrivée en Belgique. Et au PTB

Sous la pression populaire, le fils de Papa Doc, Jean-Claude Duvalier, libère plusieurs prisonniers politiques, dont Joseph. Mais le contraint à l’exil. Il est passé par Cuba, la Jamaïque, la Russie, la France, la Grèce puis enfin la Belgique. « Terre d’accueil, à l’époque », glisse Olivia. « Il aurait pu aller vivre aux États-Unis, puisqu’il avait un visa américain. Mais il n’a jamais voulu s’y installer. Il y a mis les pieds quelques fois pour donner des conférences, c’est tout. »

Car depuis son arrivée en Belgique, en 1977, Joseph consacre son temps à essayer d’améliorer le sort des Haïtiens, mais de l’extérieur du pays, en donnant des conférences. Ligia Uribe, membre de la section internationale du PTB, se rappelle : « Il donnait des conférences un peu partout. En Allemagne, Espagne, Amérique du Sud… Il connaissait très bien la géopolitique. Quand il parlait d’Haïti, c’était pour lier la situation là-bas avec celle d’autres pays. Il connaissait particulièrement bien l’Afrique et l’Amérique du Sud. » Regrettait-il d’être parti de son pays natal ? « Non. Le seul regret qu’il avait était de n’avoir pas pu former plus de jeunes Haïtiens avant d’être exilé. Mais pour le reste, il répétait souvent qu’on devait faire la révolution là où on se trouvait. C’est grâce à lui que je suis engagée politiquement et que je suis au PTB. »

D’après ses proches, le défaitisme ne faisait pas partie de son vocabulaire. Ligia Uribe : « Il disait que les puissants voulaient que le peuple soit défaitiste pour qu’il ne réagisse pas, qu’il soit apathique. Un mois avant sa mort, je suis allée le voir. Il m’a parlé des négociations de paix entre le gouvernement colombien et la guérilla des Farc. On discutait souvent de cela, vu que c’est mon pays d’origine. Il se tenait au courant de l’actualité et me disait que c’était une bonne chose, même s’il s’inquiétait d’un piège tendu par le gouvernement colombien… »

Transmission

Les personnes qui l’ont connu insistent sur deux aspects de sa personnalité : l’humilité et l’intelligence. « Il savait parler à n’importe qui, il prenait le langage des universitaires pour parler aux universitaires, celui des gens simples pour parler aux gens simples. Il préférait ces derniers d’ailleurs », sourit Ligia. 

De sa culture impressionnante, jamais il n’en faisait étalage. « Il était très discret, d’après Olivia. Cela vient peut-être de toutes ces années de clandestinité qu’il a vécues en Haïti… » Une anecdote revient à l’esprit de sa fille : « Il n’avait pas besoin d’écrire beaucoup. Tout était dans sa tête. Lors de mon mariage, il a pris le micro pour faire un discours. Il n’avait pas de notes, rien. Je ne savais même pas qu’il allait parler. Il a fait un très beau discours. » Sa fille de 28 ans, diplômée de biologie clinique, est heureuse d’une chose : Joseph aura fait la connaissance de son petit-fils Marvin, âgé de 10 mois. « Tout ce que j’ai appris, je le dois à mon père. Je vais essayer de transmettre cela à mon fils… »  

Joseph aspirait à l’unité du peuple en Haïti comme en Belgique pour la justice sociale et la libération. Il aimait rappeler : « L’union fait la force se trouve sur le drapeau et les armoiries d’Haïti, depuis son indépendance en 1804. La Belgique en a fait sa devise nationale en 1831. »

A la mort de son camarade, Jacques Stephen Alexis écrivait : « Les peuples sont des arbres qui fleurissent malgré la mauvaise saison. A la belle saison, notre arbre continue à vivre. Un peuple qui vient de produire un Jacques Roumain ne peut pas mourir. »

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