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1 juillet 2010

Notes de lecture Africanités hegeliennes alerte à

Notes de lecture
Africanités hegeliennes alerte à une nouvelle marginalisation de l'Afrique par Gilbert Zue-Nguema l’Harmattan 2006 248 pages
L'Afrique et l’homme africain dans l'Histoire

La stigmatisation de la marginalisation de l’Afrique est récurrente. Déjà largement développée au 19e siècle par les philosophies de l’histoire, cette idée connaît une nouvelle fraîcheur avec la mondialisation économique en cours. Ainsi, depuis Hegel, le monde semble avoir changé sur tous les plans sauf en ce qui concerne la place toujours marginale de l’Afrique.

Au grand étonnement d’une conscience avisée, plus l’économie devient mondiale, les mêmes récriminations à l'encontre de l’Afrique qui, naguère, relevaient des considérations sur l’’histoire mondiale’, reviennent aujourd’hui avec plus de virulence encore. Faut-il alors penser qu’en raison de sa science supposée, l’économiste peut s’autoriser sur un sujet d’une telle gravité un discours qui n’est insupportable que dans la bouche et sous la plume d’un philosophe ? En quoi ce dernier doit-il seul encourir le blâme ? La proclamation de la marginalisation de l’Afrique est-elle plus supportable quand il s’agit d’’économie mondiale’ que lorsqu’il est question d’’histoire mondiale’ ? Dans tous les cas, il revient à l’Afrique de relever à son tour le défi qui consiste à occuper sa place non plus dans une Histoire passée qui n’était pas la sienne mais dans le monde qui se construit sous ses yeux au rythme des explosions non directionnelles des flux industriels, financiers et commerciaux qui structurent le concept de mondialisation économique.

Le propos de Hegel est un révélateur des difficultés de l’Afrique

Africanités hégéliennes de Gilbert Zué-Nguéma, auteur de deux thèses sur Hegel et enseignant à l’Université Omar Bongo de Libreville (Gabon), aborde, de prime abord, un thème déjà abondamment traité : Hegel et l’Afrique. Mais il le fait d’une manière originale. Au lieu de s’indigner, comme il y a apparemment lieu de le faire, de la teneur révoltante du propos de Hegel – ce qu’ont fait, évidemment, un certain nombre de philosophes africains – ou de montrer comme Bernard Bourgeois (Etudes hégéliennes. Raison et décision, Paris Puf 1992) l’a fait de manière exemplaire, que sa teneur véritable ne correspond pas à la présentation qui en est communément faite et qu’il laisse, pour ainsi dire, toutes les chances à l’Afrique, Gilbert Zué-Nguéma cherche à établir deux choses. Tout d’abord, en confrontant minutieusement le propos de Hegel à ses sources (en particulier aux travaux du géographe Karl Ritter), il montre qu’il ne se borne pas à les répéter ; Hegel a vraiment un propos sur l’Afrique, tel est le premier résultat auquel parvient l’auteur. Plus ambitieusement, il veut montrer, en deuxième lieu, que les Africains ont des leçons à tirer du propos de Hegel. D’une certaine manière, malgré ses outrances et son ethnocentrisme avoué, le propos de Hegel sur l’Afrique est un révélateur des difficultés auxquelles les peuples de ce continent sont confrontés, difficultés qu’il leur faut impérativement résoudre s’ils veulent que leur histoire ne reste pas, comme Hegel le dit brutalement en une autre occasion, une page blanche, ce qui signifie, en l’occurrence : une page écrite par d’autres, note le préfacier Jean-François Kervégan, professeur à l’Université Panthéon-Sorbonne (Paris I). Le temps où l’hégélianisme irritait une part importante de l’intelligentsia africaine semble aujourd’hui révolu. Le temps actuel se prête à un examen plus serein et profond de ce dossier hétéroclite attribué à tort ou à raison à Hegel. Les commentateurs qui ont fait choix d’analyser le rapport de Hegel avec l’Afrique se rangent en deux camps opposés : d’un côté le camp des contempteurs de Hegel, de l’autre celui de ses défenseurs. Mais ces deux camps sont loin du compte parce que le hégélianisme est un système, avec ses forces et ses faiblesses, mais pourvu d’une vertu cardinale : le rejet de tout radicalisme et tout intégrisme d’ordre idéologique, intellectuel ou spirituel.

De l'authenticité de La raison dans l’histoire

Dans l’ensemble, l’on ne connaît des propos tenus par Hegel au sujet de l’Afrique que ce qui est rapporté dans La Raison dans l’histoire. Mais l’on sait encore moins que ce texte n’est que l’introduction aux Leçons sur la philosophie de l’histoire ; l’on sait encore moins que le texte qui est donné sous ce titre est une compilation faite au petit bonheur de la chance à partir de ‘sources’ aussi aléatoires que contestables, tels : 1) des notes de cours prises plusieurs années de suite par des étudiants dont personne ne connaît l’état d’esprit au moment de ces cours, ni du degré d’attention et d’intérêt qu’ils leur portent ; 2) des brouillons de cours dont on ne sait pas si Hegel en a vraiment fait usage et quelle fiabilité on peut leur accorder ; 3) des ajustements opérés par les éditeurs de leur propre initiative, aussi bien au niveau de l’ordre de succession des parties, des chapitres, etc., qu’au niveau des propos eux-mêmes. On peut épiloguer tant qu’on veut, une chose est indéniable : Hegel n’avait jamais tenu dans ses mains un texte portant comme titre La raison dans l’histoire. Il convient donc de référer ce qui est dans les Leçons aux textes qui sont de la main même de Hegel. En cas de conflit, c’est au texte considéré comme ‘canonique’ qu’ira la préférence de G. Zué-Nguéma. C’est pour lui une simple question de prudence et de probité intellectuelle. Le philosophe gabonais a pris une posture inédite : celle qui consiste justement à bannir du propos philosophique toute culpabilisation de Hegel et qui défend le point de vue selon lequel on peut raisonnablement parler du discours hégélien sur l’Afrique sans état d’âme particulier parce qu’auparavant on aura définitivement admis que l’Afrique est depuis toujours elle-même. Il faut parler peut-être d’opinions – au sens platonicien – de Hegel parce qu’il en parle par ouï-dire. Hegel n’a jamais été en Afrique, et ce qu’il en dit se fonde sur la foi des missionnaires, des négriers et autres aventuriers semblables en mal de sensations fortes.

La faillite de l’Afrique, c’est celle des élites occidentalisées au pouvoir

Dans la première partie de son livre, Zué-Nguéma recense les pièces manquantes dans un dossier indigent. Il est nécessaire de reconnaître aux Africains des responsabilités dans leur propre histoire. Certains auteurs recommandent à l’Afrique de se soustraire du monde qui se construit avec l’avènement de l’économie-monde actuelle et de faire valoir. Un tel impératif transpire tout au long de l’intéressant livre de Serge Latouche (L’autre Afrique. Entre don et marché, Albin Michel, 1998). ; il est vrai toutefois que cet auteur prend soin de distinguer ‘l’autre Afrique’ de ‘l’Afrique officielle’. La faillite de l’Afrique, dit-il, ‘c’est la faillite de l’Afrique officielle’, celle des élites occidentalisées au pouvoir. L’auteur recense quelques sources d’informations de Hegel. L’œuvre de Karl Ritter (1779-1859) est la principale source d’information que Hegel utilise dans ses Leçons sur la philosophie de l’histoire. Le premier intérêt de la Géographie de Ritter réside en ce qu’elle est une œuvre exhaustive et la partie consacrée à l’Afrique définitivement achevée. Hegel emprunte également quelques éléments de son information sur l’Afrique à Hérodote. Il utilise un ensemble de récits attribués aux missionnaires dont l’Italien Giovanni Antonio Cavazzi. La dernière source est constituée de récits et enquêtes qu’on doit à ceux qui se donnent le nom d’explorateurs, dont l’esprit d’aventure le dispute à l’esprit scientifique. Zué-Nguéma étudie minutieusement l’apport intellectuel de Karl Ritter. Il dégage les principes intellectuels et méthodologiques de K. Ritter. Il note l’uniformité du relief de l’Afrique qui est analogue à celle du caractère de l’homme africain. Il précise les limites de l’influence de Karl Ritter sur Hegel. Il existe la concordance de vue qui existe entre Ritter et Hegel.

L’indépendance d’esprit de Hegel à l’égard du dispositif intellectuel est une réalité. Beaucoup mieux que chez Karl Ritter, c’est chez Montesquieu et chez Adam Smith qu’il faut rechercher l’expression la plus nette du genre de propositions et d’arguments qui valent à Hegel d’être parfois traité de raciste. Les propos à caractère raciste de Montesquieu sur les Africains sont largement rappelés. Adam Smith soutient dans la Richesse des nations que l’Afrique semble ‘dans tous les temps, avoir été dans cet état de barbarie et de pauvreté dans laquelle nous [la] voyons à présent’. Hegel réfute les positions de Montesquieu et d’Adam Smith. Le propos que Hegel tient sur l’Afrique et les Africains est le même qu’il tient à l’égard des hordes germaniques qui déferlent sur l’Empire d’Occident. Il est maintenant établi que la distinction faite par Hegel entre l’Egypte et l’Afrique ‘proprement dite’ est importée de la Géographie de Karl Ritter qui, de son côté, dit l’avoir empruntée à Hérodote. Cette distinction entraîne une conséquence de portée théorique considérable : l’Egypte revêt une singulière importance aux yeux de Hegel et de tous les penseurs occidentaux qui ont adopté l’hypothèse de son rôle capital dans le développement des civilisations humaines. Même si Hegel situe le commencement de la philosophie en Grèce, il soutient qu’en considérant d’autres domaines intellectuels ou scientifiques - les mathématiques par exemple -, la Grèce doit tout à l’Asie, et à l’Egypte en particulier, si bien que l’idée d’un ‘miracle’ grec, l’idée d’un développement spontané d’une civilisation authentique et complète à nulle autre pareilles, est à son avis tout simplement hérétique. Au reste, l’histoire humaine ne présente pas d’exemple d’un phénomène politique, social ou culturel qui soit absolument spontané. Il s’ensuit que l'opposition dogmatiquement érigée entre l’Egypte et la Grèce ne joue pas nécessairement en faveur de la thèse qui valorise la place de l’Afrique dans l’histoire ; car, si l’Afrique est exclue de l’histoire, ce n’est pas le cas de l’Egypte.

L’Egypte, une simple transition vers le règne grec ?

Dans la pensée occidentale, quel que soit le domaine intellectuel considéré, l’importance de l’Egypte est bien reconnue. Celle-ci chez Hegel en particulier, est le lieu de passage de témoin entre le règne perse et le règne grec. Par là, l’Egypte prend une importance considérable dans l’histoire mondiale tandis que l’Afrique est laissée au seuil de celle-ci. L’auteur recherche des voies nouvelles pour penser la place de l’Afrique dans l’histoire et dans le monde. Il fait le départ entre la terre et le monde. Si la terre en sa diversité seulement apparente est encore à découvrir, le monde, lui, est déjà bien connu. Ainsi l’exclusion d’un monde et de son histoire n’est pas l’exclusion de la terre. Aujourd’hui encore, des mondes divers cohabitent sur une même terre.Les risques et les limites des témoignages d’Hérodote sont mis à nue. L’Egypte est-elle une simple transition vers le règne grec ? s’interroge l’auteur. Ce dernier examine une vue qui est relativement homogène de la mondialisation, les griefs portés à l’encontre de l’Afrique et l’apport de la mondialisation souhaité pour l’Afrique. G. Zué-Nguéma traite de l’existence d’une philosophie africaine traditionnelle, d'une activité intellectuelle liée à une pratique sociale, du philosophe africain se retrouvant à la croisée des chemins. Il invite les Africains à s’émanciper de la double dictature intellectuelle qu’ils subissent.Au commencement n’étaient ni l’Histoire ni la Philosophie. La pertinence du choix de l’Histoire et de la Philosophie est évoquée. La nécessité d’une philosophie africaine du sujet s’impose. Ce livre est d’une grande richesse de pensées et d’une grande finesse d’analyse. Son auteur a le grand mérite d’avoir lu la Géographie de Karl Ritter royalement méconnue des chercheurs négro-africains. Le silence de l’auteur qui entoure l’influence de Schelling, ‘le philosophe du Tout’, sur Hegel est étrange.

Amady Aly DIENG

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