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5 janvier 2012

Notes de lecture Mamadou Racine Sy premier

Notes de lecture

Mamadou Racine Sy premier capitaine noir des tirailleurs sénégalais (1838-1902) par Abdoul Sow l’Harmattan 2010 172 pages

Ce que la France doit au capitaine Mamadou Racine Sy  

Mamadou Racine est le premier capitaine noir de l’armée des Tirailleurs sénégalais qui a connu les honneurs qu’un Noir de son époque ne pouvait imaginer obtenir. Enrôlé très jeune, il s’est mis exclusivement au service de la France, option univoque qui l’amène à combattre tous ceux qui se sont opposés au projet français aussi bien au Sénégal qu’au Soudan, intermédiaire incontournable de la conquête du Soudan, il a combattu les plus grands chefs noirs de cette région aux côtés des plus grands officiers de l’armée des Tirailleurs sénégalais, pionniers-bâtisseurs de l’empire colonial d’Aof.

Ce livre d’Abdoul Sow, maître de conférences à la Faculté des sciences et technologies de l’éducation et de la formation (Fastef) de l’université Cheikh Anta Diop, permet, à travers les différentes perceptions des autorités coloniales comme de celles qu’il a combattues, de présenter le véritable visage de cet acteur de la conquête coloniale du Haut-Sénégal-Niger. Ce livre révèle que cet homme, qui aida le système colonial à s’installer, a su faire preuve auprès de ses frères de race des valeurs traditionnelles d’un chef coutumier. Nonobstant toute controverse autour de la dualité résistants-intermédiaires de la colonisation, cette étude permet de tirer plusieurs enseignements : la préservation des valeurs autochtones dans les relations interafricaines, l’élégance morale, le respect de la parole donnée et l’éthique humaniste.

Ce travail a pour objectifs :

- de retracer le parcours exceptionnel du premier capitaine noir de l’armée coloniale française au Sénégal et au Soudan ;

- d’expliquer le rôle qu’il a joué dans l’édification de l’empire colonial d’Aof ;

- de donner au capitaine Mamadou Racine sa véritable place dans le Panthéon national et africain, dans les programmes d’enseignements et les manuels scolaires.

Abdoul Sow a délibérément choisi une approche méthodologique qui s’appuie exclusivement sur des documents d’archives. Mais l’historien qu’est Abdou Sow ne doit pas oublier que ce sont les vainqueurs qui écrivent l’histoire et non les vaincus. Son approche méthodologique est très discutable, malgré le fait qu’il ait discuté avec trois de ses descendants et parents et trois habitants de Podor.

Le contenu du livre s’articule autour de quatre chapitres. Le premier présente l’homme et analyse sa difficile promotion appuyée par des parrains puissants. Le deuxième décrit ses campagnes militaires au Sénégal et son premier séjour en France. Le troisième couvre la période la plus longue et la plus riche en événements : de 1880 à 1895, Mamadou Racine s’est révélé un acteur incontournable de la conquête du Soudan aux côtés des plus grands chefs militaires, un homme à qui on fait appel pour résoudre les problèmes et situations les plus difficiles. Le quatrième traite sa vie post-militaire, les fonctions administratives qu’il a occupées et l’opération de démythification dont il a fait l’objet de la part de certaines autorités.

Le premier choc avec les Ceddos de Lat-Dior

Cet homme connu officiellement sous le nom Mamadou Racine serait né en 1838 à Podor d’après sa fiche de renseignements du corps d’infanterie de la marine de 1867. A partir de 1891, dans les documents le concernant, il est mentionné une date de naissance plus précise : 28 mars 1842 à Podor, on y a ajouté : ‘âgé de 51 ans au 31 décembre 1893’. Cela ressemble plutôt à un arrangement avec l’Etat civil, car, à cette période il avait le grade de capitaine. Certainement, on a voulu diminuer son âge pour prolonger sa date de retraite.

Une singularité dans ces documents militaires est que son nom de famille ‘Sy’ n’apparait nulle part. Racine n’est pas son nom de famille comme on l’entend au Sénégal ; ce serait plutôt le prénom de son père. En effet, il existe une pratique très courante dans certaines familles ou ethnies – les Peuls par exemple – qui consiste à associer le prénom de l’enfant à celui du père ou de la mère.

Son lieu de naissance pose aussi problème, il est à géométrie variable. Dans les documents militaires, tantôt Mamadou Racine serait né à Podor, puis à Podor département Sénégal, tantôt à Dodor près de Podor, enfin aux environs de Podor. Souyouma, le village où réside son père, situé dans la banlieue de Podor, n’apparait dans aucun document le concernant.

Faute d’avoir des informations précises sur ses aptitudes intellectuelles et son niveau d’instruction générale, Abdoul Sow a recours à ce que ses chefs, qui l’ont connu et fréquenté, ont écrit sur lui. Le gouverneur du Sénégal et dépendances, Brière de L’Isle, le décrit comme un ‘excellent serviteur, intelligent, parlant et écrivant bien le français et les langues de tous nos officiers indigènes dont les idées sympathisent le plus avec mes nôtres’. Il parle même à son endroit de preuves sérieuses de dévouement à la cause française.

Enfin, si on se réfère à sa fiche de renseignements de 1891, il est noté que Racine est un homme de principe (mention très bien), que son éducation, ses relations et sa conduite sont très bonnes ; il a une assez grande instruction générale, une instruction militaire théorique et pratique bonne mais une très faible instruction administrative. La fiche signale aussi un homme très apte au service de renseignements et d’interprétariat dans un état-major. Le commandant supérieur du Haut-Sénégal Borgnis Desbordes reconnaît en lui un excellent officier de troupe qui, comme capitaine de compagnie, est capable de remplir parfaitement en période de guerre les devoirs qui sont les siens. Le gouverneur du Sénégal, dans une lettre datée du 9 juillet 1883 au ministre, partage l’avis de Desbordes et exprime son regret de constater qu’un lieutenant aussi méritant que Racine ne soit pas élevé au grade de capitaine. Dans une note adressée au directeur des colonies depuis Paris en août 1883, Desbordes démonte point par point les arguments des gens qui s’opposent à ce projet de nomination.

Le tirailleur Mamadou Racine participe dès son recrutement à des campagnes de guerre à travers plusieurs régions du Sénégal. Un colonne expéditionnaire est lancée contre le village d’Ouro-Madiou. Sa mission est une attaque surprise du village de chef Ahmadou Cheikhou, un des ennemis jurés de la colonie. Mamadou Racine officie lors de cette opération militaire comme guide et interprète.

Le premier choc entre les troupes françaises, les Ceddos de Lat-Dior et leurs alliés a lieu le 15 septembre 1869 dans le campement de Louga. Mamadou Racine a participé à cette expédition. La bataille des mares de Louga du 16 septembre 1869 est le prolongement du combat du campement de Louga la veille. Elle a vu la victoire des troupes coloniales. Le sous-lieutenant Mamadou Racine, en janvier 1872, est le commandant du détachement des Tirailleurs sénégalais stationné dans le poste de Bakel.

Il dépose une demande pour se rendre en France et visiter l’exposition universelle de 1878. Le gouverneur Brière de L’Isle appuie cette démarche et demande à ce que la France prenne à son égard de Racine des mesures spéciales comme celles prises lors de l’envoi en France du sous-lieutenant Aliou Sall en 1862. Sur la demande de faveur figurent les noms de Hamat Ndiaye An Cadi à Saint-Louis, officier de la Légion d’honneur, Si El Hady Bou El Moghdad interprète et officier de la Légion d’honneur, et enfin Amadou Abdoul interprète et secrétaire à la direction des affaires politiques et chevalier de la Légion d’honneur.

Abdou Sow identifie les différentes compagnies dans lesquelles Mamadou Racine et ses frères d’armes sont affectés. La carrière soudanaise de Mamadou Racine est la période la plus importante et la plus riche en événements. Il a participé aux campagnes de Borgnis-Desbordes : la colonne expéditionnaire de 1880-1881, la campagne de 1881-1882, la campagne 1882-1883 du Soudan. Le capitaine Racine a participé à des campagnes ‘pacifiques’ durant la période 1883-1885. Dès le 26 novembre 1883, il est chargé de convoyer des chevaux, des ânes et des mulets par chaland.

Dès la prise de service du lieutenant-colonel Frey, Mamadou Racine, ‘chargé de toutes les relations avec les indigènes, des guides, des espions’, s’engage dans la lutte contre Mamadou Lamine Dramé dont les agissements sont considérés comme une menace pour les intérêts de la France.

Mamadou Racine plus connu au Soudan où il a passé presque toute sa vie

A sa retraite en 1895, le capitaine Mamadou Racine occupe diverses fonctions administratives. Il change de poste avec une facilité déconcertante. D’abord affecté au service des douanes, il est ensuite nommé interprète. Bientôt, cerise sur le gâteau, les autorités lui taillent un royaume avec le titre de Fama.

Les difficultés financières supposées poussent certainement le capitaine à la retraite à demander au gouverneur du Soudan une nouvelle faveur qui consiste à lui confier le commandement d’un territoire ou d’une importante province dans les mêmes conditions que Mademba, nommé Fama du Sassanding, et le roi Aguibou. Selon Abdoul Sow, on est tenté d’avancer que Racine a dû se dire quelque part pourquoi les autorités coloniales offrent à Mademba, un télégraphiste-soldat, un royaume alors que lui le capitaine avec ses 35 ans de services et de campagnes militaires, n’est pas récompensé au même titre.

Racine qui a été un interprète prédisposé est devenu un Fama éphémère du Bambouck. Il semble commencer une sorte de descente aux enfers avec le départ du Soudan de ses parrains, Desbordes et Archinard. Ce dernier est congédié comme commandant supérieur du Soudan en 1893. Les parrains de Mamadou Racine ont fait de lui ce qu’il est et l’ont défendu à chaque étape de son ascension. Si le Soudan est devenu possession française, la France le doit à ses hommes comme le capitaine Mamadou Racine, les lieutenants Alkamessa et Yoro Coumba et tant d’autres.

Nommé comme Fama en 1899, Mamadou Racine est sans pouvoir réel. Il est inconnu des Sénégalais et des programmes d’histoire enseignés dans les établissements scolaires et de l’université. Le livre de Aidara, A, H. (Saint-Louis du Sénégal d’hier à aujourd’hui. Brinon-sur-Souldre : Editions Grandvaux, 2004) nous apprend qu’une rue où se trouve sa maison y porte son nom. Peut-être est-il plus connu au Soudan où il a passé presque toute sa vie.

Cet ouvrage est préfacé par le général de corps d’armée Abdoulaye Fall, Chef d’état-major des Armées. Il a aussi bénéficié d’une postface du Dr Amadou Yoro qui est l’un des petits fils de Mamadou racine Sy. Il constitue une importante contribution à la connaissance à l’histoire militaire du Sénégal qui est à écrire.

Amady Aly DIENG

walf.sn

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