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5 janvier 2012

Notes de lecture- Égalité sans frontière- Les

Notes de lecture-
Égalité sans frontière-
Les immigrés ne sont pas une marchandise
par Yves Benot et Alii éditions Syllepse et fondation Copernic, 2001 126 pages -
A qui profitent les politiques d'immigration ?

Que faire avec un phénomène vieux comme l’humanité ; celui des migrations ? Cette question éminemment politique ne cesse de se poser parce que la gestion libérale de la planète crée les conditions qui fabriquent en partie les mouvements migratoires. Il n’est plus à démontrer que les relations Nord-Sud et Est-Ouest sont très largement fondées sur moult injustices. C’est dans ce contexte que la Fondation Copernic publie aujourd’hui Égalité sans frontière.

Non seulement la ‘globalisation’ en cours ne règle pas le problème. Elle l’aggrave. En abandonnant par exemple, au secteur privé une partie toujours plus importante de ‘l’aide’ au développement, les Etats se dessaisissent des quelques leviers par lesquels ils ne pouvaient avoir une action correctrice, il est vrai modeste. Dans ces conditions, à quoi sert-il de décider, comme le font depuis des décennies tous les pays occidentaux, la fermeture des frontières ? A cette question, certains répondent que cette mesure politique et juridique limite les conséquences des mouvements de populations. D’autres estiment qu’il n’y a pas et qu’il ne devrait pas y avoir les déferlements régulièrement annoncés et jamais constatés ; que, fermeture ou pas, les migrants qui veulent absolument vivre sous d’autres cieux y parviennent ; qu’ils se retrouvent alors dans une situation de parias idéale pour les exploitations et surexploitations dont rêvent les libéraux. Ils jugent que, derrière ses apparences de maîtrise, la fermeture des frontières s’apparente à un ‘laisser-faire’ très libéral.
Ces appréciations opposées divisent la société civile. Elles divisent la droite. Elles divisent la gauche.

C’est dans ce contexte que la Fondation Copernic publie aujourd’hui Egalité sans frontière une note longuement mûrie par l’un de ses groupes de travail. Pourquoi cacher qu’elle ne fait pas l’unanimité au sein même de Copernic ? Peu importe ; elle rouvre le débat. Et c’est bien l’essentiel. Car l’absence de discussions et de choix politiques nous installe insidieusement dans une de ces situations chéries par le capitalisme, celles qui permettent de diviser les travailleurs quand bon lui semble. La xénophobie a des vertus que le libéralisme sait utiliser. Quant au mouvement ouvrier, il a rarement su développer la culture intégrant positivement la diversité des origines culturelles et nationalités qui auraient pu permettre de s’opposer à ce type de dérives.

La fermeture juridique des frontières est largement inefficace

Dans les années 80, le discours peu à peu dominant a accrédité l’idée que l’immigration serait surtout un ‘problème’. Curieusement, l’immigration n’en posait aucun quand, jusqu’à la fin des années 60, le patronat faisait entrer et s’installer plus de 300 000 étrangers par an. Cette évolution des croyances collectives est en elle-même la preuve que l’étranger est le plus souvent perçu comme un instrument de travail et que sa légitimité tient à son utilité pour la machine économique. Il n’a ainsi guère de valeur en soi. A cette représentation de l’étranger correspond le statut juridique que les pouvoirs publics lui fabriquent. Depuis la Libération, la réglementation est fondée sur la fermeture des frontières. Quels que soient les besoins de l’économie et quelles que soient les pratiques qui évoluent avec eux, la loi ne cesse d’affirmer que l’étranger ne peut entrer en France sans obtenir une autorisation. Ce qui n’a jamais empêché d’user de procédures dérogatoires et de régulariser en masse chaque fois que la France manquait de bras.

La politique actuelle d’immigration provoque deux conséquences négatives. La première tient à ce qu’elle a permis de banaliser la xénophobie bien au-delà de la seule sphère d’influence du Front national. La deuxième conséquence négative majeure de cette politique est la création d’une machine à produire des sans-papiers. En effet, la fermeture juridique des frontières est largement inefficace.

La maîtrise des flux migratoires vit sur deux illusions. La première tient à la croyance – réelle ou feinte – d’un pouvoir de fermeture au Nord. La deuxième réside dans la conviction erronée selon laquelle les migrations s’expliquent par les seules causes économiques et notamment la pauvreté. La misère n’explique pas entièrement les migrations. Les causes des migrations sont complexes. Les aspects historiques, politiques et culturels apparaissent beaucoup plus importants dans la dynamique migratoire que la seule loi du ‘différentiel de revenus’. A misère égale, certaines populations émigrent en grand nombre et d’autres pas. L’essentiel des migrations de masse résulte de guerres ou d’effondrements politiques, et reste confiné à plus de 90 % à l’intérieur des pays du Sud. Les pays du Nord n’accueillent pas la ’misère monde’ : on compte 125 millions d’immigrés dans le monde, et les pays du Nord en accueillent moins d’un tiers. Les pays les plus touchés par les sécheresses (Soudan, Ethiopie, etc.) ou par la guerre civile (Rwanda, Liberia, etc.) ne sont pas ou très peu représentés en Europe.

Une ‘démarche néocolonialiste’

La théorie de l’appel d’air invoque pour expliquer l’immigration une cause unique. Les notions d’appel d’air et d’invasion sont des fantasmes que rien, dans l’analyse comme dans l’expérience, ne vient confirmer. Il y a une surévaluation des causes économiques.

Contrairement aux idées reçues, la fermeture des frontières, ou sa version édulcorée dite de ‘maîtrise des flux migratoires’, n’est pas en elle-même marquée du sceau d’un volontarisme antilibéral. En conférant nécessairement des droits différents aux nationaux et aux non-nationaux, ne serait-ce que pour dissuader les seconds de ne pas venir, la fermeture des frontières rompt avec le principe de l’égalité des hommes, renforçant les conditions de l’exploitation de ceux qu’on a privés totalement ou partiellement de droits.

Les étrangers sont mis au service de la reprise. Les responsables politiques, d’anciens Premiers ministres comme Edouard Balladur, Alain Juppé ont bien compris ce phénomène. C’est une ‘démarche néocolonialiste’. La prime de la clarté pourrait être décernée à la député RPR Roselyne Bachelot qui, déjà en décembre 1999, concède qu’il y a décidément rien de nouveau dans la réouverture des frontières, du moins telle qu’elle se dessine : ‘Il faut avoir le courage ou le cynisme de dire, écrivait-elle, que nous allons nous livrer à une démarche néocolonialiste de grande envergure pour assurer la survie de nos sociétés postindustrielles vieillissante. Après avoir pillé le tiers-monde de ses matières premières, nous nous apprêtons à le piller de ce qui sera la grande ressource du troisième millénaire : l’intelligence ’.

Toute l’histoire de l’étranger en France – et dans son ex-empire – se trouve, sinon justifiée, du moins explicable par la culture de la République nationale et d’un Etat qui, au lieu de défendre le caractère universel des droits, les rattachent invariablement à la nationalité dès lors qu’il s’agit de les faire prévaloir au bénéfice de ceux qui vivent sur son territoire. Cette culture éclaire jusqu’à la loi Chevènement. Elle prospère dans les orientations défendues par son inspirateur Patrick Weil, dont les arguments ne sont pas fondamentalement différents de ceux de Roselyne Bachelot. Entre ‘faire que la politique de l’immigration corresponde à l’intérêt national’, c’est-à-dire ‘accueillir à nouveau des scientifiques ou permettre nos entreprises de recruter des spécialistes étrangers’ (Weil) et ‘une démarche néocolonialiste de grande envergure pour assurer la survie de nos sociétés postindustrielles vieillissantes’ (Bachelot), la différence semble surtout résider dans le style.

Pour une politique réaliste et progressiste de l’immigration

Le dépassement d’une conception utilitaire de l’étranger, inspirée par une tradition libérale pour laquelle l’immigré est un supplétif, suppose nécessairement de repenser la vieille synonymie entre Etat et nation. Faute de quoi, qu’on le veuille ou non, la France et l’Europe s’adonneront encore et toujours à la facilité sereinement assumée en 1963 par Georges Pompidou, futur président de la République. ‘L’immigration, avouait-il, est un moyen de créer une certaine détente sur le marché du travail et de résister à la pression sociale’.

La législation restrictive sur l’entrée et le séjour est au service du maintien d’une logique répressive et policière. Elle est accompagnée par une tolérance pour l’offre massive de travail illégal, de travail dissimulé et du travail des étrangers sans titre.

Le gouvernement pratique une politique de division avec la distinction entre nationaux/étrangers. On assiste à l’instauration d’une préférence nationale et européenne qui ne dit pas son nom. On met en œuvre une politique de répression et de déstabilisation au nom de ‘l’intégration républicaine’. La conception de l’immigration entre en contradiction avec la ‘politique de la Ville’.

La troisième partie du livre est consacrée aux principes conçus pour une politique réaliste et progressiste de l’immigration

Trop longtemps décrié en raison de son caractère prétendument ‘irréaliste’ ou ‘libéral’, le principe de libre circulation doit constituer le socle d’une politique, susceptible de répondre aux problèmes d’aujourd’hui. La notion ambiguë d’’intégration’ dépasse la question de l’immigration et concerne la société dans son ensemble. Elle renvoie à la précarité, au chômage de masse, à la crise de l’Etat protecteur… et relève donc en grande partie des choix de politique économique. Il n’en va pas de même de l’égalité de traitement et de lutte contre les discriminations.

Les auteurs de ce livre préconisent un certain nombre de mesures : faciliter les naturalisations, instaurer l’égalité des droits politiques pour tous les résidents étrangers, en finir avec l’assimilation citoyenneté/nationalité.

Ce livre aux dimensions modestes contient des réflexions pertinentes et stimulantes sur le problème de l’immigration. Il mérite d’être attentivement lu par les hommes politiques, les syndicalistes, les étudiants et les chercheurs africains.

Amady Aly DIENG

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