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5 janvier 2012

Notes de lecture- Considérations actuelles sur

Notes de lecture-
Considérations actuelles sur l’Afrique par Ebenezer Njoh–Mouelle Editions Clé Yaoundé 2000 173 pages
Les grandes questions qui agitent la conscience de l’intellectuel africain

Voici un livre de philosophie authentique. Mais son titre ne doit pas tromper : il n’est pas, sous prétexte qu’il s’appelle Considérations actuelles sur l’Afrique, constitué d’une suite de propos obtenus par libre association des idées. Quelque chose d’impromptu. Il n’est pas plus une simple juxtaposition d’aphorismes brillants s’efforçant de nourrir quelque polémique africaine.

 Considérations actuelles sur l’Afrique est une réflexion sereine et originale sur les thèmes majeurs de la pensée africaine. Le recensement de ces thèmes n’aura certes pas été exhaustif, mais l’espace d’investigation s’est voulu le plus large possible. Rompant avec la tradition robinsonnade de la philosophie africaine, qui veut que chaque penseur évolue en vase clos sans tenir compte de ses congénères, pas plus que ces derniers ne tiennent compte de lui, deux spécialistes camerounais se sont associés dans une longue conversation à travers laquelle l’un d’eux, Njoh-Mouelle qui répond aux questions de Mono Njana, fait le point sur son œuvre autant que sur les grandes questions qui agitent la conscience de l’intellectuel africain.

Njoh-Mouelle est à l’heure actuelle l’un des philosophes africains qui font autorité autant par l’ampleur et la profondeur que l’actualité de son œuvre. Il paraissait donc le plus indiqué pour jeter un regard synoptique sur l’ensemble des problèmes fondamentaux de l’Afrique d’hier et d’aujourd’hui. Le lecteur trouvera ainsi, dans une présentation agréable faite de questions et réponses concises organisées par rubriques, l’essentiel de la pensée du philosophe sur l’épineux problème du langage, sur le capitalisme et l’embourgeoisement en Afrique, la pratique intellectuelle, l’esprit démocratique, la solidarité dans l’Ua, le mysticisme, l’éthique et l’esthétique… Bref, une admirable synthèse sur la pensée africaine autant qu’un précieux raccourci dans l’œuvre du philosophe camerounais.

Ce qu’il y avait de noble chez les autres...

Njoh-Mouelle, docteur de 3e cycle en philosophie et docteur d’Etat ès Lettres et Sciences Humaines, est maître de conférences à l’Université de Yaoundé.

Il n’y a rien de si confus, à l’heure actuelle, que la situation de la pensée philosophique africaine. La question de son existence en particulier place les intellectuels intéressés dans un ballotage qui les fait osciller tantôt vers son affirmation, tantôt vers sa négation. L’ensemble des repères annoncés définit la confusion en question.

D’abord il y a l’ethnophilosophie, dont la composante essentielle est la détermination, l’illustration et la défense d’une philosophie négro-africaine qui prouve son authenticité par la richesse du symbolisme des contes, des proverbes, des rites et des coutumes. Il s’agira dans cette tendance d’une herméneutique serrée visant à dégager explicitement le sens philosophique symboliquement investi dans la culture traditionnelle. L’ethnophilosophe sera donc un philosophe de formation compulsant interminablement le matériau ethnographique. De sorte que, en fin de compte, il n’est ni ethnologue, ni philosophe, comme le dira Marcien Towa dans son Essai sur la problématique philosophique dans l’Afrique actuelle. Dans la tendance ethnophilosophique, on peut situer des auteurs comme le R. P. Placide Tempels avec son très classique ouvrage La philosophie Bantoue, ainsi que bon nombre de ses épigones, à savoir ceux qui ont rédigé des ouvrages ou thèses dans le sens d’une apologie de même nature.Une telle philosophie est bien reçue dans le grand public qui ne s’embarrasse pas de scrupules méthodologiques.

Mais la tendance critique, plus exigeante, n’y voit pas encore de philosophie véritable, ni aucun titre d’autosatisfaction. Il s’agirait, d’après elle, d’une pseudo-philosophie extravertie qui, désertant l’espace d’une réflexion autonome sur des questions authentiques et spécifiques, se préoccupe seulement de trouver ‘aussi’ chez elle la philosophie qu’elle voit chez autrui. ‘Le ‘aussi’ est le lieu de coexistence des qualités, des vertus et des valeurs. Le lieu des inventaires de ce qui constitue la tradition. Champ infini des énumérations qui ne peut que laisser insatisfait ’, souligne Fabien Eboussi Boulaga dans Crise du Muntu.

Trop idéaliste pour avoir effectivement cherché à idéaliser l’Afrique en lui adjoignant d’emblée tout ce qu’il y avait de noble chez les autres, l’ethnophilosophie se voit ainsi condamner pour avoir manqué corrélativement la problématique de l’Afrique actuelle. Et cette problématique, telle qu’elle nous est exposée par les différentes tendances critiques, est celle des mutations révolutionnaires à opérer sur le continent grâce à la pensée marxiste. Le marxisme : tel est en effet le deuxième repère dans la situation évoquée.

La vraie philosophie ne peut rechercher qu'une vérité universelle

L’évocation de la deuxième tendance marxiste après l’ethnophilosophie ne doit pas être considérée comme l’expression d’un ordre essentiellement chronologique. Il s’agit en réalité d’une distinction analytique, les deux tendances pouvant passer, à la limite, comme contemporaines. Le Père Tempels écrit La philosophie bantoue en 1949 et Kwamé Nkrumah Le consciencisme en 1965. Le décalage n’est pas important, d’autant que dans l’intervalle se développe une forte pensée révolutionnaire du genre de celle de Frantz Fanon. De toute manière, épigones de Tempels et disciples de Nkrumah évoluent simultanément dans la même arène.

C’est ainsi qu’en disqualifiant sévèrement l’ethnophilosophie, d’une part, Marcien Towa salue, d’autre part, la parution du Consciencisme comme ‘émergence de l’Afrique moderne à la conscience philosophique’. Point n’est besoin de commenter longuement le terme ‘émergence’ pour établir qu’il s’agit d’une véritable apparition, d’une épiphanie radicale qui va du néant à l’être. En d’autres termes, c’est avec Le Consciencisme que la conscience philosophique africaine commence à prendre forme, beaucoup mieux que dans les vaines spéculations ethnophilosophiques. Paulin Hountondji partage, à quelques nuances près, le même point de vue, de même que certains jeunes loups ivoiriens (Niamkey Koffi et Abdou Touré) et sénégalais (Youssouf Mbargane Guissé), et bien d’autres, qui ne manquent pas de décocher, au nom du même marxisme, des flèches acérées aussi bien à Towa qu’à Hountondji taxés de ‘bourgeois’ ou d’’élitiste’.

La tendance critique se trouve ainsi elle-même soumise à une critique plus serrée encore, dans la même recherche de la définition d’une philosophie. Ce qui, de toute évidence, ne contribue pas à augmenter notre intelligence du problème. D’où la confusion.

On est amené à penser que Senghor, le grand théoricien de la négritude, n’est qu’un pseudo-philosophe. Certains n’hésitent pas à le classer, pourtant, parmi les philosophes. Senghor lui-même s’est-il jamais présenté un jour comme un philosophe. Mais indirectement, quand il invitait l’intelligentsia africaine à fuir les idéologies et philosophies importées pour chercher dans la négritude qu’ils avaient à portée de main une philosophie du développement, ne laissait-il pas entendre que la Négritude est une philosophie ? Njoh-Mouelle est convaincu que la vraie philosophie ne peut rechercher qu'une vérité universelle sur laquelle faire s’adosser l’action des hommes. Beaucoup interprètent la formule hégélienne selon laquelle la philosophie est fille de son temps comme une invitation à régionaliser la pensée, le rationnel, un encouragement à se mettre les œillères. La philosophie n’est pas l’ethnologie. Elle n’est pas un catalogue de mœurs et coutumes, un inventaire des valeurs. La philosophie, c’est l’interrogation permanente : le questionnement permanent.

La liberté de critiquer les choses africaines semble ne point exister

Njoh-Mouelle insiste sur ce qu’il faut ou non faire actuellement. Nous ne devons pas continuellement travailler dans l’unique but de rechercher notre reconnaissance par les autres. Sinon, nous resterons éternellement colonisés ou néo-colonisés. L’heure est venue pour nous de nous attaquer aux vrais problèmes de notre temps. Oublier les problèmes du présent, c’est-à-dire ceux du développement et de la modernisation pour s’attarder sur des problèmes de valorisation du passé, c’est perdre du temps. Or l’ethnophilosophie est davantage préoccupée du passé que du présent et du futur ; elle s’imagine qu’il y a une philosophie qu’on puisse apprendre et elle propose des visions du monde.

Alexis Kagamé, dans La Philosophie bantu-rwandaise de l’être, a pris pour point de départ les structures grammaticales, et établi aussi, un peu comme Aristote, des tables de catégories qui organisent la pensée du Bantu-Rwandais. A ce propos, on peut faire deux ordres d’observations : d’abord le système de pensée propre aux Bantu-rwandais tend à être généralisé à tous les Bantus : Tempels a écrit La philosophie bantoue, Janheinz Jahn Muntu et Fouda La philosophie négro-africaine de l’existence. Il s’agit d’une extrapolation progressive. Ensuite, le Ntu que l’on fait passer pour notre équivalent de l’Être, donne à penser que le négro-africain, à l’instar du penseur ionien, se serait, lui aussi, posé le problème de l’Être.

La liberté de critiquer les choses africaines semble ne point exister. Le travail ainsi fait par nos ‘africanistes’ demeure alors un travail fait pour les autres et non pour notre propre intérêt. Car, quel intérêt avons-nous à nous abuser nous-mêmes ? A nous cacher la vérité à nous-mêmes ? Mais il y a plus grave encore ! Quand des Africains, étudiant leurs propres systèmes, en viennent à conclure que l’Afrique avait déjà ce que l’Occident croyait être seul à posséder. Selon un musicologue africain parlant de la musique des balafons, il y a du Jean-Sébastien Bach dans la conception des gammes musicales chez les joueurs de balafons africains. On se demande ce que Bach vient chercher là. Comme si la référence à Bach était nécessaire pour fonder la valeur de la musique des balafons. Ainsi beaucoup d’Africains continuent obscurément à œuvrer dans le sillage des grandes tendances de la négritude.

Rebâtir une civilisation et un monde qui puissent faire le bonheur de l’homme africain

Le mouvement de la négritude, en vieillissant, est de plus en plus dogmatique. De simple slogan de bataille il a eu des prétentions philosophiques et doctrinales. C’est ainsi qu’on avait pu apprendre d’un des principaux ténors du mouvement que les Africains n’avaient pas besoin d’aller chercher ailleurs des idéologies importées de développement, tel le marxisme, du moment qu’ils avaient la négritude à portée de vue ! Illusoire prétention ! Car, non seulement la négritude n’est pas une doctrine philosophique systématique, mais encore il n’y a pas qu’une négritude, il y a des négritudes ! Et chaque négritude est constituée de valeurs de faits parmi lesquelles un choix judicieux s’impose encore. On n’invente pas une nouvelle idéologie ou une nouvelle philosophie en recourant à un ensemble de morceaux de valeurs empaillées, ramassées ça et là, avec, en arrière-pensée, le désir de donner le jour à un socialisme qu’on baptise ‘africain’. Surtout qu’après avoir parlé d’un tel socialisme on se montre incapable de le traduire dans les faits en préférant la solution traîtresse qui consiste à laisser les monopoles étrangers dominer votre économie.

Il faut se rendre à cette évidence que le mouvement de la négritude a terminé sa mission et qu’il est temps de libérer la pensée pour une créativité qu’exigent les conditions actuelles d’existence d’aujourd’hui. Il nous importe peu à présent de passer des années à établir que les Noirs ont inventé ceci ou cela avant les Blancs ou que les Noirs ont bâti la civilisation méditerranéenne ! Ce qui importe aujourd’hui c’est de rebâtir une civilisation et un monde africain qui puissent faire le bonheur de l’homme africain.

L’auteur a abordé des questions importantes comme le problème des intellectuels africains, le transfert de technologie, le panafricanisme, le commerce, l’immobilier, etc. Njoh-Mouelle dénonce la manière de raisonner des économistes mathématiciens qui peut aller jusqu’à effacer la présence de l’homme parfois. Le produit intérieur brut (PIB) est l’un de ces indices qui sont censés donner une idée du développement des pays. Mais non seulement il ne fait pas intervenir une évaluation de la qualité de la vie vécue ici et là, mais encore il ne permet pas de palper les différences entre citadins et campagnards, éleveurs et ouvriers agricoles, artisans et transporteurs etc, etc.

Ce livre contient des idées foisonnantes et très souvent pertinentes.

Amady Aly DIENG

 
 
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