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5 janvier 2012

L’itinéraire d’Alassane Ndiaye dit Allou par

L’itinéraire d’Alassane Ndiaye dit Allou par Djibril Guèye Grande imprimerie africaine (Gia) et sans date d’édition(1990 ?) 96 pages -
Alassane Ndiaye ‘Allou’ vu par un camarade de promotion

Cet ouvrage de Djibril Guèye, instituteur à la retraite, est un hommage rendu à la mémoire d’Alassane Ndiaye décédé en 1976 à l’âge de 51 ans. Admis à l’Ecole normale William Ponty en 1942, il termina ses études en 1945. Après l’obtention de son Cap en 1952, il sert à l’école Champ-de-course, Faidherbe, Colobane et Médina B. Il fit un stage à l’Ecole normale de Saint-Cloud en France en 1954.

Alassane Ndiaye fut détaché au secrétariat à l’information, à la radiodiffusion et à la presse sur la demande d’Emile Badiane en 1959. Il y assuma des fonctions de directeur adjoint à l’Information, chef de service radio. Il retourna dans l’enseignement après les événements de 1962. Il devait quitter ce monde le 6 août 1976.

Pour Mamadou Dia, ancien Président du Conseil du gouvernement du Sénégal et préfacier de ce livre. Il est rare que d’anciens condisciples, abstraction faite de tout intérêt immédiat, se portent un témoignage si enthousiaste de leurs folles et innocentes complicités du temps de leur adolescence.

La préface de Mamadou Dia montre combien les élèves de l’Ecole Normale William Ponty étaient férus de littérature française. Il savait se faire maître de la plume et de la parole. M. Dia n’hésite pas à convoquer l’enseignement du grand philosophe qui fut également brillant orateur, Cicéron, pour définir la véritable amitié qui ‘est vouloir les mêmes choses et de détester les mêmes choses’.

Mamadou Dia n’a point besoin de reprendre, même en guise de commentaire, le récit si vivant, si émouvant, si riche de Djibril Guèye qui se défend d’être orfèvre en l’art d’écrire. Pour lui, il suffit d’avoir quelque chose à dire, d’éprouver un sentiment, alors les mots, les sonorités, le rythme coulent de source. Un auteur célèbre de satires s’était surpris à ciseler des vers violents, foudroyants. Ce talent qu’il ne soupçonnait pas, il l’a attribué à l’indignation. ‘C’est l’indignation, écrit-il, qui a fait les vers’.

L’enfance et la jeunesse d’Alassane Ndiaye ont eu pour cadre la région du Cap-vert. Y avait-il dans ce milieu d’alors, des faits ou phénomènes sociaux qui sensibilisèrent positivement ou au contraire, révoltèrent sa jeune conscience ?

Chez une vieille femme du nom de Coumba Seck, tout près de la grande artère, Alassane Ndiaye vit le jour sous le toit maternel (la grande artère portera le nom de Blaise Diagne). Il vécut tout petit aux côtés de sa maman Faguèye Baffa qui donna toute la tendresse maternelle qu’a toujours désirée tout enfant. Toumané Ndiaye, son père, chef d’équipe aux Travaux communaux de Dakar, ne vivait pas avec eux. Il était domicilié à l’avenue Faidherbe X Copti. Il y avait aussi son parrain, Alassane Diagne, frère du député Blaise Diagne qui résidait à Gorée.

Alassane est ‘un dakarois de souche’, car le cadre de son enfance et de sa jeunesse se situait dans trois zones de la ville :

- Dakar-Plateau, quartier des Européens et des commerçants libano-syriens, jonché de belles villas et de bungalows somptueux.

- L’accès des ‘Nègres’ aux cafés et à certains lieux publics y était interdit. Alassane Ndiaye a pris un jour l’initiative très osée de déverrouiller les portes de ces lieux tabous ségrégationnistes.

- L’île de Gorée, habitée par des Blancs et des Noirs, reliée à Dakar-Plateau par une chaloupe faisant la navette chaque jour.

- Vers le Nord-ouest du Plateau, dont elle n’est pas coupée, en terre ferme, s’étend, immense, ‘la Médina’ des Africains où cohabitaient paysans, pêcheurs lébous, ouvriers et bricoleurs de toutes spécialités, des chômeurs, la plupart venus en exode de l’intérieur du pays.

La maison maternelle d’Alassane Ndiaye, sise dans la Médina, est à moins de cent mètres du Stade Iba Mar Diop, dont la grande porte d’entrée s’ouvre dans la rue 7. Cet environnement influencera notre jeune Médinois. Comme il fallait s’y attendre, il prit, très tôt, goût du ballon. A l’âge de huit ans, vers 1933, année de l’atterrissage De Mermoz à Dakar, il était à ses débuts à l’école primaire de Médina, qui porte son nom. Il fut transféré à l’école primaire de Gorée, sur la demande de son parrain Alassane Diagne.

Après avoir bien travaillé, pour se délasser, le petit écolier va assister, soit au tam-tam de danse, ‘le sabar’, au ‘Ndeup’ soignant les malades mentaux, soit au ‘lambe’, la lutte traditionnelle, organisée séparément, dans la périphérie de la maison paternelle.

La politique d’assimilation culturelle des élites africaines

En octobre 1942, le voilà admis, encore par concours, à l’Ecole W. Ponty de Sébikhotane – Ecole fédérale – à laquelle chaque colonie de l’ex-Aof et du Togo, sous tutelle française, envoyait tous les ans, ses meilleurs élèves issus des Ecoles Primaires Supérieures (EPS), y poursuivre leur formation et leurs études supérieures. Alassane Ndiaye fait partie des benjamins de la promotion de Djibril Guèye.

Dans l’ensemble, au total, il y avait quatre cents normaliens répartis dans trois sections. A Ponty durant toute l’année scolaire, en sus des cours quotidiens ou hebdomadaires portant sur : les mathématiques classiques, la littérature française : de la Pléiade aux écrivains modernes, des cours de chimie, physique, géographie (embrassant les cinq continents), de cours d’histoire ancienne et moderne (qui passionnaient Alassane Ndiaye), les élèves assistèrent aux grandes conférences successives faites par les professeurs, le directeur de l’école, Charles Béart, d’éminents spécialistes de l’Ifan, de l’Alliance française. Les exposés et les débats suscités touchaient tous les domaines de la culture.

Vers la fin de l’année scolaire, chaque colonie présentait une pièce de son crû en français, un jury présidé par M. Béart en faisait le classement par ordre de mérite.

La musique occupait à l’école une place de choix. A ce sujet, il faut remarquer qu’à la place de la musique de danse, Alassane Ndiaye manifestait, plutôt, un goût accentué pour le récital, c’est-à-dire l’audition artistique qui est simplement, plaisir des yeux, de l’oreille, de l’esprit et du cœur. Madame Bousquet, professeur, excellait dans cet art. Elle comblait de joie les élèves par sa musique classique.

A Sébikotane, Alassane Ndiaye lisait beaucoup, beaucoup, tout ce qui tomba sous la main. Il fut un rat de bibliothèque. Fréquemment, il se retirait, toute une matinée ou une soirée, dans l’amphithéâtre abritant la bibliothèque des professeurs et des élèves pour y ‘dévorer’ un livre, l’analyser, le résumer et donner son sentiment sur le message du document, le tout, par écrit, dans un volumineux cahier, afin d’en discuter avec un autre du même livre.

N’est-ce pas là la meilleure méthode pour se cultiver, développer ses facultés intellectuelles, former son jugement, bref préparer ses ‘armes’ pour les combats de la vie ? Voilà le creuset de sa riche expérience ! Sur les détails Alassane Ndiaye portait sa préférence sur la littérature : parnassiens, classiques, romantiques, la philosophie, les Stoïciens, les livres d’histoire, etc. Les élèves déploraient, tous sans acrimonie, l’élimination systématisée des ouvrages des écrivains noirs, africains ou de la diaspora de cette bibliothèque. Par là, la France appliquait la politique d’assimilation culturelle des élites africaines.

Le ‘ Belvédaire’ – prolongement du domaine de l’école – était le cadre de prédilection de beaucoup d’élèves qui s’y livraient à la réflexion, à la méditation, à la discussion, entre camarades sénégalais, togolais, dahoméens, ivoiriens, guinéens, soudanais, etc. de la même promotion ; et ce, la nuit, sous une lumière électrique éblouissante, éloignant les hyènes et les reptiles de la brousse environnante.

Au sujet de ‘Marx et la Religion’ Alassane Ndiaye disait que ce philosophe et Ludwig Feuerbach avaient développé ‘une thèse matérialiste qui ne le convainc guère’. Croyant, il était musulman toute son existence.

Mais tous les élèves étaient d’accord sur le rôle très important que peut jouer le théâtre dans la formation de la jeunesse et l’éducation du peuple. Jean Baptiste Poquelin dit Molière ne s’y était pas trompé et a beaucoup édifié les élèves.

Le directeur de l’école, Charles Béart tiendra une conférence à l’amphithéâtre devant tous les élèves pour expliquer la signification de cette devise : ’Une culture française basée sur l’Humanisme négro-africain’. Inutile de dire que le Père Béart développera la thèse ‘d’une symbiose de civilisation franco-africaine’, c’est-à-dire le métissage culturel, si cher au président Léopold Sédar Senghor. En première année de Ponty, à l’heure de la récitation hebdomadaire des beaux textes, soit de Lamartine, de Leconte de l’Isle, de Victor Hugo ou des autres écrivains, donnés par le professeur de français, interrogé et placé devant le tableau noir, Alassane suscitait, réellement, un régal de l’esprit.

L’auditoire était tous yeux et toutes oreilles durant ce quart d’heure. Non seulement, il connaissait parfaitement, par cœur, le texte, mais l’interprétait intelligemment, en joignant le geste à la parole, sans gêne.

Il se dégage de cette séquence, l’affirmation d’un orateur en herbe, un esprit déjà mûr, maîtrisant la langue de Malherbe, claire et simple, une mémoire prodigieuse d’un homme sans complexe d’infériorité.

Parmi les autres activités menées, l’école avait organisé et entraîné une forte et mordante équipe de footballeurs dont les piliers furent : Pierre Ngoma, Emmanuel Sibo et Alassane Ndiaye. ‘Ponty-club’ avait signé de nombreuses victoires inscrites à son brillant palmarès, au niveau de l’Aof.

Elle se déplaçait beaucoup pour des matches aller, et Père Béart qui tenait à cœur à la victoire du onze de Ponty, à chaque compétition, faisait, souvent, le déplacement en personne pour catalyser les joueurs.

‘Ce 9 août 1976, Allou n’est plus’

En troisième année, comme de tradition, les élèves ont à élaborer, chacun, pendant les grandes vacances, le mémoire ‘rituel’ dont le thème, variable, fut cette fois : ‘Le rêve – son rôle dans la société africaine’. Le citadin Alassane Ndiaye n’a pas apprécié ce sujet.

Domicilié au ‘Bloc’ des enseignants de l’école Clémenceau, il a réussi à créer, de toute pièce, une émission sous le titre ‘Regard sur le Sénégal d’autrefois’, une émission de haute portée sociale. C’est dans son salon, où il initia, feu Chérif Fall aux fonctions de speaker à Radio Sénégal. Il a su utiliser à bon escient certains outils linguistiques ou procédés d’expression. A Ponty où Corneille lui avait appris dans Horace, l’utilisation de ‘l’anaphore’, dans ses textes de dissertation, de récit, d’analyse, de description, etc. Et voici l’exemple vivant que cet écrivain français – dans Horace – lui avait livré :

‘Rome, unique objet de mon ressentiment ;

Rome, à qui vient ton bras d’immoler mon amant ;

Rome, qui t’a vu naître et que ton cœur adore,

Rome, enfin que je hais, parce qu’elle t’honore… ’

Cette figure utilise la répétition du même mot, mis en apostrophe, (en tête des phrases qui se suivent).

Il utilisa l’anaphore dans le cadre de ‘Regard sur le Sénégal d’autrefois’ à propos du thème intitulé : ’les grandes figures de l’islam’. A Sébikotane, ce goût latent pour les exhibitions des lutteurs dans les arènes et les mélopées des chanteuses de ‘lamb’, fut stimulé et éclairé par les cours de musique de M. Pastoret, le violoniste, de Mme Bousquet, la pianiste. L’un et l’autre définirent ce qu’on appelle la prosodie et l’illustrèrent : le premier en solfiant le chant des ‘bateliers de la Volga’, et, la deuxième par la mise en musique de la ‘Valse de Vienne’… C’est dans cet état d’esprit et de cœur que le fondateur de l’émission ‘Regard sur le Sénégal d’autrefois’ aborda le thème : des grands virtuoses africains et sénégalais’.

Ont été traités divers sujets comme le survol sur l’itinéraire politique d’Alassane Ndiaye, son implication dans le journalisme sportif, la lutte traditionnelle sénégalaise.

Ce livre contient des témoignages fort intéressants qui méritent d’être connus. Le président Dia, immédiatement après son décès, publia un texte intitulé ‘Eloge à un compagnon disparu’. Serigne Ali Cissé, un de ses anciens élèves est le seul journaliste, à l’époque, qui a eu le courage d’écrire et de publier un hommage émouvant ‘Ce 9 août 1976, Allou n’est plus’ dans les colonnes du Soleil. Majib Sène, directeur du Journal Senesports lui a laissé un ‘Mot’ : ‘Allou, le magicien du verbe’. Aboubacar Diop dit Bouba Diakhaw, le Prince du quartier Thialy, une très grande vedette d’hier du football, a rendu un vibrant hommage à Alassane Ndiaye.

Le dimanche, 27 avril fut organisée la journée du parrain. A cette occasion, son fils Papa Amadou Ndiaye a prononcé un discours à l’école Alassane Ndiaye dit Allou, ex-Médina I.

Ce livre aux dimensions modestes contient de précieuses informations sur la vie des Pontins. Il peut être à l’origine de travaux fort intéressants sur l’enseignement colonial en Afrique occidentale sous domination française et sur la vie quotidienne au Cap-Vert de l’époque coloniale. Nous proposons qu’une maison d’édition comme L’Harmattan-Sénégal réédite cet ouvrage.

Le moment est venu pour que se multiplient des monographies sur les Ecoles normales de Sébikotane, de Rufisque, de Katibougou, les lycées Faidherbe, Van Vollenhoven, le collège Maurice Delafosse, l’Ecole vétérinaire et l’Ecole des travaux publics de Bamako, les écoles normales de Dabou et de Sévaré, etc.

Amady Aly DIENG

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